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J'irai marcher par-delà les nuages
30 janvier 2006

On peut vivre dans la déchirure....

Pas de nouvelles d’Estelle. Quarante minutes pour faire place nette. Nette ? Si l’on peut dire. J’étais en colère. Son geste n’était pas élégant. Par texto.  J’étais en colère. Contre elle, contre son mensonge, contre les mots du vin qu’elle disait. Quarante minutes. Elle était mal. Je le voyais. Mal. Je n’ai rien dis. Elle s’excusait. Là, je n’ai rien dis. Éviter les paroles vaines. Faire vite, simplement faire vite. Ne rien dire de son mensonge. Comme l’Autre. Ici l’alcool, là le meurtre, dans les deux cas la même histoire d’amour. Le même enfant laissé sur le bord d’un chemin. Le même abandon. Estelle est empêtrée chaque jour un peu plus. La soif appelle la soif. Et l’Être du vin grossit un peu plus à chaque gorgée. Comme du désespoir bu jusqu’à la lie. Du désespoir qui se nourrit de lui-même. Comme l’Autre qui se saoule de ses mots, dans l’ivresse d’une rage qui ne trouve plus sa forme. Et les mots la mentent, tous les jours un peu plus. Demain j’appellerai Estelle. Lui dire que tout va bien, qu’elle ne s’inquiète pas. Que je ne lui en veux pas. Qu’elle ne se sente pas coupable de ça en plus. Je lui dirais aussi ce qu’elle ne veut pas entendre, que si elle veut, un jour, quand elle sentira que c’est le moment, je serais là… qu’on ira voir le médecin ensemble. Je veux qu’elle entende que je la respecte là, dans sa totalité, avec le vin. Mais que je ne peux pas jouer la comédie de ne pas savoir, de ne pas voir. Que mon seul cadeau c’est de savoir et de lui dire : je sais le pays que vous habitez, l’immensité du désert qui étire toutes vos heures. Que mon amitié pour vous, englobe tout, même votre ivresse titubante, même les mots pantelants. Vous n’êtes pas seulement l’amie d’avant, d’avant le vin, vous êtes l’amie d’aujourd’hui, même avec vos trahisons qui sont, au fond, si dérisoires. Même avec vos mensonges… Je l’appellerais sans cette colère, que j’ai déjà oubliée. Je voudrais qu’elle vive encore pour qu’elle ait le temps de renaître. Je voudrais assister à sa naissance. Alors je lui dirais : je vous accompagnerai. L’Autre c’est pareil, mais je ne lui dirais rien, de toutes les façons elle sait.


Les instants d’une vie ont parfois de drôles de couleurs. Contrastées et contradictoires. La même semaine deux personnes que je croyais proches trahissent et poignardent. Et la même semaine deux autres personnes se lèvent comme un soleil dans ma vie. Grand ménage de l’hiver qui prépare le printemps. Et je sais que le printemps sera beau cette année. Je n’ai plus rien et pourtant je n’ai jamais été aussi riche. Ce qui devait partir est parti pour faire la place au printemps…
Et dénouer les derniers liens.

Hier, Patricia, m’a passé le livre de Bauchau. L’incipit : « Nous ne sommes pas dans la réconciliation. Nous sommes dans la déchirure. On peut vivre dans la déchirure. On peut très bien. »
Il faut accepter la béance… Combien de fois j’ai déjà fait ce choix ? Il faut le refaire, à nouveau. Mieux.
J’ai terriblement envie de reprendre mon analyse en ce moment. Mais de faire une didactique. Confusément je sais que ma place est là, dans cet espace de la déchirure, dans la béance. Patricia m’encourage.
Il est peut-être temps de retourner mon écriture comme la peau d’un lapin qu’on dépèce. Il faut que j’appelle Estelle demain. Lui dire que rien n’est grave. Que l’important c’est elle.

J’écris, et à l’instant je reçois un message : une petite fille vient de naître son nom veut dire « cœur ». Jour de nouvelle Lune. La conjonction de la Lune et du soleil. La lumière qui émet, et celle qui peut la recevoir…Noce de lumière…
Je sais que c’est un signe. Le centre, le pur, l’inaliénable… Cœur. Il est dans la béance.

Elle marchait de biais. On ne pouvait pas se rencontrer. C’est l’évidence. J’ai souvent marché contre les évidences. C’était comme une sorte d’exigence. Aller vers le plus impossible, le plus improbable. Et croire que c’était là, dans cette interrogation pathétique que pouvait se révéler mon accord le plus intime à la vie. Mon  consentement.

Je regarde Patricia, elle aussi est à son œuvre. Sculpter cette falaise à main nue et aveugle. On est tous aveugles pour nous-mêmes. Je vois dans ses yeux à la fois la certitude et le doute, mais ainsi l’infini mouvement de la vie, juste au bord des tremblements. Elle cherche la précision du mot pour coller au plus près de l’idée. Avancer, revenir, mouvement incessant pour user la pierre de la vie. Parfois ses mots se suspendent et s’accrochent un reflet de lumière. Assurer sa prise dans la lumière. Papillon. Pensée coquillage qui cherche son centre. Revenir à l’essentiel. L’essentiel, la déchirure. Cette trouée de lumière dans l’océan.

Tout un mois d’évènements en cascade, contre temps sur contre temps, catastrophes, ruptures, pas un jour sans son cortège de désastres.
Ça commence le jour ou je publie le texte sur Marie. Je savais qu’en interrogeant le pur, le net, le clair, les hordes se déchaîneraient. Ça n’a pas manqué. On ne touche pas impunément, même du bout des doigts, un rayon du soleil. Tous mes points sombres on été questionnés. Tous. Sans exception. Jusqu’à l’Autre, incapable d’être dans le déploiement d’une amitié saine. L’autre cherchant des monstres partout et, croyant en trouver, vient buter et trébucher sur son ombre errante sur la lande. L’autre. L’Autre dans son déferlement de haine, qui oublie toute retenue et qui touche enfin le fond de sa vérité

Et pourtant au bout d’un mois… tout est plus clair. Par la force des choses la cohabitation avec Estelle est terminée. L’Autre enterre ou déterre toujours ses mêmes morts, ou ses figures littéraires. . Il fallait la dire pour pouvoir la taire. Maintenant je peux la taire.

Et surtout j’ai mes deux nouveaux soleils, il en fallait bien deux. Il fallait la dire pour pouvoir la taire. Maintenant je peux la taire.

pour ce pays au-delà des nuages.
La déchirure est belle au printemps, c’est sa meilleure saison, la saison des naissances, des aurores, des promesses…
Le sens de ces jours c’est la traversée.

Conrad  dans "Typhon». Il dit un capitaine dans la tempête. Me mettre en face de la vague. Les premières m’ont désaxé. Il faut traverser les vagues. Au début, je voulais éviter. Il n’y a rien à éviter. Si l’on exige le meilleur il faut accepter le pire. Si on croit au meilleur, alors le pire peut venir.
J’appellerai Estelle, pour lui dire que même dans la nuit où elle est, je la vois, parce que cette traversée je l’ai faite déjà, je sais chaque heure de ce qu’elle vit, chaque seconde, chaque éternité du cauchemar. J’en connais tous les recoins.

Je me croyais pauvre alors que j’étais riche. Riche d’une offrande à faire. Riche d’un printemps à venir.  Riche de pouvoir accueillir ces gestes si purs que l’on m’a fait cette semaine. Ces gestes qui m’interdisent de me plaindre des offenses.
Oui, tout s’efforce en nous, et je commence à voir les fils qui reliaient mes derniers textes, cette mise en scène à notre insu des forces qui nous travaillent et nous pétrissent comme un pain qui devra lever et cuire et se fendre pour être partagé.
Franck

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29 janvier 2006

Maintenant l'odeur du pain....

Elle revient toujours avec des paroles allusives. C’est habituel. C’est le fonctionnement. Elle n’a rien vu. Elle n’a rien voulu voir. Seulement préoccupée pas ses mots. Sa souffrance. La lutte contre sa souffrance et l’envahissement. Et le rejet. Elle n’a pas vu que j’ai voulu ça. Ça. Pour elle. Parce que c’était la seule solution. Accepter sa haine. La prendre pour m’en faire un linceul. Lui faire ce cadeau de sa haine pour moi. Qui peut comprendre ? Moi-même je n’en reviens pas. Je sais quand j’ai mis la mécanique en route. Je sais le jour. Il fallait que je le fasse, pour elle. Pour qu’elle entende. Je sais qu’elle a entendu. Au fond de ses peurs, elle a entendu. Elle sait ce qu’il faut faire maintenant. Elle l’a toujours su. Maintenant elle sait qu’il faut qu’elle pose tout. Tout. Qu’elle pleure longtemps. D’abord longtemps. Qu’elle pleure profond. Au plus profond, c’est le plus difficile. Elle sait maintenant qu’il faut qu’elle arrête de faire sans faire, de dire sans dire, d’aimer sans aimer, de haïr sans haïr, être ça sans être ça, ou autre chose sans être autre chose. Elle sait que les mots se tirent la langue. Elle sait qu’elle doit arrêter d’écrire sans écrire, de se dire sans se dire, de mentir sans mentir, d’être vraie sans être vraie, d’être engagée sans être engagée. Elle sait tout ça. Elle sait son impossible relation à l’autre. Avec toutes ses peurs. Impossible. Elle sait où se trouve la clé. Dans le coffre de l’enfance. Elle le sait. Papa, maman. Maman qui part voir d’autres hommes que papa. Papa, si bon, si faible, si humilié. Maman qui séduit, qui trompe, qui trahit. Il faut bien être comme maman, pour qu’elle m’aime. Bien sûr. Elle le sait. Tout vient de là, même l’horrible, après. Même l’horrible maintenant et toujours et à l’heure de notre mort. Amen.

Aujourd’hui son écriture fait résistance à l’intérieur. C’est par là qu’elle résiste au pardon. A la rémission. Ce n’est pas frontal, c’est à coté. En biais de la vérité. Son écriture la trompe. Elle le sait maintenant. Comme sa mère. Et les hommes ne sont pas aimables, comme son père. Défaillant, toujours. Ou alors, amant et complice de la mère. Décevant au final. Toujours décevant.
Elle sait maintenant.
J’essaye de comprendre l’identique là où il n’y a que différence. Sa mère, la mienne. Rien. Pourtant…On ne brise jamais les liens on en incise uniquement la surface. On n’en coupe que la peau. Les mythologies nous font croire que l’on peut trancher dans le vif. Oui, on tranche, mais ça ne sépare pas la nuit du jour. Il faut être dans dilution. Dans le précipité. J’appelle ça : l’effondrement.
Encore hier, elle est venue poser ses mots sous la blessure. Par défi. Par ignorance. Puisque le lien n’est que blessé, jamais coupé.
Enfant j’allais à pêche. Occupation d’ennui, d’usure et de patience. Apprentissage du mystère. Dans l’attente se crée toute une relation au monde, aux rêves, aux espérances. Toutes nos stratégies s’élaborent, là, au moment où l’on prépare sa ligne. Choix du bouchon, grosseur de l’hameçon, plombage. Plaire à sa proie. La séduire. Se dire que les belles couleurs du bouchon n’effraieront pas, se dire que la profondeur choisie sera la bonne, la seule possible. Se dire que l’hameçon sera assez gros, assez solide pour les petits poissons, comme pour les gros. Plomber juste ce qu’il faut. Pour que la plume soit droite. Se dire que le choix de l’asticot est essentiel, ou que le ver doit être appétissant. Se dire que la pêche est une histoire de vie et de mort, que seul le vivant attrape le vivant. Et que la mort est au bout. Au bout de cette attente, au bout de cet ennui. A mort comme une joie. Jouissance de la perte et de la destruction. Réduire l’autre à soi. Pêcher du vivant pour être sûr d’être soi-même en vie, prendre cette vie pour se nourrir d’une mort apprivoisée. Pas douloureuse, parce qu’infligée.
Je me souviens de ces longues après-midi à regarder ce bouchon descendre la rivière. A chercher l‘endroit mystérieux où le poisson se trouverait. Choisir ce reflet sur l‘eau courante plutôt qu‘un autre. User jusqu‘à l’épuisement sa patience. Être là, dans cet espace infini entre la jouissance et le désespoir.
Les gestes de l’enfance ne sont pas très précis. Souvent la ligne s’emmêle. Le fil de nylon se met en pelote. En nœud.
C’est l’autre épreuve initiatique. Le nœud.
Les première fois, on tire. On pense que la seule force sera suffisante. On tire. Et le nœud se serre. La pelote se fixe. On connaît là, l’insupportable frustration. Quelques temps auparavant on faisait ses premières prière aux dieux des pêcheurs. Et là, on profère ses premiers jurons aux dieux des enfers. On tire. Et le nœud est toujours là.
On ne sait rien de la vie. Donc on ne ait rien des nœuds. On a beau le regarder, il est là, et nous renvoi à l’impossible. L’inacceptable. L’intolérable.
On ne sait rien de la vie. Alors on tire jusqu’a ce que ça casse. On coupe le nœud. Au dessus et en dessous, on le réduit à rien, et on jette la pelote nouée au fil de l’eau. Reste à recoller les deux bouts de la ligne, des plombs sont partis, de la longueur de fil, mais qu’importe, le nœud n’est plus là. Alors pour recoller les deux bouts on fait un autre petit nœud, petit celui-ci, un nœud maîtrisé, un nœud à nous. On le voudrait presque invisible, mais solide, on voudrait qu’il relie, mais qu’il ne soit plus là. C’est l’instant de la cicatrice. La blessure. Celle qui reste. On peut relancer sa ligne, mais ce n’est plus pareil. On sait qu’elle est imparfaite, on sait que tout le monde le sait, même les poissons, on sait, on croit que ces eaux de la vie et de la mort réclame une perfection. Une perfection qui jamais n’existera plus. A cause de ce petit nœud. Celui que vous avez fait. Si petit. Mais vous ne voyez que lui. Il est là planté au milieu de votre désir. Ces nœuds d’enfance laisse tomber un voile sur le soleil. Quelque chose de notre sang s’assombri.
On ne tranche pas les nœuds. On l’append plus tard.
Plus tard on prend la pelote. On la pose bien à plat avec douceur et précaution. On la pose dans la lumière du soleil. On la pose et on la regarde. Longtemps. Très longtemps, s’il le faut. Ce regard c’est l’échange, mais c’est la reconnaissance. C’est admettre. C’est accepter. Voir l’entrelacs du fil. Et commencer à défaire. Lentement. Très lentement. Je me souviens de mes doigts maladroits. Autre exercice de patience. Mais là, l’attention est à son comble. On est dans une autre dimension. On est dans le lieu du nœud où la règle c’est le geste juste. Comme ailleurs c’est la parole juste. A tout moment le nœud peut se resserrer. Élargir, étirer les fils, agrandir sans forcer, repérer les impasses. Toujours être au plus juste de soi, de son regard, cela peut prendre des heures, sans doute des siècles. Mais on ne pas faire l’économie de ce dénouement.
Chaque ligne dénouée est forte de notre patience donnée, de nos énervements vaincus, d’une pureté gagnée sur l’infâme de nos vies.
On ne tranche pas les liens. Ni les nœuds.
Qui a-t-il dans le lien sinon, déjà, l’extrême vérité du nœud ?
Qui a-t-il dans le nœud, sinon ce grand champ de neige et la mort qui souffle au bout?
Alors le geste juste est de remettre le lien là où il était. Et si la honte existe elle n’est pas mon fait, c’est à l’Autre de s’en arranger. La réalité, n’est pas magique, elle est la réalité. Je la lis, elle me lit. Le reste n’est que danse macabre.
Je ne veux pas de son nœud sur ma ligne. Je dénouerais un a un les fils. J’ai la patience et la douleur des grands chênes. Mon écorce est craquées, fissurée, hésitante, tourmentée mais mon cœur est droit. Sans honte, et sans regret. Je ferais donc les choses dans l’ordre. Fil après fil…

Je sais un pays où les aurores ont l’odeur du pain frais.
Je sais un pays où l’amour lève durant la nuit où l’amour cuit au feu de bois, où l’amour se partage comme un morceau de pain…

Franck

26 janvier 2006

...Tre Cavalli....

Elle est revenue à Paris. Comme il y a un an. Presque jour pour jour. Comme un anniversaire. Comme un rituel. Déjà. « Je suis à Paris… on peut se voir dimanche…. ». Elle surgit toujours de nulle part. Sa voix au téléphone est agréable. Une voix amie. Je suis tout de suite bien dans sa voix. « Comment tu vas ?... », « Comme un poisson  qui se noie… mais c’est sans importance ». D’où sorts-tu petite Sandra ? C’est quoi ton pays ? Que viens-tu faire dans mes landes ? Dans mes déserts. En ce moment je suis vent et glace. « Et puis tu me parlera de mes étoiles, comme l’année dernière… ». Pourquoi es-tu là dans mon paysage austère ? Pourquoi traverses-tu ce chemin de broussailles ? Tu sais bien qu’on peut s’y perdre.

Elle était à l’heure. Je l’ai vu arriver de loin, elle courait presque. J’ai vu de loin sa blondeur en bataille arriver dans ce soleil d’hiver. Essoufflée. Avec le bout du nez un peu rouge. La bise. Et tout de suite après, elle a collée son visage dans mon cou. J’ai pensé : un petit oiseau. J’ai pensé : plume. J’ai pensé : grâce. J’ai pensé… déjà elle me prenait le bras. Et nous marchions. Elle n’a pas changée. « Toi, non plus ; tu n’as pas changé. » Je sais qu’elle ment. Mais son mensonge est agréable. Si, j’ai changé. Je suis plus…. Plus loin. Je sais que je suis plus loin… et encore un peu plus perdu qu’avant.

Je me souviens qu’il neigeait l’an denier. Comme dans ce long poème du Hugo : L’expiation. Il neigeait… Il neigeait, il neigeait toujours… Pourquoi j’ai cette neige au bord des yeux. « Après la plaine planche une autre plaine blanche… » Combien de plaine blanches j’ai déjà traversées ? Combien de retraite de Russie ?

En marchant je pensais à ce livre d’un auteur italien Erri De Luca « Tre Cavalli ». Son idée, est que la vie d’un homme, peu se diviser en trois parties, et chacune d’entre elle, représente, en temps, la vie d’un cheval. Chaque homme à trois vies de cheval à sa disposition. Suis-je à la fin de mon deuxième cheval…est-il en train de mourir ?.

Ca y est, il est mort. Le deuxième cheval. Pendant que j’écrivais ce texte…. …………………………………………………………………………………………………

Je reprends. Le troisième cheval, n’est peut-être pas encore né. Peut-être faudrait-il qui ne naisse pas. Entre ces deux paragraphes ; quelques jours. Simplement quelques jours qui se sont ouverts comme un gouffre. Ce n’est pas sa vie que l’on voit défiler. C’est autre chose.

Sandra est repartie. Comme si elle appartenait à une autre histoire. A d’autres mots. Cette année nos corps ne se sont pas rencontrés. Simplement un baiser. Tendre et long. Comme un désespoir ou un effondrement. Lent et profond…..

Dimanche de janvier ensoleillé. Froid. Mais ensoleillé. Couleur de plâtre. Au moment où je marche vers cette exposition de photo avec elle à mon bras, je ne sais pas que mon deuxième cheval est à l’agonie. Mais quelque chose en moi sait. Soleil de plâtre, désagréable au touché. Lisse et grinçant à la fois.

Je n’ai pas aimé ce deuxième cheval. Maintenant qu’il meurt je le sais. Il n’avait pas le sens de l’orientation. Et son trot était dur, cassant, brisant…Il voulait aller vers un truc qu’il appelait rédemption, mais il n’avait pas le sens de l’orientation.

Un soleil de plâtre. Une exposition de portrait d’Isabelle Huppert. Dizaine de portraits tous différents, tous identique, comme si la pléiades de photographes de renoms, n’arrivait pas à entamer le mystère d’un regard ou d’une vie. Identique. La permanence du même. Je pensais au texte de l’agonie de ma mère. Avec ce vaste paysage de neige. Celle sur les portraits avait ce paysage dans le regard. Pas froid, pas chaud. Mais une vaste étendue, longue comme l’infini de la perte. Sandra passe d’une photo à l’autre, pressée. Au fond, cette expo ne l’intéresse pas. Moi je regarde ce visage, qui dit l’intégrité et la permanence, qui résiste à l’envahissement. Un visage qui dit : vous n’aurez que ma présence, que mon « être-là », et rien de plus. Le reste se trouve dans l’infini de ce champ de neige que j’ai devant les yeux, en arrière de la mémoire. Là où il fait froid. Là où je vis. Là où vous n’irez jamais.

Aujourd’hui le deuxième cheval est mort. Il a été achevé. Normal. C’est elle qui a mit la dernière balle. Elle, l’autre. L’autre de mes mots. L’autre de l’impossible. Elle a l’habitude des exécutions. Sommaire. C’est mieux ainsi. L’autre sans visage. J’ai toujours su que cela viendrait d’Elle. Son goût pour la mort. Pour le meurtre.

L’expiation. « Il neigeait… ». Tout est mélangé. A la fin tout se mélange. Elle, Elle arrive à la fin de son premier cheval. Elle ne le sait pas. Si, je crois qu’Elle sait.

Je passe de photo en photo, et Sandra s’ennuie. Elle ne le montre pas. Je voudrais la serrer dans mes bras, mais c’est inutile. Et puis je pense à l’Autre. Au coup de grâce. Voilà, la grâce. La grâce jusqu’à la cruauté. Il faut bien ça pour achever son deuxième cheval. Au moment de l’expo, tout se prépare. J’aurais du comprendre ce soleil de plâtre. Cette lumière rappeuse, au goût fade. Sandra : tu crois que je vais le trouver mon prince à moi ?... et si s’était toi ? Non, Sandra, ce n’est pas moi. Moi je n’existe pas, ou plus…. Je ne suis juste qu’un reflet.

Elle sourit. Je pense à l’Autre, à ce moment précis. Elle aussi n’est qu’un reflet… de nos cerveaux malades, encombrés.

Le cheval tombe. Il relève la tête, ses membres s’agitent et batte l’air. Il souffle, et ses nasaux frémissent. Il essaie de se relever. Il s’effondre. La masse de chair s’effondre. Ses yeux. Je me souviens de ses yeux. Bijou, il s’appelait. Bijou. Vieux Bijou. Une pate cassée. Cassée de partout. Elle va dans tous les sens. Et tes grands yeux savent déjà. C’est la fin, mon brave Bijou. La voiture en te percutant t’a blessé aussi à l’épaule. La chair, les muscles tout ça est à vif. D’abord on ne sait pas, on croit que sera sauvé. Alors on te recoud. Pendant que le vétérinaire passe l’aiguille dans chaque muscle déchiré je rapproche les chairs. J’ai mes mains qui touchent ton os Bijou. Pour la douleur on a mit un tord nez que Frédérique tient de toute ses forces.  Plus tard dans la nuit. Tu prendras un coup de chevrotine dans ta face. Tes yeux savaient tout ça, Bijou, lorsque tu nous regardais. On fut plusieurs à creuser ta tombe. C’était interdit, mais là-bas en Corse dans ces temps, on pouvait décider que Bijou resterait là, face à la mer, et que tu entendrais le galop de tes frères faire résonner ta mort.

Plus tard, nous marchons dans la rue avec Sandra. Elle est bavarde. J’aime ça. Mais j’ai la tête ailleurs. Elle est futile Sandra. Et j’aime ça, aussi. J’ai des hennissements dans la gorge. L’autre de la mort s’approche, c’est inscrit sur le plâtre de ce soleil.

Je suis soulagé. Sans joie, mais soulagé.  Mon deuxième cheval fut un cheval de misère engoncé sous ses harnais…

L’autre de la mort s’approche, maintenant je sais que c’était Elle. L’arme déjà braquée. On savait tous les deux que c’était ça l’issue. La seule ? Il fallait que deuxième cheval meure. Elle savait qu’il faudrait tirer.

Elle l’a fait.

C’est bien ainsi.

Sandra est repartie. Toujours avec son petit sourire triste.

Elle, Elle l’a fait.  Elle a tué mon deuxième cheval. Comme Elle tuera son premier à Elle. Bientôt. Elle rencontrera le silence.

Il faut que le troisième cheval naisse. Le premier a appris ce qu’il ne fallait pas, le deuxième a désapprit. Le troisième volera… je le sais déjà…j’ai des morceaux d’ailes plantés dans la chair. d'Elle.

Franck

25 janvier 2006

...ce qui vous reste....

Il y a comme ça, même au cœur de l’errance comme un sentiment d’urgence, d’imminence. La mise en place d’un certain ordre au très fond du désordre. On le reçoit comme de l’acharnement. Table rase. Il faut que rien ne subsiste.

Le vide se met en ordre.
Il ne subsistera rien.
Et c’est mieux ainsi.

Ni remords.
Ni regrets.
Rien.
A
Peine
Se souvenir.
Simplement la trace.
Comme une ombre de plus.
Jusqu’à ce que les ombres nous recouvrent.
Me revient la lancinante complainte des hommes sans noms, comme si ma mémoire avait voulu garder ces mots. Juste ces mots. Comme s'ils devaient servir de tout tempd pour aujourd'hui...

Graver la pierre de nos souvenirs. Au burin des haines reçues. Au poinçon des oublis. Et les mateaux frappent l'indiférence...

« Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste
Donnez-moi ce qu'on ne vous demande jamais.
Je ne vous demande pas le repos
Ni la tranquillité
Ni celle de l'âme, ni celle du corps.
Je ne vous demande pas la richesse
Ni le succès, ni même la santé.
Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement

Que vous ne devez plus en avoir.
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste.
Donnez-moi ce que l'on vous refuse.
Je veux l'insécurité et l'inquiétude.
Je veux la tourmente et la bagarre
Et que vous me les donniez, mon Dieu, définitivement.
Que je sois sûr de les avoir toujours,
Car je n'aurai pas toujours le courage
De vous les demander.
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste.
Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas.
Mais donnez-moi aussi le courage
Et la force et

la Foi. »

La seule prière qui fut entendue.
Comme quoi Dieu écoute parfois.
Il suffit de savoir lui demander.
Franck

20 janvier 2006

Un corps si étroit.....

Le plus souvent nous ne parlions pas. Il y avait comme un rituel des visites dans sa chambre. Nous nous succédions. Un par un. Il y avait la chaise à coté du lit, pour ma grand-mère. Sa mère. La chaise des larmes sèches. Et puis il y avait le fauteuil, pour l’autre grand-mère. Le fauteuil des histoires. Elle disait « Maman, racontez moi une histoire…. » Elle appelait sa belle-mère « maman ». Ca se faisait, avant. Claire savait raconter les histoires. Une conteuse sans le savoir. Claire avait la voix haut-perchée et le rire éclatant. Et le sens de la dérision, comme celui de la fatalité. L’arthrose lui avait tordu toutes les articulations, les pieds, les genoux, les hanches, les doigts. Et puis elle avait Georges, comme si sa croix n’était pas assez lourde. Georges le fantasque, l’iconoclaste, Georges le poète des arbres et des animaux. Claire comptait plus sur sa canne, que sur Georges. Le fauteuil c’était mieux pour elle. Claire avait toujours une anecdote à raconter, dans une auberge il se passe toujours quelque chose. Toute l’humanité défile dans une auberge. Alors Claire racontait. Souvent quand elle riait cela déclenchait des quintes de toux. Heureusement elle ne riait pas souvent, sauf avec Claire. Les autres s’asseyaient sur le lit. Elle ne tenait plus beaucoup de place dans ce grand lit. Elle ne froissait même plus les draps. Elle n’avait déjà plus de pesanteur dans ce monde. Il neigeait. Dehors il neigeait. Sans joie, l’effritement lent du ciel qui arracherait ses dernières peaux. Confettis de silences glacés. Presque trop lourds au regard. Noël approchait. Il neigeait. Dans sa chambre la chaleur était étouffante. Les carreaux étaient recouverts de condensation, comme un voile de petites perles opaques et tristes. Parfois je passais ma main sur la vitre et je voyais la neige, et l’immense tilleul. Et derrière les ronflements, les raclements de sa respiration. Je sentais son regard sur moi. Mais souvent nous ne parlions pas. Parler l’épuisait. Alors il fallait choisir les bonnes paroles à dire. Ne pas se perdre dans les détails. Pour le reste les regards devaient suffire. Sa main était posée sur le drap. Sa main. Ce qui reste d’une main, une fois que la chair, le sang l’on quitté. Ce qui reste d’os et craquement. Avant ses mains étaient magnifiques, plus jeune elle avait été manucure, puis après esthéticienne. Alors les mains elle connaissait. L’entretient des ongles. Limage, ponçage, gommage. La petite navette de daim qui me fascinait tant, et qu’elle utilisait pour faire briller les ongles. Le petit bâtonnet de bois, pour repousser les peaux, les pinces en tous genres. Les vernis, les couleurs. Elle s’appliquait sur chaque doigt, à colorer, à peindre sans déborder sur la lunule. Sa main était posée sur le drap. Et je n’osais pas la prendre. Elle semblait si fragile cette main. Il fallait la pommader pour que les os ne crèvent pas la peau froissée, fripée. Et les veines gorgées d’un sang noir et lent et brûlant. Tes pauvres mains maman. Qui ne savent même plus prier, sinon être là encore un peu. Il neigeait. Et la neige en tombant recouvrait l’immense coupole chauve de l’immense tilleul. Et notre immense tristesse. Silencieuse. De la mort blanche qui avance à pas mesuré, certaine de sa victoire, lent traineau sur la neige. Elle a déjà pris tes mains et ton visage. Sauf tes yeux maman. Sauf tes yeux. A pas mesurés sur cette plaine blanche, ou chaque jour fait la trace plus profonde comme des veines vidées de leur sang. Pendant nos instants, je restais assis sur le lit à coté de toi. Et nous nous regardions, vidés de nos paroles, vidés de la langue qui aurait pu les dire. Il est des pays trop froids pour que les mots adviennent, il est des heures trop fragiles pour porter la voix. Alors il restait le regard dans lequel on serrait chaque seconde comme des fruits, qui déjà, auraient donnés tous leurs jus. On était dans ce pays lisse et froid, sans borne, sans lendemain, sans attente. Sans rien. Lisse et froid, comme du métal. Quand l’attente à déjà rendu l’âme. Il neigeait maman, et cette neige nous la mangions en silence à nous en faire casser les dents. Mais en silence, puisque ce pays de la chambre où nous étions, était inhabitable. Parfois je t’aidais à t’asseoir, mais tu ne tenais plus. Chaque articulation semblait se disloquer, j’en profitais pour prendre tes oreillers et pour les regonfler. Et ton corps se déposait, à nouveau sur eux, sans à peine les déformer. Et ta main d’os se posait sur ma figure que tu touchais comme pour la reconnaître une nouvelle fois, et je sentais les tremblements de ta vie, et je sentais les tremblements de la mienne, maman. Nous n’étions rien de plus que ces tremblements. Et ces soupirs à peine soufflés, dans ce temps arraché, calciné, dévasté. Car chaque seconde nous était volé et il fallait en gagner d’autres, et il fallait en trouver d’autre pour avoir la force de trembler encore. Il neigeait, maman. Et la blancheur se dessinait sur ta peau comme en transparence. Tu étais ce vaste champ de neige au-delà de la mort. Et je voulais mourir de ta mort, aussi. Tu comprends, maman. Mourir avec toi, dans la blancheur de cette neige qui tombait comme un sacre. Le plus souvent nous ne parlions pas. Tu voulais simplement que j’approche ma tête pour que tu puisses poser tes lèvres sur mon front. Tu voulais ma chaleur, et je prenais la tienne. Combien de fois nous avons fait ces gestes pour se dire sauvé, un tout petit instant, de nos déchirements ? Ma tête bercée entre tes os, ma tête sur ta poitrine essoufflée et pantelante. Ma tête posée sur cette horreur sublime. Sur cette neige épuisée, qui n’en fini plus de tomber sur nos vies. Dans le délabrement silencieux du ciel de cette chambre surchauffée par la fièvre du temps dans ses ultimes bruissements. Il neigeait, et dans le grincement du parquet on entendait les clameurs d’une autre rive ou les foules vont en cortège se perdre dans les champs d’asphodèles. Chaque regard était un froissement de plus, et la pâleur des sourires disaient de long gémissements, ceux qui vont en glissant sur les étendues neigeuses, au-delà des fleuves, au-delà des déserts, bien après nos vies et nos lamentations, comme les longues supplications qui tombent dans l’oubli. Il neigeait et nous étions dans cette intimité silencieuse et brûlante à veiller sur nos morts inlassables, nos morts en infusion dans chaque grain de lumière, dans chaque bouffée d’air qui te manquait peu à peu. Respirer, une fois sur deux, une fois sur trois, une fois sur moi, respirer de temps en temps, de moins en moins souvent, jusqu’à très rarement, jusqu’à ces instants où le feu de tes yeux vacillait, proche du noir, avant de repartir avec l’hésitation d’un animal blessé. Les étoiles, aussi, respirent mal, maman. Je le sais, je les ai vu ; la nuit, on les entend hurler, on entend leurs souffles rauques et chuintant. Respire encore, maman… encore… encore une fois.
Il neigeait, sous nos peaux, il neigeait sur cet immense tilleul aux milliers de ramures noires, noires comme un immense poumon mort soufflant encore son sang et ce qui reste de vie dans cet instant du soir.
Il neigeait, pour adoucir la chute que fait l’âme en tombant au fond du corps. Il nous fallait aller à l’essentiel, au plus direct, bien après toute les questions. Rassembler le tout de la vie, en des mots de rien.
Tu aimais ma lecture, parfois hachée, des poésies que je te lisais. Et ma voix chevrotait légèrement, et tes yeux embrasait cette chambre, et cette chambre allumée jour et nuit, éclairait cet immense tilleul, et la neige qui tombait.
« Pardonne-moi… pardonne-moi mon grand… » Ce sont les derniers mot qu’elle m’a adressé. Et j’ai serré l’os qui caressait ma joue comme le trésor le plus fragile qui n’est jamais existé. Il faut porter le pardon des morts. C’est lourd. Mais c’est plein de lumière. C’est lourd comme la neige qui tombait et qui au loin faisait un bruit d’enfer.
Comme la neige, qui tombait…. Qui tombait…..dessinant dans la nuit, pour ton corps si étroit, un si grand escalier, qui montait… qui montait…comme la dernière prière que je n’ai pas su bien faire…. Tout là-haut… par delà les nuages…. Derrière la nuit. Il faut porter le pardon des morts. Le porter en silence sous les grands tilleuls et les déposer sur la neige blanche pour que vienne le printemps.

Franck

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20 janvier 2006

Ce matin........

Drôle de journée hier. Il faut bien en passer par les choses inévitables. Ma « logeuse », m’a donnée mon congé. Huit jours à peine, c’est un peu court. Mais elle est pressée. La nouvelle est arrivée par texto. C’est mieux par texto. Ca fait moderne. Hier au soir, en rentrant, impossible de parler avec elle. La première bouteille était vide. La deuxième presque vide. « J’ai bien reçu votre message Estelle, quoiqu’il arrive je serais parti la semaine prochaine… d’ailleurs,  si cela avait été possible je serais parti ce soir… ». Elle a essayé de m’expliquer… une histoire compliquée… les mots ne venaient pas… elle cherchait…. Rien ne venait…  Nous en sommes restés là. Drôle de journée. Hier.

Ce matin un autre texto, aux aurores... des mots clairs, généreux, des mots qui disent demain avec le ciel qui va avec... unlong texto, envoyé par une personne qui tend la main, parce qu'elle sait que c'est là que se tien le coeur. Dans la main.

Les jours se suivent mais ne ressemblent pas... pas toujours.

Ce matin, dans le métro, je lisais au hasard du recueil… Neruda… oui, toujours… depuis des mois j’ai les deux mêmes recueils dans mon sac…

Je suis tombé sur celui-là. Allez savoir pourquoi j’ai eu envie de le mettre ici…

Alors voilà….

Franck.

L’OUBLI

Tout l’amour dans une coupe

grande comme la terre, tout

l’amour – étoile et épine –

je te l’ai donné, mais tu as marché

avec tes petits pieds, avec tes talons sales

sur le feu, et tu l’as éteint.

Ah ! grand amour, petite aimé !

Je ne me suis pas arrêté dans le combat.

Non, je n’ai pas cessé d’avancer vers la vie,

vers la paix, vers le pain pour tous,

mais je t’ai levée dans mes bras,

je t’ai fondue à mes baisers

et regardée comme jamais les yeux d’un  homme

à nouveau  te regarderont.

Ah ! grand amour, petite aimée !

Mais tu n’as pas alors pris l’exacte mesure

de celui qui avait choisi, gardé pour toi

le sang, le blé et l’eau

et tu l’as confondu

avec le frêle insecte tombé sur tes genoux.

Ah ! grand amour, petite aimée !

N’attends pas que je me retourne

pour te regarder au loin, reste

avec ce que je t’ai laissé, promène

ma photo trahie, moi

je vais poursuivre mon chemin qui est d’ouvrir

de large voies contre l’ombre, de rendre

douce la terre, de partager

l’étoile pour ceux qui arrivent.

Reste en arrière.

Car la nuit est venue pour toi.

L’aube peut-être

nous permettra de nous voir.

Ah ! grand amour, petite aimée !

(Pablo NERUDA)

19 janvier 2006

C'est quoi la honte ?........

Elle publie mes textes..... je publie les siens... d'ailleurs ils étaient là...je ne fais que republier... Elle a la mémoire sélective....et les affections instables... et des sincérités successives....Aujourd'hui elle est dans la haine, la haine de moi, mais chez elle, la haine c'est comme l'amour... alors, va pour la haine. C'est bien aussi.

Elle voudrait que j'enlève le lien qu'il y a chez moi. Et comme elle est maladroite, elle ne sait pas le demander. Elle croit qu'il suffit d'exiger. Elle croit que tout le monde fonctionne comme elle. C'est sa façon de tout mélanger. Elle dit qu'elle a honte de se savoir dans ma liste. Mais je crois qu'elle ne sait pas le sens du mot... alors elle dit ça, comme elle aurait dit autre chose.
Elle veut blesser, faire mal... mais l'on sait d'où cela vient...alors c'est sans importance.
Quant au "lien", je verrais. C'est moi qui décide en l'occurence.
On écoute ce qu'elle avait à me dire il y a quelques temps... c'est dommage elle aurait pu être un grand écrivain....
Franck.

"ON PEUT TOMBER amoureux d'amitié sur le net. Cela m'est arrivé cette année. Je crois qu'il s'agit de cette année. On ne se connaît pas. Je n'ai pas voulu aller plus loin (pour l'instant) que le net. Pourquoi ? Parce que j'ai aimé quelqu'un de son âge juste avant. Quelqu'un de sa génération. Je ne suis pas de sa génération et ne le serais jamais. Dans mon corps. Dans mon coeur c'est autre chose, il n'y a pas de génération au niveau des coeurs, que celui qui dit le contraire vienne me le dire en face et sans rire. Ces derniers temps, voire même depuis le début, je suis moins investie que lui dans cette amitié. Cela ne veut pas dire que je ressente moins d'attachement pour lui que lui pour moi. Je ne sais pas quel attachement il a avec les autres qui viennent ici lui dire qu'ils sont bouleversés, désolés, attristés. Je ne veux pas lui dire ça, ce n'est pas ma place, j'ai une place, enfin je crois, ici, il m'a donné son code, son numéro, l'invitation ne marchait pas. Il est élégant. Vous l'avez vu en photo ? Il n'aime pas ce qu'il écrit. En ce moment, il trouve que ça tourne en rond et ce qu'il écrit est loin de ce qu'il vit, loin et extrêmement proche, il comprend ma douleur maintenant, la douleur non pas d'écrire mais de dire face à des gens qui font les trois singes presque à chaque instant de leur vie. Les moments de doute sont nombreux lorsqu'on essaie d'être authentique. Je devrais taper moins vite sur mon clavier, je ferais moins de fautes de frappe, moins d'oublis de petits mots. Il est élégant, vous l'avez vu en photo, moi je l'ai vu. Mon mari avait son âge à peu près, mon mari était un intellectuel, enfin au début, ensuite il est devenu alcoolique, parce que j'ai découvert qu'en fait, il me le cachait, tellement bien, tellement sournoisement que j'ai eu l'impression d'être la femme la plus idiote de la planète. La planète des Morts, c'est chez moi, c'est les démons bleus. Les démons sont souvent de toutes les couleurs : le noir ne représente pas forcément la mort ou la dépression. L'amie indienne de mon frère, sa correspondante avec qui il a eu une petite aventure pendant quelques temps, m'avait dit : dans ma famille, mon père disait que le noir était la pudeur et l'innocence. Je l'ai vu en photo, il a donné ses photos. Je crois qu'il avait besoin d'une amitié, nous en avons tous besoin. Mais là je parle de lui. Il avait besoin d'amour. Comme nous tous je pense. Surtout moi, avant vous. Non je plaisante. Bref, il est en train de voir l'absurdité de l'écriture dans le monde, et du coup son importance. Franck tu devrais ressentir face au réel à quel point c'est une force, une résistance, un pouvoir, avec lequel on n'est pas obligé de s'enivrer d'égo. On n'est pas obligé. De rien. Simone m'a demandée : c'est de la fiction ? Comme si j'étais capable de faire de la littérature avec de la fiction, moi. Comme si j'avais la prétention ou la bêtise de faire de la littérature avec de la fiction. La fiction : un bon polar, une histoire d'amour, un roman à l'eau de rose, les tribulations de personnages auxquels on ne croit pas une seconde. Qui n'enivrent plus. C'est comme de faire l'inverse, tout raconter bêtement, en prenant le temps de lecture aux gens avec ses soucis. Il doit bien exister une voie encore non explorée, je pense. Il ne faut pas avoir peur de chercher. Je cherche. La merde dirait certains, d'ailleurs souvent je la trouve. Souvent ils viennent me voir en privé, comme je mets contactez l'auteur, mettre des messages dans les commentaires ils n'osent pas : mes textes il paraît ne mérite pas de commentaires, dans le bon ou dans le mauvais sens du terme. Franck mes messages n'étaient pas petits, ni même laconiques. Bon d'accord, on était en train de se regarder, de se regarder en disant à l'autre sans ouvrir la bouche : bon tu viens ? Tu ne viens plus ? Tu ne m'entends plus ? Tu ne m'aimes plus ? Tu m'aimes ? Tu m'aimes vraiment ? Tu sais qu'écrire c'est au nom de l'amour sinon va au Diable ? Tu ne le savais pas ? Et bien...Mais écrire l'amour c'est périlleux m'a dit un trou du cul qui se croyait plus malin que les fesses de Jupiter (et l'aile de mon oiseau bleu). Si le soleil refuse de briller en toi en ce moment Franck, et c'est le plus important de mon érotique chaos, va le voir pour moi, va lui dire qu'il y a un prix pour avoir le droit de t'illuminer. La peau, les yeux, les cheveux, les cheveux deviennent plus clairs avec l'été. Je déteste l'été. C'est comme un hiver mais de feu, je déteste l'été parce que je panique en été. C'est un souvenir de la maison des morts de l'enfance. Très très grave. On ne se remet jamais de son enfance, c'est une maladie chronique, c'est une dégueulasserie faite par les dieux. S'ils m'entendent. Tu as vu mon trouble, tu as vu mon malaise et tu n'as pas su quoi dire. Je vais te dire : moi j'ai vu le tiens, au même moment, j'ai vu le tiens et je n'ai pas su quoi dire non plus. Donc si nous n'avons pas trouvé les mots, ça veut dire que les mots ne nous ont pas trouvé. Les mots ne trouvent jamais personne, sauf les Grands Ducs de l'Académie Royale qui écrivent des phrases sans fautes de frappe et avec un langage tellement ahurissant de noblesse qu'Angéline et les Récits de la Maison des Morts peuvent aller se rhabiller au niveau du . Je t'aime Franck. Tiens, c'est spontané, c'est mon coeur qui vient de parler, je ne sais pas pourquoi je te dis ça comme ça, je te le dis parce que c'est vrai, je n'ai pas pour habitude de raconter des choses fausses. Comme ça au débotté. Si tu m'entends. Tu sais, laisse les gens regarder Dolmen : le samedi soir, ils doivent pas regarder Lost qui est beaucoup mieux, parce que ça nous vient des Amériques. Celui qui se sent à l'aise dans sa littérature doit être proche du bouffon je pense. Pourquoi ? Encore une avec ses certitudes qui la rendent bête d'être intelligente, je crois en fait que ceux qui se sentent à l'aise dans leurs mots ont un problème quelque part, certainement au niveau de la vision, de la vista disait, paix à son âme, Jean-Pierre Raffarin. On dirait que tu attends des autres qu'ils entendent ton écriture, justement les gens qui n'ont pas envie de faire d'efforts, qui sont à leurs places, bien chaudes, qui ne veulent pas les quitter. Tout en rêvant de le faire secrètement. Ecoute, laisse-les regarder ce qu'ils veulent. C'est toi le commandant de ton radeau. Ecoute-moi : ne souffre pas à cause de ça. Laisse couler pour le reste aussi. Toi et moi nous avons la chance d'avoir une issue de secours remplie d'humanité et de noblesse (enfin tu vois ce que je veux dire, quand j'utilise des mots comme ça il faut les multiplier en fait par...). Ils ont le pouvoir du plancher des vaches, à juste valeur ils savent utiliser les appareils de la Maison des Morts, nous ne savons pas, alors nous inventons notre appareil, l'écriture. L'écriture. Même Dieu a essayé, même Allah, même la voisine d'en face, Madame Mortier, elle veut ouvrir un blog pour parler tricot, on croit rêver. Ils n'ont que le tricot pour les faire jouir on dirait. Non je plaisante. C'est pas ici, Franck que tu vas trouver du réconfort, peut-être auprès de mon sein, tu devrais parler aux animaux, sans honte, tu devrais regarder le ciel pendant des heures, sans peur, tu devrais marcher pieds nus dans l'herbe, comme j'ai fait, tu devrais trouver une jolie petite minette de 23 ans et peut-être, éventuellement, l'aimer après l'amour, baiser n'a jamais fait de mal à personne, sauf peut-être à nos crises de foi. Je suis souvent très forte pour relever le moral des gens que j'aime je ne sais pas si ça marche encore. Encore maintenant. Moi-même, pour dire toute la vérité, je suis incapable de me réconforter comme ça. Jean : "tu sais réconforter les gens, parce que tu ressens ce que tu dis". Dans ce sous-sol qui vibre Franck est-ce que tu m'entends ? Ils imaginent le monde qu'à leur image, alors impose ta chance, va vers ton risque, montre que ta parole existe, même par le silence en dernier recours. Utilise du savon pour t'en laver les mains aussi. Comme je fais lorsque je remonte de ma visite quotidienne, tu sais que j'ai beaucoup de Goulag dans mes sous-sols, et aussi des Chambres à Gaz, et aussi des morceaux de jardin avec des arbres fruitiers, oh mon Dieu mon homme est un sage de la connaissance. Je t'aime Franck, donc tes doutes, vu de l'extérieur, vu de ton écriture, ne sont pas justifiés. Car tu vois ton écriture différemment des autres. Avoir du recul sur ce qu'on écrit ce n'est pas donné à tout le monde. Ni à chaque ligne, ni à chaque moment, tu n'es pas parfait : les regardeurs de Dolmen non plus. L'amour lui doit être parfait. On en veut n'est-ce pas Franck, de l'amour parfait ? Si je n'avais pas été faite avec des défauts, je crois bien que j'aurais pu te donner un amour parfait et qui dure, qui dure comme le lapin duracel, qui ne s'arrête jamais pendant que les autres stoppent net toutes les cinq minutes. Le lapin Duracel , Franck, faisons de la pub pour le Lapin Duracel. Je t'aime Franck. Tu vois, mon malaise, je n'ai pas su le voir correctement, le tiens non plus, donc je n'ai rien dit, je ne savais pas quoi dire. Toi non plus d'ailleurs. J'avais mal au crâne ce matin en me réveillant. Tu crois que mon psy m'en voudrait s'il savait que j'enregistre sur mon baladeur mp3 nos échanges ?

Si écrire était faire l'amour et si nous avions le droit de faire l'amour à nos amis sans que cela prête à confusion, il faudrait surtout que tu ne prennes pas ce texte comme on pourrait...le prendre, car en t'écrivant, à toi qui est mon ami bien plus que ça je crois que je t'ai fait l'amour comme je ne l'ai jamais fait à un ami en lui écrivant avant de te connaître.

Donc à toi mon ami,

Chastement,

Avec l'expression de ma Considération Amoureusement distinguée

ANGELINE

(Jackie's Strength by Tori Amos)."

15 janvier 2006

Cendres......

Il y a eut cette période à Fréjus. Ou nous sommes retrouvés face à face. J’en ai déjà parlé ici. Mais les images reviennent Elle sont là. Devant. Opaques. Comme un rappel à l’ordre. L’ordre, c’est le mot exact. Opaque ne convient pas. Épaisses. Elles sont épaisses ces images. Il y a cuisine et nous deux. Lui, moi, entre nous la table. Sur la table, une bouteille de Porto ou de Ricard, ça dépend de l’heure. Entre nous la table et un grand silence. Une habitue. Un jeu. Un je ? A la maison le silence a toujours existé, il était l’arme. L’arme absolue. Tu n’auras rien, pas même ma parole. Rien que ce silence. Je te réduis à mon silence. C’est-à-dire : rien. Maintenant, dans cette cuisine, moi aussi je le tais. Silence contre silence. Le mien vaut le tien. Tout a été dit. Depuis longtemps. Tout. Sauf l’essentiel. Je ne sais plus à quel moment je suis passer à la haine. La haine froide. Silencieuse.
Mais je sais que là, en face de lui, dans cette cuisine, c’est la haine. Ce père n’est pas de moi. Je le sais. Il écoute la radio. Toujours les même gestes. Le frottement des mains. Cette façon de racler sa gorge, ou d’éprouver sa barbe avec trois doigts, ou encore cette manière de croiser les jambes. Il a posé ses dents sur la table. Ces dentiers lui font mal. Alors il pose ses dents sur la table. Et je vois brusquent ses lèvres presque aspirer par sa bouche.

Il est au bout. Il le sait. Il sait que je le sais aussi. On n’en parle pas. « Je veux être brûlé… ». Je ne réponds pas. Tu seras brûlé. J’y veillerai personnellement. J’irai même derrière, là où c’est interdit, à l’endroit du four. Là où l’on voit rentrer le cercueil. Là où l’on voit les flammes.
On ne parle pas. Puisque tout est dit. Et que chacun tait l’autre.
Le glaçon dans le verre de Ricard. Tu as l’habitude de le faire tourner avec tes doigts. Ça va durer des jours. Des semaines. Des mois. Aux même heures, avec le même silence que l’on reprend. Que l’on poursuit. Là où l’on s’était arrêté.
Tout ça, je l’ai déjà dit. Pourtant c’est là, en travers de ma parole. Le goût amer du silence. Ces jours interminables. Dans l’attente des bonnes conjonctions.
On fait la place de la mort. On le sait tous les deux. « Je veux mes cendres dans le golf de St Raphaël… ». Ce jour il faisait gris. La mer était calme. Gris et calme. A peine quelques risées de vent. Seul en mer. Avec lui. Avec ses cendres. Grise. Et calme. Et les mouettes crieuses. Le bruit du moteur. L’écume blanche. La trace blanche de la mort qui s’avance dans la mer. Bouillonnement de la mort. Il a fallut mettre en panne. Et j’ai ouvert la boite à silence. Le bout d’un voyage. Voyage au bout du silence. J’ai ouvert l’urne, c’est comme cela que ça s’appelle. L’urne. Là où l’on met les voix. Les voix silencieuses. J’avais choisi ; elle avait la forme d’une main tendu vers le ciel. Il fallait dévisser au niveau du poignet. Cendres blanches. On en été où ?. Où est-ce que les choses ce sont arrêtés ? Parce qu’il a fallut que tu meurs pour que je nomme ça la haine. Avant je n’osait pas encore. Je ne le disait pas. C’était en moi. Et c’était suffisant. A la place de nous il y avait le « Lien ».
Pourtant, un jour quelque chose s’est cassé. Il y a longtemps. Je revois cette soirée. Cette soirée d’alcool et paroles désordonnées, de discussions vaines, d’explications tordues par l’ivresse. C’était un temps où je buvais avec toi. Conversation de sourds. C’était à Paris dans mon appartement. Une des rares fois où tu es venu me voir. Nuit de paroles bousculées d’ivresse. Je me souviens l’immense tristesse qui coulait dans mes veines. Je me souviens que j’ai voulu te parler de cette immense tristesse, grande comme un océan, une des rare fois où j’ai voulu te parler du poison dans mes veines de vie. Mais tu étais déjà dans le maudissement. Tu ne voulais pas entendre. Tu ne voulais pas entendre ma vie hors de toi, ma vie de misère hors de toi. Pour toi, j’étais ton même. Seulement ton même, en plus jeune. Alors tu ne voulais pas entendre ma vie et mes océans. Alors tu a voulu me faire taire. Tu as cherché les mots les plus durs, les insultes les plus blessantes. Ça je m’en souviens. Et je me souvient bien de ce que je t’ai dis : « …mais moi je t’aime… » Et puis j’ai crié, avec tous ces sanglots dans la gorge. J’ai crié : « Je t’aime…moi… ». Quelque chose me débordait. Comme l’enfance qui ressurgit d’un seul coup. Submergé, envahi, démantelé par l’impossible dire, l’impossible entendre. « Mais, je t’aime… moi… »
« Tu déraisonnes …. Tu ne sais plus ce que tu dis….. Tais-toi… »
Me taire. Toujours. Tout est venu dans ce moment là. Tout. Mille ans d’enfance. Mille ans d’attente. Mille ans de distance. Mille ans de désirs en retrait. Tout. Dans cet instant d’effondrement. Tout.
Et malgré l’ivresse il est dans la maîtrise. Malgré l’alcool, il veux faire taire ma voix, avec les mots obscènes qui sorte de ma bouche. Les mots à ne pas dire.
Il veut me faire taire. Il voudrait que ça s’arrête. Retourner à son silence misérable et méprisant. Mais j’ai crié.
Il me regarde. Sa face change. Les traits se durcissent. Je connais bien ce visage. Les maxillaires crispés. Je sais que là, il a envie de frapper. Je vois qu’il veut me frapper avec son poing. Il n’arrive pas à parler. Il est tout en haine et dégoût.
Du fond de mon cri, je vois. Et je sais. « Si tu me touches je te tue….. », « Si tu me touches…. Tu entends ?…»
Dans cet instant je ne suis plus qu’une extension de sa folie. Je le sens. Pour lui je viens de sortir des règles De la loi. Il ne fallait pas dire ces mots. Je devais être seulement un autre lui-même, une excroissance le lui, l’excroissance de son pouvoir. L’expression de sa domination. Je devais être son outil silencieux et obéissant. Son prolongement. La justification de sa raison. En fait, un sexe fantasmatique de plus qu’il pouvais branler comme il voulait. Enfant : « Je vais de foutre une branlée… ».
Je suis son sexe fantôme, qu’il branle pour en sortir sa semence. Je suis sa chose qu’il branle. Sa jouissance. Tout ce qui sort de moi, lui appartient. Tout ce qui sort de moi est à sa seule gloire. Et pourtant il est dans le dégoût ces choses de la jouissance le dégoûte. Il ne touche pas. Il ne touche pas les corps. La peur. Pour lui je n’ai pas de corps. Je suis une simple image. Une image de lui. Le corps, la chair, le sang lui font horreur. Il ne touche pas. Jamais. Il ne sais pas toucher. Frapper… oui. Ou ma mère, quand il lui touchait le sexe devant mes huit ans. La main sous la culotte. Dans le ventre de mes huit ans. Là, il touchait. Seulement, là.
Entre nos corps la distance est incommensurable. Sauf les coups. Entre… rien.
Un silence de haine noire. Celle qui n’a pas pour lui. Il l’a pour moi, juste dans cet instant.
Je sais. Il sait. S’il bouge, ça dérape. S’il bouge. Je le tue.

C’est là. Ce jour là. Je l’ai vu nu, tel qu’en lui-même, dans l’intrusion qu’il fait au milieu de mon rêve.
« Tais-toi!…surtout, tais-toi!…. » Il ne supporte pas de ne plus se voir en moi… alors il faut que je me taise… comme toujours. Se taire. Manger et boire le silence. Surtout boire…
J’ai ouvert l’urne. Et j’ai regardé les cendres blanches. Le poids des silences. Réduit en cendres blanches. Si peu de cendres pour tant de silences. Si peu de cendres pour tant de haine. Je me suis penché pour secouer l’urne. Une pluie légère. Poudre de vie et mort. Poudre d’amour et d’enfance. Poudre de perlimpinpin. Pluie d’oublie. Poussières, poussières, poussières….poussière de lui, que le vent rabat sur moi…. J’en ai plein sur moi, de toi… plein sur la figure… j’en ai toujours plein mes silences de toi… j’en ai sur la bouche, je crache… c’est fade… les cendres sur le bateau… je passe la main dessus… trace sur mes mains, trace blanches…mon pull est plein de toi…. Même tes silences de cendre je les ai mangé, même aujourd’hui j’en ai encore le goût… là… le goût, du taire…Le goût du mépris, une poudre blanche et pâteuse et fade et écoeurante…

Écrire c’est essayer de renaître de tes cendres, de ton goût….de ta haine, et de la mienne….

Franck

12 janvier 2006

Du verre brisé.......après le déluge.....

La fin a toujours le même goût. La même forme. Presque les mêmes mots. On est dans le mouvement de la fin, dans le repli. Une éclosion à rebours. Un rétrécissement. Chaque heure est une ride de plus au jour. Dans la fin, il y a quelque chose de métallique, cela ressemble à un cuivre usé, sali, verdi par des moisissures qui remontent des chairs. Jusqu’au fond de la bouche. Une éclosion à rebours. Comme la mer qui ravale ses vagues une à une pour les enfermer dans l’immense coquillage du temps. Tout s’absorbe. Avec lenteur. Avec certitude. Avec entêtement. Presque avec acharnement. Comme si pour atteindre la mort il y avait des peaux à enlever, des écorces à briser. Déciller le rêve.

Hier, j’ai retrouvé des morceaux de notes prises ils y a quelques jours, quelques siècles…  « …donne une flèche à ta cible, donne une tige à ta fleur, donne de la chair à ta chair, donne ta coupe à mes lèvres, donne mes mains à ta prière. Oui, prends mon souffle, prends ma voix, prends mes jours. C’est le temps où l’acte s’invente à nouveau, comme une première fois, ou comme la seule fois. Soit là, sans passé et sans nom. Simplement là, couverte de ton plus beau frisson. Et que nos cris fleurissent, eux qui n’articulent plus la langue, puisque rien ne pourra plus se dire, puisque tout est advenu. Maintenant. »

Dérision des paroles. Les mots dansent la carmagnole sur nos cercueils.

Je tombe à l’intérieur de mon corps. Lente chute. Comme une extase. Noire. Infiniment noire. Faire taire pour ne plus s’entendre. Je sais ces océans vides. Glacés de silences obscurs. Un infini vidé de son élan, de son mouvement et qui n’offre pas même, un pli pour cacher ma propre honte. Un infini bordé de tessons de bouteille. Il y avait un fleuve, il y avait la mer, à la place la peau craquelée du songe et cette entaille brune et ocre qui remonte la large cicatrice de nos terres désertées.

Dérision des paroles. Verre brisé. Verre pilé. Crissant à chaque souvenir. Il y avait un fleuve. Il n’en reste qu’un rêve ténébreux. Une trace rougie de silences.

Je sais des voix peintes au minium pour cacher la rouille qui les ronge. Je sais ces corps qui ont soif à la place du cœur. Je sais ces chairs qui aiment se monter et s’ouvrir dans le jus de leurs désirs. J’ai eu le temps de connaître la bas, le vil, le monstrueux. Tous les chemins de croix se ressemblent, tous ne permettent pas de ressusciter. Dérision des paroles quand les actes les maudissent. Dérision de la vie quand la mort la maudit. Oui, je sais tous ces mots qui tissent des chaînes. A chaque maillon un mépris de plus, et même dans leurs silences la violence continue à se dire. Surtout dans leurs silences. Lourde chaîne qui pèse sur la langue de celui-là ou de celle-là.

Chaque mot est l’image d’un spectre.
Chaque phrase un marais bourbeux.
Comme si les mots excusaient les actes.
Il faut beaucoup de mots pour faire taire les silences honteux.
Il faut beaucoup dire autour, pour avoir l’illusion d’effacer le centre.
Le centre.
D’où la voix s’échappe.
Et qui dit nos intentions plus que nos tristes vérités. Malgré nous.
Puisque les vérités du jour sont les mensonges de demain.
Souvent on est venu me reprocher ici, une certaine lumière, comme si cette lumière leur faisait de l’ombre à leur ombre. Comme si le seul combat digne ou légitime à mener se trouvait là. Comme si le mal absolu commençait là. Triste alibi philosophique, qui consiste à dire : c’est avec vos bons sentiments que le mal existe et se répand. Quand tout sera éteint, il faudra bien continuer à avancer.  Avec qui ? Il restera ceux qu’on n’a pas fait taire. Et seuls les morts voient la nuit. Il restera les crieurs, les aboyeurs. Triste alibi philosophique qui cache mal les excuses faites, par avance, à leurs propres complaisances d’eux-mêmes. Juges qui condamnent les juges, juges plus féroces que les juges. L’éternel recommencement du même. Puisqu’au fond c’est là, la sécurité. Puisque là, il n’y a rien à inventer. Il suffit de rajouter un peu de confusion, et quelques couches de noir sur un tableau déjà très sombre et de prendre l’envers du décor et le tour et joué. Même derrière, on est encore dans le tableau. Phaéton à laissé son char s’emballé.

Deucalion, par contre,  à construit une barque assez grande pour y loger ses rêves, ses espérances, assez grande pour que tout y loge. Même toi, même moi.

Franck

3 janvier 2006

Toutes le bonnes choses ont une fin.....

Ce que tu viens de faire Angéline est malhonnête à tous les points de vues. (Je viens de supprimer un texte d’Angéline qui reprenait dans l’intégralité un message qu’elle avait reçu de Patricia). C’est d’une bassesse sans nom. Depuis quelques jours tu essayes d’éprouver ma patience. Ok, on y est. C’est le bout. Donc, pour être clair, j’ai changé la serrure et mis la modération des commentaires. Je te suggère de retourner chez toi. Et de me foutre la paix.

C’est au fond, ce que tu cherchais… courageuse mais pas téméraire….et puis ça te fera l’occasion vomir un peu plus sur moi dans ton blog. On sait la procédure, voir même le processus…. Je n’ai eu envers toi que des gestes amicaux, mais tu prends cela pour de la faiblesse, quand tu en as eu besoin je t'ai ouvert cette porte sans condition, et voilà ce que tu en as fait… attention à l’orgueil, à la vanité et à la jalousie Angéline, ça dévore même le talent. Surtout le talent….

L'astrologue t'avait dit : un début d'année difficile...ça se confirme...Saturne quand tu nous tiens....

Franck

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