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J'irai marcher par-delà les nuages
17 avril 2005

Rêverie d'eau......

Il pleut. Le printemps hésite encore. Ce matin c’est un décor d’eau et de pluie. Dans ces vapeurs mouillées d’une nostalgie défaite, dans l’odeur fade de ce matin flottant, presque inconsistant, je me souviens que l’eau a valeur, aussi, de métaphysique. Hier, mon Ange se souvenait de la mer dans un pays lointain. Du soleil qui se couche, de la mer comme un appel. Souvent je pense à elle. Souvent je l’imagine comme un cheval sauvage, au galop sur une plage. On a tous des images un peu usées dans la tête, des clichés clichés. Je l’imagine au grand galop échappant aux hommes qui veulent la capturer, au monde qui veut l’engluer, aux morts qui pensent la charmer. Elle traverse la plage dans un sens et puis dans l’autre se cabrant, ruant, jouant dans les vagues mourantes. Insaisissable. Libre. Fière. Je l’imagine se dressant sur ses pattes arrières pour repousser ceux qui veulent la prendre. Et je vois la pirouette qu’elle fait pour se dégager et s’élancer dans la mer, face au large, face au pur, face au soleil. Elle est faite pour l’immense qui seul peut contenir son âme.

Et ce matin il pleut et l’eau envahie mon imaginaire, ma rêverie. L’eau, mon char à rêve. Ce matin il pleur et je pense à l’eau, celle qui coule et qui s’en va toujours plus loin. L’eau qui nous emporte vers le mystère.

L’eau verte, étincelante, de tous les éléments, est toujours le seul et l’unique chemin qui nous mène vers la mort.

L’autre vie, celle au-delà des rives, celle au-delà de la vie.

Une eau qui passe, une eau qui coule c’est la vie qui s’enfuie, c’est le sang de nos veines qui reflux. L’eau qui coule ouvre notre imaginaire à des contrées reculées et jusqu’à la plus lointaine, la plus abandonnée. Il était courant, par le passé de laisser dériver les corps après la mort. On ne les enterrait pas.

Rendre les morts à l’eau c’est croire qu’ils ne sont pas vraiment morts, c’est croire un ailleurs toujours possible.

Rendre les morts à l’eau c’est vouloir encore espérer.

L’eau qui coule charge nos âmes d’immortalité.

La source qui sort de terre nous ouvre aux mystères bouillonnant de la vie.

L’eau qui s’enfuit vers la mer pare nos âmes d’un linceul divin.

La rivière du Styx qui entoure le royaume de Pluton, à jamais, témoigne en notre âme que l’eau de nos rêves est une eau mortuaire.

En lisière de la mort un batelier nous attend

Au-delà des champs d’asphodèles, un drôle de gondolier nous attend depuis la nuit des temps. Il se nomme Charon.

Le vieux passeur des morts dans son vaisseau pourri vient prendre livraison de sa cargaison d’âmes, il faut imaginer ces grands cortèges d’ombres convergeant vers la barque branlante du nautonier. Des ombres que la vie vient d’abandonner, des ombres effarées de sentir leur mémoire les quitter et rejoindre l’eau stagnante des marais alentours. Les ombres sont silencieuses, elles sont toutes repliées en elles-mêmes méditant sur leurs vies et les souvenirs se condensent et s’échappent comme des morceaux de rêves ; elles ne sont plus rien, que des ombres pressées d’embarquées. Elles se bousculent. Au moment de monter sur le vaisseau tremblant, il ne reste plus rien de la vie passée, même pas la trace les actes et des paroles prononcées. Rien.

Charon les attend. Enveloppé dans sa grande cape noire. Et les âmes s’embarquent, une à une, un cortège infini. Et plus il en arrive, plus la barque se remplit.

Me revient cette phrase de Bachelard :  "  Tout ce que la mort a de lourd, de lent, est aussi marqué par la figure de Charon. Les barques chargées d’âmes sont toujours sur le point de sombrer. Etonnante image où l’on sent que la mort craint de mourir, où le noyé craint encore le naufrage ! La mort est un voyage qui ne finit jamais, elle est une perspective infinie de dangers. Si le poids qui surcharge la barque est si grand, c’est que les âmes sont fautives. La barque de Charon va toujours aux enfers. Il n’y a pas de nautonier du bonheur. "

Mes réflexions ont dérivé. Ce matin il pleut. Et mon rêve d’eau a suivi une pente noircie. Je pense à mon Ange. Elle ne va pas aimer cette méditation. Elle ne dira rien, mais je sentirais à son silence.

Mon eau s’étire à l’infini, des pentes les plus hautes, aux plaines les plus lascives, jusqu’à l’estuaire majestueux, jusqu’aux mélange des eaux. Mon Ange c’est la mer immense, et moi, je suis une source perdue. Et les mots sont les flots dévalent, et les mots deviennent des fleuves. Mon Ange et moi sommes des eaux différentes et pourtant chaque goûte de nos eaux tend vers l’autre. Le flot des mots nous relie dans un courant infini…

Franck

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