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J'irai marcher par-delà les nuages
31 décembre 2005

NARCISSE.......

Il y a des moments de grâce. Quelque chose qui saisi l’intérieur. Une main qui empoigne vos tripes et vous assèche de toutes vos eaux. Comme ça. Dans l’instant. Vous lisez et brusquement plus rien n’a d’importance. Vous lisez et vous vous dites : « Il se passe quelque chose ici… », dans ces lignes, que vous lisez et relisez, comme si elles renfermaient tous les secrets.

Il y a des moments de pur bonheur de lecture, même si ce bonheur est douloureux, puisque ce n’est plus seulement de la lecture. Puisque tout notre être s’engage dans un mouvement irraisonné. On a honte d’abord. De ce plaisir. Indécent ce plaisir. Pourtant il est là. On a honte d’être dans cet intime dont on se sait indigne. Ça ressemble d’abord à une perte. Comme dans la chute. Quelque chose de brutal. La même sensation, l’instant où je sors de l’avion. Brassage des chairs et de la pensée. Je tombe. Dans le texte. Dans les mots. Dans la vie qui gonfle, dans cette excroissance de vie, dans cette boursouflure de vie, dans cette abondance de vie. Il y a comme un appel. Je tombe dans le texte et brusquement je n’ai plus envie de me raccrocher. Je veux m’effondrer sans fin. Dans ces mots. Dans ses mots. Je veux comprendre cette impression. Voilà, c’est une chute vers le haut.

Il y a des écritures qui vous excluent. Elles se suffisent à elles-mêmes. Et puis, il y en a d’autres qui vous accueillent. Celle-ci accueille. L’encre qui les inscrit est rouge sang. Rouge vif. Rouge vie. Les mots disent la vie impossible, l’impossible image d’une enfance perdue, l’impossible monté vers la parole. Une parole en escalier qui monte. Les mots disent l’humiliation et l’écoeurement, et l’impossible de l’amour à dire et a faire. Des mots échardes, des mots barbelés, des mots murailles, des mots forteresse écroulée. Oui, elle dit des mots de souffrance et de douleurs insupportables à décrire. Pourtant entre chaque ligne d’autres horizons. Pourtant les mots nous disent plus, parce qu’il nous accueillent. Ils nous invitent. Ils nous invitent à entendre et peut-être à nous recueillir. Ils nous invitent à grandir et à nous éventrer de nos faiblesses. Comme s’il y avait une issue dans cette écriture.

Il y a dans vos mots madame, une infinie générosité. Quelque chose qui na pas été entamé par les boues et les cloaques de la vie. Il y a quelque chose d’intact. Il y a un socle dur et pur.

Souvent je m’interroge sur l’écriture, sur son sens, sa valeur. Vous êtes la réponse à toutes ces questions. Votre geste d’écriture a une telle limpidité, une telle authenticité. Une telle vérité. Une présence désarmante.

Madame, j’ai avancé dans vos mots pas à pas. En silence. Et j’ai relu. Toujours en silence. Et avec gravité. Pour laisser venir à moi l’émotion. Pour laisser venir à moi la vague. Accueillir votre offrande, en préparant la place en moi. Quelle place immense vous prenez madame ! Vos mots n’ont pas besoin d’être criés, ils se disent seulement, et en les disant à haute voix, en prononçant chaque mot, chaque syllabe, on se rend compte que les choses du monde vont un peu mieux. On se dit, puisque vous existez comme cela, dans cette parole là, alors les choses du mondes ne sont pas complètement désespérantes.

Il y a des écritures qui prennent qui gardent. Elles sont prédatrices. Et puis il y en a d’autres qui rendent. Comme la votre qui nous rend à nos devoirs premiers, qui nous rend plus digne, puisqu’accepter de vous lire c’est devenir plus homme, plus humain. Un peu plus à chaque mot, à chaque ligne.

Vous dites une expérience terrible. Qu’en dire ? Sinon, vous écouter. Mais que vaudrait cette expérience sans cette voix qui la dit, cette voix qui s’est assez dénudée d’elle-même pour réinventer une virginité, une transparence, une tremblante. Vous restituez plus qu’une expérience mais quelque chose d’universel. Vous nous donnez la chance de nous sauver, et surtout la force de croire encore un peu. Juste assez pour vouloir continuer.

Souvent je suis dans les affres du doute, mais votre écriture me rassure parce qu’elle dit un chemin possible, acceptable. Certes, où les cicatrices saignent toujours, où rien n’est gagné d’avance, où rien n’est vraiment encore guéri, mais où l’on sait que tout pourrait l’être. L’humanité dont vous parlez, madame, vous êtes allée a chercher loin, profond, et elle a encore le goût de votre sang et la forme des échardes qui sont plantées dans votre chair, mais elle est là, dressée et digne, dans une fore démesurée. Alors je vous retourne le compliment que vous faisiez à Elle : « Elle est ce que je voudrais voir fleurir sur vos chemins… ». Cette phrase vous va bien. Elle dit la fleur, sa fragilité, ses couleurs, son parfum et le chemin, qu’il soit d’errance ou de labour, qui soit de joie ou de labeur, elle dit nos marches insensées et nous rappelle à la vigilance, à être attentif, car sur les talus de nos désespoirs poussent les fleurs incomparables.

Je sais bien madame, qu’au-delà des mots que vous prononcez il y a une souffrance aigue, véritable, prégnante, qu’il y a l’impossible paix, l’impossible rémission, j’entends bien les jambes lourdes qui montent cet escalier de misère, et j’ai honte de vouloir vous dire merci de livrer cela, oui, j’entends bien l’inaccessible forteresse d’où votre voix s’échappe et pourtant j’ai envie de vous dire merci. Parce que si être humain c’est appartenir à votre humanité, alors je veux bien être humain. Parce que boiter avec vous semble la meilleur façon de rétablir l’équilibre désastreux de nos vies.

Merci Marie http://narcisse.hautetfort.com/

Franck

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Commentaires
P
Si elle repasse par là. <br /> Qu'elle sache qu'elle me manque. <br /> Tout comme toi.
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F
Il n'est jamais trop tard Baramine, sauf dans certaines (rares) situations... je te remercie de ton passage... mais tu sais... ce qu'il y a de sublime, c'est moins mon texte, que Narcisse elle-même...<br /> A bientôt
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B
bon, j'arrive un peu tard pour dire que je trouve tout simplement ton texte "Narcisse" sublime. Je ne connais pas Marie mais je vais aller voir. A bientôt sans doute
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A
Fugitive, Marie, Franck, je relis vos commentaires ce matin. Ils ramènent à l'essentiel, et ça fait du bien.<br /> Alix
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F
Marie, ma soeur,<br /> <br /> Tu ne le sais pas mais mon véritable prénom contient le tien.<br /> Je n'y vois aucune concordance.<br /> C'est tellement courant !<br /> <br /> Ton commentaire annihile toutes batailles ridicules, tous affrontements avec le Rien qui mire son nombril.<br /> <br /> En ça, comme pour bien d'autres choses, je t'admire.<br /> La façon dont tu as répondu à toute cette lave incongrue et stupide est de l'ordre de ce que je savais.<br /> On est ailleurs.<br /> Si tu pouvais même imaginer à quel point je me sens moins seule à te lire !!!<br /> <br /> Cette faculté de comprendre l'autre, même dans ce qu'il a de plus hideux, de plus détestable, de plus innomable.<br /> <br /> En même temps, il y a une autre en moi qui comprend l'exclue, la réprouvée.<br /> <br /> Même si j'ai l'intime conviction que tout ceci n'est qu'une posture facile.<br /> <br /> Marie, tu sais que ton lit d'ici, au pied des montagnes, t'attend...<br /> Et je monterai du bois pour toi si tu as envie d'une flambée...
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