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J'irai marcher par-delà les nuages
30 décembre 2006

L'hiver, l'océan......

L’hiver, l’océan nous parle une langue inconnue. Il roule son indifférence hautaine. Il y a de l’arrogance dans sa houle. Du dédain. Il parle fort, d’une voix musculeuse avec le détachement des dieux, la désinvolture des puissants, parfois de sourds ricanements. L’hiver, l’océan est un défi. Une menace. Largement ouverte sur le froid. Une béance froide et mugissante. Et la menace vient qu’il n’y a pas d’interruption dans la virilité frontale de l’océan. L’hiver. Et le vent glace toute pensée. Glace et efface toute pensée. L’homme ne s’articule plus à l’espace, au mouvement, droit sur la plage il est une écharde, moins qu’un galet, moins qu’un coquillage. Et brusquement il le sait. Il est dans l’évidence. Aucune parole ne tient, et il le sait. Alors il se tait. Et silence et vacarme vont du même pas, l’hiver, quand l’océan roule son indifférence hautaine. Et les portes de l’exil sont ainsi. Bruyantes et muettes. Inconciliantes. Incommensurables. Il n’y a pas de méditation du froid. Toute pensée est d’abord résistance. Tenir l’affirmation d’une résistance. Il n’y a pas de poésie du froid. L’imaginaire du froid est un imaginaire séparé. Coupé. Tranché. C’est d’abord l’imaginaire d’un refus.

L’hiver, l’océan nous parle une langue inconnue et que l’on comprend parce qu’on l’a toujours su. Le vacarme et le silence de la mort. L’écrasement et le froid. Le vent et son murmure lancinant. Litanie d’une mémoire inaccessible. Comme la mer dans son avancée impossible et constante. Interruption des vagues, de la terre, de la mémoire. Invraisemblable mouvement en avant. Enroulement du temps qui nous lie en se déliant. Et la parole qui accompagne. Parole inaudible hormis la voix qui la porte et la pose, là, au bout des terres connues, à l’orée de l’hiver et de l’océan. La voix chante et c’est une plainte. On sait que c’est une plainte, même si l’on n’entend pas le sens. On sait que c’est une plainte. L’oubli est le râle de la mémoire, son chant plaintif. Quel est ce temps d’hiver ? Quel est ce temps dans le temps ? Cette vague dans la vague ? Cet océan qui bat en moi ? Ce froid qui glace ma voix ?

Je suis un égaré. Je n’ai pas trouvé ma question. Alors toutes les réponses sont fausses. Inadaptées. Nous oscillons sur nos lignes de fuite, funambule de l’errance avec toujours une liberté de retard, à contre temps des marées, tâtonnant à travers nos phrases à la recherche des mots, des rythmes qui sauraient s’allier à notre voix. Adoucir la discordance. L’annuler. Effacer l’horizon. Tout recommencer. Ou tout finir. Bâcler la fin. Car l’écriture ne nous rend pas la vue. Tout juste nous introduit-elle au silence. Et à l’absence. Tout juste nous pose-t-elle à un endroit de nous-même un peu plus supportable. Elle n’efface pas l’illusion. Peut-être, est-elle l’illusion suprême. La seule qui vaille, ou la plus dérisoire. Il n’y a pas d’écriture du bonheur. Aucun savoir ne nous guète au bout de la phrase. Aucune rémission. Les mots s’effacent les uns les autres, les suivants renieront ceux qui précédent, et jusqu’à l’épuisement. Il n’y a pas d’accroissement de la parole, tout au plus une redite, une tentative toujours échouée. Un enroulement. Un retour. Et un effondrement d’écume dans la voix. L’océan n’a pas de centre. Il n’a que des rives, des lieux de fin, des morts toujours recommencées et jamais assouvies. Il est l’épuisement inépuisable. La permanence effrayante. La mort qui s’avance en nous comme une arabesque. Pleine. Dépourvue d’ombres. Pure présence, qui nous assigne à la notre, la suggère, parfois la révèle.

Il y a dans l’écriture comme le sacre des saisons, un surcroît de présence, un dévoilement, un atlantique patient. L’écriture dans son incessant retour, élève notre voix pour l’accorder à celle de l’océan. Il n’y a pas d’accroissement de la parole, simplement une élévation, le sens d’un redressement, sans doute pour que la mort nous frappe à l’endroit le plus haut. Juste à l’endroit de l’étonnement.

Franck

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25 décembre 2006

Les mains de l'enfance......

Parce que c’est l’enfance et que l’enfance est la première patrie de la solitude. Parce que tout se résumera là, comme un raccourci. Les premiers gestes s’impriment sur le premier passage de la pellicule. Et la manivelle du temps fait tourner la pellicule. Toujours la même. Images sur images. Temps sur temps. Et la vie se regarde dans la transparence et la confusion des images. L’empilement des images sur la pellicule.

La solitude de l’enfance est un royaume. Une citadelle d’ignorance sublime. On est dans l’abondance du manque, dans doc_29422bl’insuffisance de nos actes, de nos pensées vagabondes, on est dans la lumière perpétuelle des inventions. On manque de rien puisqu’on manque de tout, et que tout est le ciel de nos jours. On est un dieu nu et innocent. Attentif. Et souriant. Effleuré par les heures des jours sans fin, frôlé par le vol suspendu des papillons, caressé par la trace laissée des oiseau, enlacé de clartés légères. C’est le temps des exploits, des conquêtes, où passer de l’ombre au soleil est une aventure incommensurable de mystères et de joies.

Avec l’âge apparaîtront les premières fissures, et grandir annonce la défaite. L’adulte vit dans des champs de ruines. Ecrire tente de redresser les murs de l’enfance. Retrouver les premières traces sur la pellicule.

Je mets mes mots dans la transparence du temps. Je m’effare de la contemplation de l’avenir de ce passé. Ecrire c’est l’enfance qui pousse encore, et tend sa main maculée de terre. 

L’enfance est un ouvrage sans limite. Et l’âge apporte l’ennui, la misère, le désastre. Et l’âge traîne avec lui la fatigue, l’accablement. L’inachèvement. L’enfant n’est pas à lui-même, il est absent de tout. La fatigue de l’enfance advient par trop d’absence. La fatigue de l’adulte arrive par l’inverse, par trop de présence. Trop de présence vaine. La fatigue de l’enfance s’efface avec un peu de repos. La fatigue de l’homme s’aggrave avec le repos.

L’enfance ne se souvient pas de la mort, et l’adulte a oublié la vie. Ecrire c’est tenter de se souvenir et de l’une et de l’autre. Tenter. Tenter seulement.

Car écrire épuise mais ne fatigue pas.

Il y a dans certains jeux de l’enfance la gravité du destin. playa27fw

Nous écrivons bien avant de savoir écrire. Et cette écriture d’avant est la plus simple. La plus puissante. La plus essentielle. L’enfance connaît le geste libre qui se nourrit de lui-même et se désaltère de son propre sang, et trouve avec aisance le passage de la lumière.

Je m’installais sur la lisière. A la frontière du sec et de l’humide. Face à la mer. J’ai passé mon enfance dans la terreur de l’eau. Alors je restais sur la plage. A la frontière du sec et l’humide. Surveillant la mer. Et je passais de longues heures assis dans ce face à face. Sur le bord de la mer, posé sur le sable. Sur la frontière.  A creuser. A creuser le sable. Creuser est le premier acte de connaissance. Il faut une vie pour passer du sable à la terre, et de la terre à la chair. Creuser c’est éprouver la réalité, c’est déjà affronter l’illusion de notre vie.

Alors on est sur le bord de la plage. Face à la mer. S’appliquant à creuser, à trouer, à blesser. Et bientôt le fond du trou se mouille. L’eau apparaît. Et nos gestes s’animent. Plus fort. Plus profond. Une sorte d’excitation fébrile qui nous pousse à creuser toujours plus. A vouloir vider le trou de son eau, de son sable. Le vider de tout.  Et plus l’on creuse, plus le trou s’élargit et se rempli. Et plus l’on s’épuise, à vouloir épuiser le trou. C’est un jeu de l’enfance. Et c’est déjà un jeu de la vie. A chaque brassée, on remonte du sable. Toujours le même sable. Et c’est intarissable, démesuré. On pourrait croire que c’est du même que l’on remonte du trou. On pourrait croire que c’est le même geste. Le même trou. Le même vide. L’enfance s’entête, là ou l’adulte renonce. L’enfance invente l’écriture.

Il s’applique. Attentif et souriant. L’enfant livre son combat contre l’impossible. L’inacceptable. Et sans cesse le trou Un_enfant_sur_la_plage_____by_Silverwolf4000s’agrandi et se rempli. Ecrire c’est ce trou qui s’agrandi. A chaque mot. A chaque texte. A chaque redite. Ecrire c’est épuiser la terre et le vide de la terre. C’est ce trou vers la mer. C’est s’épuiser dans le même geste sans savoir que l’on va vers l’infini de la mer. Et les mots sont le sable, rien de plus que du sable humide, et l’eau l’impossible connaissance. Ecrire c’est ce geste pur et absurde. Pur parce qu’absurde. L’écriture ne dit rien de plus que cette érosion des bords, que ce rien qui veut rejoindre la mer, dans un geste inachevable, fait dans l’urgence.

L’enfant ne connaît pas la mort, il apprend seulement la vacuité de toute chose. Dans le scintillement des flots, le murmure des vagues, et ‘insolence du soleil.

Il n’y a pas d’œuvre. Uniquement ces trous dans le sable, que la marée envahira.

Ecrire c’est être à la frontière du sec et de l’humide et creuser toujours plus profond, toujours plus loin.

« Qu’as-tu fais de ta vie ? »,  « J’ai creusé… et certains jours j’étais heureux…sans raison… »

Ecrire c’est avoir les mains de l’enfance, maculées de terre ou de sable et les tendre au soleil pour y voir briller quelques rêves d’or.

Assis sur le bord du trou.

Face à l’océan.

Franck.

23 décembre 2006

L'énigme du silence.....

Dans écrire il y a une intention. Derrière le premier mouvement, il y a d’autres mouvements. Et encore d’autres. Jusqu’à l’ultime, qui est une énigme. Dans écrire il y a un secret. Un impossible secret. Ecrire, c’est le traquer. Le cerner. En E289_L_Enigme_Sans_Fin_1938_Postersespérant ne jamais le trouver. Mais le chercher, sans relâche. Une quête à rebours. Et les mots sont comme ces taches d’encres pliées sur une page blanche et offerts à l’interprétation. Ils disent à l’envers, ils se lisent à l’envers. Ils errent dans des jeux de miroirs, maraudant ici ou là des significations arrachées à notre quotidien, à l’accumulation de nos gestes, à nos répétitions incessantes, nos entêtements. Nos avidités. Nos impatiences. Mais dans écrire il a un secret. Une porte scellée. Le dire serait dire le nombre de notre mort.

 

Entre les phrases se trouvent de larges flaques, nos lieux de manque, de silence. Parole dévoilée dans l’instant où elle se dérobe, où elle s’absente. Il y a dans le récit un instant de fatigue, un fléchissement, une courbure dans la voix. Ca ressemble aux cendres d’un désir. Ou, ça ne ressemble à rien. Les mots sont là, suspendus, dans l’attente d’une révélation. Ou plutôt dans la crainte d’une révélation. Entre chaque mot, il y a une eau qui passe, lente et mystérieuse. Une eau patiente. Troublante. Le mot d’après est un mot sauvé, malgré nous. Le mot d’après est une île déserte, une terre isolée qu’il nous faut habiter. Découvrir.

 

i_have_a_secret_by_ElektrischeEntre les mots il y a des visages, des regards, des mains qui se tendent sur la bordure des lettres. Il y a tout un monde. Il y a des soupirs. Le mot d’après est une aube, la consolation d’une nuit blanche.

 

Celle-là resserrait les mots de sont écriture, les rendait dense, enlevait l’espace et la respiration de peur de se faire prendre par un silence. La profusion verbale pour aiguiser son angoisse. Fébrilité d’une langue malade d’elle-même. Ecriture pleine de bruit, de fureur. Pleine. Trop pleine pour accoucher du sens. Voix égarée. Nourrit de sa propre ivresse. Enfermée sur elle-même. Sur sa propre contemplation. Ecriture étouffée. Bâillonnée.

 

Cette autre distendait la parole, la coupant à la césure de la chair et de l’os, ouvrait de larges océans entre chaque mot, faisait naître la nuit et l’aurore. Chaque mot bordait les plaies de la mémoire, offrait leur souffle aux douleurs. Chaque mot dessinait la courbe du temps. Les montagnes. L’hiver, la neige et ses longues marches solitaires où l’espérance colore la mélancolie. Ecriture du murmure. Du crépuscule. Du secret des amants.

 

Il y a dans écrire de l’amour en jachère. De l’abandon. Jusqu’à l’ultime, qui est une énigme. Juste derrière la vitre des211924 mots, justes derrière le miroir sans tain des mots. L’énigme qui tient tout l’édifice. Pourtant il y a des amours en jachères. Dans chaque mot il y a toujours un peu plus que le mot. Et ce plus, peu nous faire vivre, comme il pourrait nous faire mourir.

 

 

 

 

Ils ont inventé les chiffres pour compter leurs troupeaux. Ils ont inventé l’écriture pour y mettre les secrets, pour les brûler. Tous les secrets sont des secrets d’amour. Ecrire, évite de prononcer les mots magiques.

Ecrire scelle le silence autour du désir.

Ecrire définit les contours du pacte.

 

Franck.

20 décembre 2006

Ouvre les yeux.....

Alors vint le temps où il fallut réinventer l’acte. Redéployer les corps dans leurs chairs. Où il fallut oublier, effacer toute la mémoire et tous les gestes. Réinventer la présence. Réinventer le lieu. Et le souffle. Et la pénombre. Et l’horizon. Et les astres qui le défient. 

 

Se retirer définitivement de soi.

Sans force et sans faiblesse. Revenir à l’unique. A cette chose première. A cette chose dernière. Et se préparer à WhereSeaCaressesShore1toucher les deux extrêmes de la joie et de la douleur. Et à condenser chaque respiration dans le ralentissement du temps, et à condenser le désir en lenteur pure.

Et chaque caresse devra atteindre la profondeur des océans, et chaque soupir portera un peu plus loin la soif. Car c’est le temps, mon amour, des corps nus. C’est le temps des grandes moussons, et de nos pertes souveraines.

 

 

 

Alors il est temps que tu acceptes que mes étreintes te rendent ta substance, te rendent à tes premiers tremblements. Et que mes baisers te lavent de tous les baisers déjà donnés, ou pris, ou volés, ou arrachés, ou déterrés.

Je te veux nue comme tu ne l’as jamais été.

Pas ouverte, pas éventrée. Non. Nue. Pudiquement nue, et droite, et fière, et digne, et immensément forte, et immensément nue. Car que valent mes baisers parmi tous ces baisers passés, que vaut mon offrande, à toi à qui fus dérobée.  Que vaut la pureté de mon regard sur ta chair trop souvent convoité. Et que valent des serments pour toi qui fus si profondément trahie.

Comment réinventer la nudité pour toi qui fus si souvent dénudée.

Comment te dire ou te tendre mon désir, à toi qui fus si souvent désirée.

Comment avancer une caresse vers toi, qui fus tant caressée et si mal caressée.

Comment faire du nouveau avec tous ces larmes anciennes, ces plaintes, ces gémissements.

 

 

 

Alors ferme les yeux. Apprends mon silence. Laisse-le glisser sur ta peau. Laisse-le couvrir ta poitrine et s’arrondir sur ton ventre. Laisse-le glisser dans tes chairs. Apprends mon souffle sur ton cou, sur tes cuisses, sur tes reins, laisse-le courir au profond de ta vie, au bord de tes eaux..

 

 

 

Alors ferme les yeux et apprends ma bouche, mes lèvres, souviens toi de chaque temps de la caresse, comme un piano se souvient des notes qui l’on fait sonner. Laisse venir ta peau à mes doigts, vague après vague, plaisir après plaisir, attente après attente. Comme une tentation longtemps refusée. Creuse, frémis, comme ces eaux des grands lacs qui s’irisent, se rident, et se plissent, lorsque les vents du nord les pénètrent.

 

 

 

Ferme les yeux et respire ma clameur et la grâce d’un instant qui ne pourra pas finir. Gonfle ta chair de ma confiance. Devine ce mouvement qui t’enlace et t’espère, entends le froissement de nos murmures qui nous ajustent.

Sois le mouvement même de mon appel.
Sois la réponse à ma main qui t’interroge. Agrandis l’ombre de ton mystère pour le brûler de sa propre révélation.
Sois le corps avant le corps, la chair avant la chair, sois la source miraculeuse, sois l’amour de mon amour. Sois cathédrale et je serais prières. Pèlerin.

Ferme les yeux comme si tout était advenu. Comme si tout était là, enfin, dans cet espace clôt et pourtant sans borne. Comme si tout était là, dans l’espace incendié de mes doigts sur tes seins, de l’espace océan de mon ventre sur ton ventre. Comme si le feu naissait du mélange de nos eaux lustrales. Déploie ton corps, accepte la forme de mon vertige, de ma folie, de mon appel et de mon cri. Fais-moi naître maintenant, puisque j’accepte de mourir maintenant.

Ferme les yeux et guide-moi vers toi. Apprivoise mon geste. Donne-lui l’élan de ta joie. Donne-lui la direction de ton étoile, de ton ciel. Non je ne pleure pas. Non, tu ne pleures pas. Non, ou si peu alors, comme une neige de décembre.
Défais-moi du froid glacé de mon enfance, défais moi des pluies, défais-moi de tous ces jours où je t’ai attendu, de tous ces jours de peur, de mélancolie. Défais-toi de tous ces regards qui t’on percés, de tous ces mots qui t’ont déjà souillés. Défais-toi de ton nom. Défais-toi de tous ces lambeaux de cauchemars.

 

 

 

Ferme les yeux et défais toi, comme moi je suis défait.bm_silentcaresses
Ferme les yeux et accepte que je puisse être ton offrande. Sacre-moi du bout de tes doigts. Accepte que nos corps puissent parler plus que nos mots. Deux corps dans le mouvement simple de leur vie, deux corps avant le dernier saut, avant l’envol, dans leur seule présence dépouillée.
Laisse-moi remonter les grands fleuves de tes jambes.
Laisse-moi rejoindre l’estuaire au plus haut de tes cuisses.
Laisse-moi brasser tes eaux et pousser dans tes chairs d’interminables mascarets.
Laisse-moi être au plus près de l’écume, accepte l’enlianement de nos membres et l’infini pesanteur du sang qui ralenti et l’infini douceur de l’abandon consenti.

Ferme les yeux et sent les astres te tirer par les épaules, laisse la terre remonter dans tes os. Respire ce temps d’avant, laisse-le entrer lentement dans tous tes soupirs, laisse la fièvre agir, accepte que la torpeur éclatante brise nos chaînes.

Mon amour c’est le temps où les chairs se traversent en remontant les sentiers du désir d’un pas sûr et conquérant.

 

 

 

Ouvre les yeux mon amour, c’est l’heure de cueillir la fleur sanglante de nos âmes tremblantes.

Franck.

 

16 décembre 2006

de sel et d'embruns......

Souvent ses mots touchent à l’endroit fragile. La membrane. Celle qui résonne. Frémissement des brumes tout au bout de mes landes mortes. Et nos paroles s’enroulent à nos silences. Glissent sur nos distances. Souvent. Comme ces vagues qui apprivoisent le rivage dans d’incessants retours. Caresse de l’eau qui s’abandonne aux langueurs de la terre.vague_250

Chaque vague porte en elle tout l’océan. C’est pour cela que les vagues ne meurent pas, leur épuisement n’est qu’un reste d’infini. Chaque vague agrandit l’océan. Comme ses paroles ourlées d’écume blanche, qui reviennent s’allonger dans les derniers murmures. Vague tendre qui lèche les plaies d’une terre usée.

Et nos paroles s’appellent. Nous, nous nous taisons. Pour ne rien déranger. Ni le ciel, ni la terre. Nous restons en bordure de nos blessures anciennes. Juste en bordure. Comme l’écume, comme le souffle de l’écume qui souligne d’un trait tremblant la fêlure des rencontres.

Nous sommes dans un espace qui n’existe pas. Qui n’a pas de nom. Pas de lieu. A peine un mouvement lent et silencieux, qu’il faut porter plus loin. Ailleurs.

Esquisse d’un pas de danse, sur le fil tendu de l’horizon. Lointain.

Car nos paroles se reconnaissent mieux que nous-même. Elles se sont mutuellement désignées. Et elles nous ont oublié. femme_mer_robeDélaissé. Dans nos lointains. Nos absences. 

Sans doute est-ce cela, l’exil. Les mots font la ronde autour de nous et nous laissent là, au centre d’un cercle. A chacun son centre, et son cercle.

Pourtant ses mots souvent me touchent à l’endroit fragile. Car elle dessine les contours d’un plus loin. D’un possible. Avec ce goût de sel et d’embruns. Elle trace l’horizon d’un silence rectiligne pour accueillir le soleil à l’orient de nos vies. Des mots ciselés, découpés dans ses champs de solitudes. Des mots précis posés au fil à plomb. Cherchant la verticale absolue, le point d’équilibre entre la nuit et le jour. Alors, elle les pose, là, avec dans le geste cette sorte d’assurance scrupuleuse. Ce raffinement discret. Terriblement puissante et vulnérable. Alors j’habite ses silences, acceptant le balancement de la houle. J’étire au plus large mon rivage, attendant chaque vague, absorbant la moindre écume. Espérant les plus petits coquillages. La vague sur le sable dessine. La vague sur le sable brode. Respire. Elle invente le temps dans son essoufflement. Et l’amour dans sa constance. Et la foi dans sa patience Et la vague sur le sable écrit. A l’encre bleue des abîmes marins, avec les restes de tempêtes et les fracas obscurs des naufrages. Elle écrit. Solitaire et multiple.

Franck.

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10 décembre 2006

Ne jamais dire adieu....

Aimer c’est graver le marbre. C’est inscrire sous la peau une histoire définitive. Aimer échappe à l’oubli. Longtemps après l’amour, l’histoire se raconte encore. Même transformée, l’histoire se raconte. Et ce n’est pas de la mémoire, c’est seulement l’amour qui fini de se consumer. Même passé l’amour se vit au présent. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’oubli, pas de rémission. Et que l’on se sent perdu et sauvé dans le même instant, toujours renouvelé. Recommencer, c’est seulement continuer, c’est raviver, c’est souffler sur les flammes. Même nouveau, c’est toujours une vieille histoire. C’est remonter la flamme jusqu’à la première étincelle. Remonter le feu. Le premier feu. La première mort. Et jusqu’à la dernière.

Aimer, c’est accepter de ne jamais dire adieu. Même après la fin, même après la haine. Surtout après la haine. C’est le retour sur la scène du crime. Et contempler notre propre cadavre. Aimer c’est dérober des indices au passé pour mystifier l’avenir. Et échouer dans cette opération secrète, alchimique, magique.

Il n’y a qu’un visage en nous. Un visage qui se moque de nos dérisoires tentatives, de nos pathétiques tentations.

Tes mots me touchent comme s’ils avaient des poings. Des poings qui s’abattraient à toute volée à l’endroit de71ae1b4231b0638b_grand ma face, sur le nez par exemple. Je lis tes lettres et ça fait comme des brûlures. Je lis et ça fait des cicatrices, comme une lame d’acier dans le vermillon de la vie.

 

Tes mots me touchent comme s’ils avaient des mains. Des mains douces. Des mains qui se poseraient sur ma peau cornée et usée, à l’endroit du cœur. A l’endroit des battements. Je lis tes lettres et cela fait des caresses. Je lis et cela fait comme un souffle, comme une eau transpercée de lumière.

Il y a surtout cet enroulement du temps, du mouvement à rebours. Cette remontée des saisons. Et cette tension de l’âme à vouloir décrypter la première inscription du marbre. Vouloir lire le nom qui est gravé dessus. Celui qui nous nomme et qui n’est pas le nôtre.

Dis-moi encore les terreurs de l’amour
Dis-moi encore les envoûtements de ta vie.
Apprends-moi les ténèbres, moi qui me crois voyant

 

Dis-moi encore tes secrets d’amour.
Dis-moi encore les magies de ta vie.
Apprends-moi le ciel, moi qui ne fais que le traverser d’un pas agité et inquiet.

 

Chante pour moi. Hurle pour moi.
Danse pour moi. Chiffonne-toi pour moi.
Ris pour moi. Pleur pour moi. Pour moi seul.
Raconte-moi l’amour de dieu et des hommes. Dis-moi leurs chairs et leur sang.
Le visage de l’autre est porteur de notre ombre. Et on ne le sait pas. Même si on le sait. On ne veut pas le savoir. Et nos caresses se souviennent du premier crime. A cause d’un désir pris dans le marbre. L’autre de l’amour nous désigne.

Dis-moi l’enfer qui vrille ta mémoire.
Dis-moi ton délire lancinant et mortel.
Dis-moi tes os et leurs cendres et leur haine.
Dis-moi tes cuisses ouvertes et les tritons que tu recèles.

 

L’amour nous dit en creux, comme la haine d’ailleurs. On hait d’autant plus, que l’autre nous ressemble. Parce qu’on suppose qu’il sait. Il est au cœur de notre misérable secret. Et la haine est bien un désespoir, un apitoiement sur ses propres ruines. Toute haine touche à notre vérité, tout amour à notre illusion. Et vivre, c’est marcher de l’une à l’autre, jusqu’à ce que le fil qui les joint se brise. Par trop de vérité, ou par trop d’illusions.

Dis-moi l’éternité qui porte tes offrandes.
Dis-moi ton âme murmurante et fragile.
Dis-moi ton corps et sa flamme et sa piété.
Dis-moi tes cuisses souples et ces coquillages que tu protèges.

 

Dis-moi toutes ses choses.
Dis-le moi, mille et une nuits, et quelques siècles de plus.

 

Le Fleuve. Les rives changes et pourtant c’est le même fleuve. C’est le même élan. Jusqu’à la fin. C’est le même livre qu’on relit.

Dis-moi le marbre froid de ton cou.
Dis-moi les vipères de tes seins.
Dis-moi ton ventre et son abîme.
Dis-moi tes râles, tes pertes blanches, tes indécences, tes violences

 

Nous n’avons de cesse que d’aller profaner nos tombes. Pour s’assurer de quoi, au fond ? Chercher la vie au bord dea001880 ce qui a nie ? Il n’en demeure pas moins que nous avons cette passion des os décharnés, des os blanchis, des terres noires. Pour renforcer notre résistance.

Dis-moi la douceur de ton cou.
Dis-moi la forme et la pâleur de tes seins.
Dis-moi ton ventre et son velours.
Dis-moi tes soupirs, tes abandons, tes pudeurs, tes outrages.

 

Étreinte des contraires. Désenchantement des non-sens. Décidément il n’y a pas d’adieux possibles.

Dis-moi tes litanies comme un poison à mes lèvres.
Dis-moi ta danse quand elle est sacrilège.
Dis-moi le ricanement quand tu plaisantes de moi.
Dis-moi tes conjurations quand je suis trop près de toi.
Dis-moi tes cauchemars et tes arcanes.
Dis-moi la bile de ton sang.

 

Les poésies sont des feuilles qui tombent arrachées par l’hiver. Leur mort annonce le renouveau. Recommencer, c’est seulement continuer, c’est raviver, c’est souffler sur les flammes. Même nouveau, c’est toujours une vieille histoire. C’est remonter la flamme jusqu’à la première étincelle.

Dis-moi ton chant quand tu le donnes à mes lèvres.
Dis-moi ta danse quand tes voiles se défont.
Dis-moi ton rire quand tu te dérobes.
Dis-moi ta prière quand je dors près de toi.
Dis-moi tes rêves et tes mystères.
Dis-moi tes larmes, dis-moi ta joie.

 

Aucune violence n’entame la mélancolie. Elle est la bougie sur le bord de la table. Elle éclaire nos passions, nos écrits. Elle a été témoin du crime. Alors elle peu bien nous accompagner. Même en silence. Aimer c’est accepter de ne jamais dire adieu. Les aux revoirs sont les ricanements du destin. Le bégaiement du temps. Ainsi la haine comme un pitoyable aveu. Et la violence un piètre abandon.

J’aime tes affronts quand ils disent : vas-t-en.
J’aime ton cri qui arrache les miens.
J’aime ton bec quand il déchire mon nom.
J’aime tes crocs qui serrent mes paupières

 

J’aime tes mots quand ils disent : je t’aime.
J’aime ta voix quand elle s’offre à ma voix.
J’aime ta bouche qui appelle mon nom.
J’aime ta langue sur le bord de mes yeux.

 

Et c’est un désastre. De notre cage, nos mots, nos chants s’échappent pour rejoindre le bruit du monde. Chacun dans sa cage. Cacophonie.

Le désir brûle, car derrière ses apprêts il veut notre propre mort et il sait toujours le chemin le plus sûr. Il nous distrait pendant qu’il avance ses pions.

Même passé l’amour se vit au présent. Ainsi la haine.

Ainsi la haine comme un pitoyable aveu.

Dis-moi l’incendie qui dévaste ta langue.
Dis-moi la substance qui écorche tes veines.
Dis-moi les cyclones qui brassent ainsi ta chair.

 

Dis-moi le feu qui brûle ton esprit.
Dis-moi l’étoile qui coule dans tes veines.
Dis-moi tes tempêtes de chair.

 

Alors, Toi la prochaine, tu n’est pas la suivante, tu es encore la première. Tu es la seule, puisque le désastre doit s’accomplir. Et que tu as la forme de l’ombre qui m’anéantira.

 

Alors dis-moi surtout la paix et le recueillement et l’abondance dans le renoncement.
Dis-moi la sagesse des sables et comment on dénude son cœur pour marcher sans impatience vers un point d’eau perdu au fin fond du désert. Dis-moi les paysages de neige, les lumières d’un hiver, et le givre comme un gant de dentelle sur les ramures déshabillées des grands cerisiers.

 

Franck.

9 décembre 2006

Mathématiques....

Il y avait sur la géométrie de ta peau des angles inconnus, des perspectives lointaines qui crissaient sous ma main, de cesmath_001 coins d’ombres où je me perdais, de ces sources d’eau brûlantes qui attisaient la soif, la faim, la peur même. Il y avait des parallèles folles et des ellipses féroces. Il y avait sur ta peau toute une géométrie de l’espace et des chiffres que mes doigts devinaient, pénétraient, décryptaient. Toute l’apesanteur et tous les centres de gravité qui se concentraient dans l’atome du souffle. Et il y avait ce vertige des nombres vers l’infini du désir ; plus ou moins l’infini, selon le sens de nos nuits, selon la pente de nos caresses. Et il y avait ce désordre des chairs, ces frottements lents et profonds à la tangente d’un soleil de nuit et de nos ventres affamés. Et il y avait nos disparitions, et nos abstractions pour lesquelles nous mélangions le chiffre de la bête et le nombre d’or. Et il y avait tes soupirs cosinus et ton cri vertical… et ma main sur ta peau, et mes lèvres sur ta peau, et mes rêves sous ta peau. Et tes larmes, aussi. Arithmétique des jours où nous nous tenions à l’écart-type de nos tentations, où nous faisions nos contes d’apocalypse, additionnant la chair à la chair, multipliant les frémissements.

C’était un temps arithmétique insatiable.

Temps qui s’avançait sur l’hyperbole de tes hanches.

Temps exponentiel.

Asymptote souveraine qui guidait nos heures vers le chant.

Mathématique du silence.

Algèbre universelle des équations à deux inconnus.

Franck.

2 décembre 2006

Ignorants....

L’amour échappait à nos mots. Seuls quelques gestes l’éclairaient. Il nous fallait cette ignorance de nous-même. Comme si les mots pouvaient chasser la présence. Il fallait n’en rien dire. Délimiter un espace inattaquable. Peut-être pour se préserver de l’incommensurable banalité.  Entretenir l’incroyable. Comme au début lorsque je la voyais traverser une pièce et que j’avais cette sensation que le réel tremblait, que j’étais entre deux espaces et que de la voir, elle, me demandait d’ajuster mon regard à ce qui le débordait. Une sensation électrique. Fugace. Troublante.

Parfois nos visages se rapprochaient. Nous fermions les yeux. Presque à se toucher. Sans se toucher. Sentir la seule Image_20d_Oedipe_20et_20Antigoneprésence. Proche. Avec le souffle, la respiration. Parfois elle passait sa main sur mon visage, comme une aveugle qui découvre un inconnu. Doigts légers. Dire l’amour dans ce silence aveugle. Eteindre tous les sens pour concentrer l’unique présence dans cette caresse. Ouvrir les yeux nous aurait annulé, effacé, anéanti.

Nous restions dans la pénombre de nos vies, à caresser les galets du temps. Pierres lisses. Ombres aiguës. Temps sans mesure. Temps de houle où les vagues se balancent de vagues en vagues, portées simplement par le mouvement mystérieux qui les enlace.

Elle brodait des caresses sur la dentelle de nos songes silencieux. Et nous étions dans l’ignorance sensuelle d’une distance impraticable. Proche, sans se toucher, à la portée d’un désir inavoué. Armés seulement de nos tremblements, pour survivre. Moi, l’Oedipe accomplissant le rêve d’Antigone. Aveugle errant, comme la métaphore d’une humanerie.

L’amour bredouille des litanies incompréhensibles, faites du frottement de la parole sur la peau d’un sein, de la coupure des mots à l’endroit du mensonge.

Nous aimons à travers nos blessures, c’est pour cela que les amants s’échangent leurs sangs, c’est pour cela que l’amour échappe aux mots. L’amour naît toujours d’une nuit d’hiver, dans le dénuement d’une saison morte. De nuit. Toujours de nuit. Et nous aimons toujours au travers d’un souvenir ancien. Et nous aimons toujours comme si nous voulions le retrouver. Comme s’il fallait le retrouver. L’urgence de renouer avec le sacrifice premier, qui nous révèle et nous détruit en même temps. La première nuit. Aimer c’est tenter de la rejoindre, dans l’ignorance de nous même. Et remonter le fleuve de nos générations.

Et les corps démentaient nos silences. Et nos corps déniaient nos souffrances.

Recommencer. Recommencer. Pour ne pas mourir. Ou pour mourir plus vite. Epuiser la langueur, fille de nos peurs. Recommencer à aimer. Encore une fois. La dernière. La seule.

Et l’amour se dérobait à nos regards. Comme à nos mots. Comme à nos vies.

Simples. Ignorants. Et tremblants.

Franck.

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