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J'irai marcher par-delà les nuages
30 janvier 2007

Variations Rhétoriques.....

L’image fusionne les univers, et condense les temps. C’est un précipité. D’où cette sensation d’aspiration lorsqu’on la lit. Aspiration et carambolage. L’image c’est un accident de la langue, une catastrophe miraculeuse. Un vertige. Elle est au cœur du mystère. Puisque c’est une folie. Puisque c’est une révolte contre la raison, contre la tyrannie. Elle unit et sépare en même temps. Elle concentre et divise, rapproche et éloigne. Un feu. L’image coupe, déchire, perce, traverse, 4variaclaque comme l’éclair, enfante. Elle invente un monde nouveau. Elle est promesse et refus, et abandon.

Pourtant elle est si vulnérable, si fragile, elle ne tient que sur le fil coupant du texte, elle ne tient que par le balancier des mots. Elle ne tien à rien, en fait. Elle est en suspension dans un monde parallèle, hors de toute dimension, une femme nue couverte de voiles transparents. Hors de tout, vagabonde qui a quitté sa maison. Sans feu ni lieu. Ingénue, inconvenante, elle est devant nos yeux, invisible et présente, comme le parfum de l’amoureuse apporté par le vent. Elle surprend toujours, elle maraude, entre par effraction dans l’œil des mots effarée, elle ne laisse aucune trace, pas d’empreinte, pourtant le coup de hache est là, et bien là. Car l’image a errée, longtemps traînée, longtemps braconnée avant de lâcher son coup, avant d’ouvrir le texte en deux, en mille éclats. Elle rôdait dans nos veines, cachée dans l’ombre opaque de la langue. Et elle traverse en diagonale nos sens éteints. C’est l’humeur du sang. Et vouloir la saisir, la comprendre, la tenir est aussi vain que de vouloir retenir dans ses bras une femme tzigane. L’image est une eau débordante.

Ce qui la fait naître c’est un désarroi. L’impossibilité de signifier. C’est d’abord un échec. Les mots s’écrasent les uns sur les autres. Ils s’empilent, comme des pierres inertes, et mornes, et mortes, sur le mur plat et triste du texte. Le rêve s’enlise. La main se crispe et tremble.

Alors l’image naît du mouvement, du geste, de l’élan, c’est un pas de danse qui échappe au danseur, c’est un temps de plus dans la valse, un pas décalé, invisible et lumineux. Le clair dans l’obscur. Une vision brutale et douce comme la mort. Une île dans l’immensité. A elle seule elle veut sauver le texte qui sombre. Et la main qui fait naufrage.

smbtL’image naît du geste. Elle est conséquence et prémonition. Comme la vague qui n’est rien, mais qui est, aussi, la mer. Et qui déploie un mouvement qui la dépasse. La vague, même la plus insignifiante, sait l’océan. Et c’est cette insignifiance suprême qui nous fascine. Et c’est ce savoir fatal qui nous trouble.

L’image est d’un autre temps que le texte, d’une autre dimension. Et dans sa trajectoire enveloppante elle cherche un Autre, un pays, un rivage. Elle est de la saison suivante. En coupant le texte dans le gras, dans l’immobile, elle cherche une autre continuité qui devance, outrepasse, submerge, le texte qui croit l’accueillir. Car l’image connaît les lieux, parce qu’elle les visite la nuit, durant notre absence. Elle porte déjà le texte bien avant sa présence, elle sait des espaces interdits que l’écriture ne connaît pas. Elle est ignorante des lois. Et ne vaut que par l’élan silencieux qu’elle dépose entre les mots, et à la suture qu’elle laisse sur l’iris.

Alors l’écriture peut continuer à déployer sa lente spirale. Car l’écriture se refuse à commencer. Ecrire c’est continuer. Une façon de tendre vers l’infini. Ecrire c’est continuer, c’est partir et s’éloigner du centre ignoré. Et l’image danse et plie nos paroles, même s’il y a du meurtre en elle, même si elle sauve et tue le texte, même si elle l’affirme et le dénie dans le même souffle.

Elle reste le regard de l’éphémère sur la face de l’éternité.

L’œil qui la fixe, et qui la fait brûler.

Franck

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27 janvier 2007

Chaconne....

(1er mouvement) (Altos, haut bois, bassons, cors et quelques autres instruments) (Mouvement lento, forte) (Étirer les notes jusqu’à ce qu’elles cassent). (Toutes) (Les bémols sont proscrits, même s’ils sont écrits, ne pas les jouer)(Le chœur restera silencieux)(Le piano ne jouera que sur les touches noires)

 

Quelque chose se souvient. Quelque chose se souvient de la première nuit du monde. Epaisse et souveraine. La ciaconapremière nuit du monde. Une plénitude dans l’épaisseur. Grande nuit des dieux. Sans temps. Sans parole. Toute en prière. Première nuit du monde, où l’homme parlait seulement aux dieux. Où les dieux répondaient à l’homme. Et c’était un dialogue. Et c’était la première nuit du monde. Et chaque destin s’accomplissait, car il n’y avait pas d’événement, pas de quotidien, seulement des miracles ou des tragédies. Seulement de la rocaille et du vent.

 

 

 

Le laboureur levait sa face aux cieux, sa face de sillons lourds, sa face de glaise ravinée. Et le laboureur baissait les yeux. Et il s’attelait. Pour creuser sa vie. Et c’était la nuit du monde, la première, la seule, la grande. Un temps sans écriture. Seulement des signes, des marques, des stigmates. Et puis des incantations sous les étoiles. C’était le temps demains_1925p l’ordre et de l’éternelle présence. Et les ombres avaient plus de vie que la chair. Temps fixe. Brûlant sous le soleil et le regard accablé des dieux. Et c’était un temps sans écriture. Le temps des pierres, sans futur, sans passé, sans issue. Un temps habité, sans espace. Des matins, des soirs, et la tragédie du vent entre les deux.

 

 

 

(2ème mouvement) (Harpe, violoncelle, violons, piccolo, viole de gambe, timbales, triangle ou carré, guimbarde, et mirliton) (Je tiens particulièrement au mirliton)(Le chœur restera toujours silencieux)(Le piano ne jouera que sur les touches blanches… pour changer)

 

Et le jour est venu, et avec le jour, l’aube des temps. Et la lumière a palie les créations divines. Et avec le jour, l’écriture. Et avec le jour, la mémoire. Et avec le jour la peur. La peur du retour. La peur de la fin. Et avec le jour, la fin des prières. Et avec le jour, l’absence. Et avec le jour, le silence changea de couleur et de destin. Et le jour est venu avec l’aube des temps. Et l’écriture, et les voix de l’écriture, et les solitudes de l’écriture. Et les mémoires. Toutes les mémoires.

 

 

 

L’écriture porte en elle la tentation du retour, c’est pour cela qu’elle s’écrit à rebours du temps qui la dit.chaconne

Retour sur l’inaccompli.

Sur l’inaccompli des temps à venir. Sur l’inaccompli éternel. L’impossible accomplissement. L’impossible sacre.

La défaite.

 

 

 

(3ème mouvement) (Tout l’orchestre)(Respecter les silences, tous les silences et les soupirs, tous les soupirs)(Les violons devront insister sur la couleur bleue, les cuivres se chargeront du rouge)(Le chœur continuera à être silencieux, il est la voix silencieuse, et la première nuit du monde)(Le chef s’inspirera du printemps et du vol des oiseaux pour guider l’orchestre)

 

L’écriture passe son temps à se suspendre, comme si dans ses stases successives se trouvait sa vérité ultime. La Vérité. L’écriture cherche son silence, dans l’au-delà des mots. L’accomplissement du dire dans le vide. Le vide d’après.

L’écriture est solaire, mais elle se souvient de la nuit, car l’écriture c’est la mémoire. Et l’écriture est solaire, c’est pourquoi elle a affaire aux ombres, aux traces qui s’effacent, aux rêves qui rattrapent nos gestes, à ce qui respire encore dans les coins les plus perdus de nos vies.

Comme si le geste d’écrire avait besoin de s’arrêter pour s’accomplir. L’ultime appel à la vie. Et le geste se resserre. Comme la matière dans l’atome. Resserrement de l’espace de l’écriture pour lui donner la puissance du cri. Le cri. Le mot dénué de parole. Le dire pur. Le tintement de la vie dans la chair. La révélation.

Rimbaud cesse d’écrire. Cesse-t-il d’être poète ? Ou bien commence-t-il à le devenir ? Ou bien l’a-t-il toujours été ? L’accomplissement dans l’inaccompli. L’inachevable. Le précaire comme horizon infini. La peau vulnérable du poème se raidi jusqu’à la cassure, jusqu’à la faille de lumière brutale.

Ecrire c’est autre chose qu’écrire. C’est avant tout signifier le feu, et tout ce qui pourra détruire le feu, et tout ce qui art040708sera écrit.

Le feu. Le feu séparé de la chaleur. Le feu comme principe d’ascension et de disparition. Chemin de retour à la nuit. Retour à la nuit lumineuse.

 

 

 

Franck.

 

20 janvier 2007

La folle voix......

« Ecrire, ce n’est pas parler ». Et pourtant… Ecrire porte la voix. Quelle voix ? Pas la voix de notre bouche, pas celle de nos dents, de nos lèvres, de notre langue. Ecrire porte une voix. Une voix de nous. Une voix qui erre en nous. Quelqu’un parle en nous bien au-delà des sons émis. Et c’est un interminable monologue. La litanie infinissable. « Ecrire, ce n’est pas parler », c’est dire. Dire la voix en nous. Et révéler la présence.

Il y a entre la chair et l’os un être qui rode, un être de gravité. A la démarche incertaine et ombreuse. Il y a derrière P1010325notre face de jour, un spectre qui claque des dents. Qui rit parfois. Qui pleure souvent. Et qui parle, un monologue inaudible, interminable. Et l’écriture nous dit sa présence. Dans le creux des silences. Car l’écriture porte la voix de l’ombre. Entre le mouvement des phrases. « Ecrire, ce n’est pas parler ». Car on ne dit jamais rien, rien qui tienne dans un univers en expansion. Et parler c’est contredire la voix de l’ombre. Et parler c’est faire taire la voix de l’ombre. Le réel et le vrai, toujours cette dualité. Et cette déchirure. Et notre vagabondage entre parler et dire. Entre le réel et le vrai, sans jamais être ni vraiment dans l’un ou dans l’autre. A cause d’un univers en expansion. Avec les trous noirs.

Et l’écriture a été inventée comme une arche qui tente de rejoindre les rives du fleuve impraticable. Fleuve. Flots des jours, et notre pitoyable insignifiance. « Ecrire, ce n’est pas parler », car parler c’est se ravaler à chaque mot, à chaque idée, c’est se renier inlassablement par désespoir, ou vacuité, ou peur, ou lâcheté. Et c’est le bruit de nos pas et leurs traces qui s’effacent. Et l’impatience exacerbée. Et le ciel qui s’assombrit.

Ecrire c’est dire, et dire n’est jamais vraiment lisible, puisque dire se fait au couteau, juste entre la chair et l’os. Et dire c’est signifier. Et signifier c’est toucher du doigt le soleil et chaque étoile du ciel. L’écriture révèle la trace du couteau à chaque souffle de la voix.

 

 

 

S2154Ô mon dieu, mes ombres saignent, et ma voix à tant de mal à traverser mon sang. Ma voix, la folle qui tient ma maison, celle qui connaît mes histoires, mes attentes, mes ivresses sauvages, celle qui c’est nourrit au lait de ma solitude, celle qui a creusé mon ventre pour enfanter mes monstres ou mes diamants. Ma folle voix, avec ses vocalises muettes, ses murmures provocants, celle qui me souffle d’incompréhensibles songes, avec sa façon bien à elle de vriller ma mémoire et de raidir ma main qui écrit. Ma folle voix, qui a besoin de tant de vide. « Ecrire, ce n’est pas parler », et elle le sait. Elle, qui pèse sur mes mots pour les rendre impraticables, elle, qui trace des arabesques devant mes yeux, tissant de 29_auroreterribles linceuls avec les fils coupés de mes souvenirs, de mes amours. De mes amours. De mes amours.

Ma folle voix qui a besoin de tant de vide, de tant de lande, de tant d’exil. Ma folle voix qui appelle tous les incendies et qui me voudrait roi ou mendiant. Et elle s’écorche dans ma parole, et me le rend bien, au centuple. De son silence épais elle me retire du monde des vivants. Car il lui faut tout, mon espace et mon temps, et mes yeux, et mes lendemains, et mes toujours. Elle me vide, et me veut fait de rien.

Alors je suis vidé. Vidé des jours et des visages. Vidé de mes histoires. Vidé des peaux que j’ai caressé, des sourires que j’ai tenté. Vidé comme une grande cathédrale de malheur, vidé de mes compassions, des mes murailles de Chine, de mes cascades nordiques, vidé comme un puits de désert.

Alors je suis vidé. Vidé de mes rencontres, et des baisers que l’on offrait au détour de l’aurore. Car il lui faut tout, les ventres que l’on a aimés, la sueur des corps. Même les gestes oubliés, la main que l’on n’a pas tendu. Tout, même mes crépuscules, des mes prières. Tout, même mes océans. Surtout mes océans. De mes cris d’orgueil ou d’effroi.

« Ecrire, ce n’est pas parler ». Et pourtant… Ecrire porte la voix. Une voix qui erre en nous. Ecrire c’est l’anti-matière de la parole. Un trou noir de l’espace des mots. Le trou noir de l’attente, et des tempêtes de l’attente, et du soleil de l’attente. Léger comme une grâce…

« Ecrire, ce n’est pas parler » c’est chanter, juste avant la mort.

Léger.

Léger.

Chanter, juste avant la mort.

Franck.

14 janvier 2007

Labyrinthe...

Le texte est le labyrinthe de la voix qui tente de le dire. Peut-être à cause de la distance qui les sépare. Un exil. Toujours entre la voix et le texte. Et de cette crainte latente du centre qui pourrait nous dévorer. Minotaure égotique. Alors on suspend l’écriture pour faire taire la voix. La parole est une errance qui n’atteint jamais sa cible initiale. Avec le silence comme fil d’Ariane.

 

Et le destin de l’écriture est un voyage sans fin. Traversée des sables ou des mers. Elle est sans chemin. Elle est en pure perte. C’est ce qui la rend invincible

 

Et parfois, il y a un reste, un surcroît qui déborde du texte. Parfois seulement. Des mots se décrochent et tombent, labyrinthe_chartrescomme s’ils avaient trompés la vigilance du porteur de voix. Des mots débordés. Comme le coolie qui renverse l’eau du seau dans son transport. C’est l’eau rare. L’eau fertile. L’eau détournée. L’eau qui ne sera jamais bue. L’eau du retour. L’eau évadée. L’eau libre. L’eau qui fait fleurir les talus, celle qui inventera les routes futures. Des mots perdus. Comme de l’eau renversée.

Parfois, il y a un reste, un surcroît qui déborde du texte. Parfois seulement. Et c’est la poésie.

 

Y a-t-il des paroles qui ne soient pas destinées, qui n’aient pas de direction ? Des paroles débarrassées de la voix. Des paroles sans intention. Existe-t-il une parole pure ? A part le lapsus. Coquelicot dans les chaumes d’un champ de blé.

 

Et la voix se perd dans des paroles jamais assez nues. Toujours impudiques.

Ecrire bien au-delà des marges. Dans la pliure. Ecrire dans l’affaissement. Le retrait. La défaite. Voilà, la défaite, jusqu’à l’excès, jusqu’à la négligence. C’est sans doute cela la perte. L’excès, la saturation. Dans la voix ou dans le silence. Peut-être que la poésie est, aussi, cette transpiration de la voix. Cette sudation. Un excès de fatigue sous le soleil.

Comme un suintement. L’exhalaison d’un soupir.

Il y a du fracas là-dedans, comme un éclat de verre qui retient une part de soleil. Coupure du réel. Et les vérités sortent de cette coupure. Et c’est pour cela quelles sont rouge.

Il n’y a pas de savoir. Uniquement une voix qui erre dans un labyrinthe. Et nulle connaissance ne nous sauve, hormis de pauvres révélations, et ce fragile tremblement, qui ne signifie rien de plus qu’un fragile tremblement. Rouge. Nostalgique et rouge et mélancolique.

 

Une parole dans la pliure de l’univers. Un puit abandonné dans le désert, et qui s’offre au temps. A la solitude. Et au mystère de la soif et de l’attente.

Aux épousailles de l’oubli et du vent.

Franck.

6 janvier 2007

Elle sera.....

Tu as glissé comme une ombre neigeuse sur mes cendres fragiles, et tu t’es suspendue, un temps, à ma folie dérivante.

J’étais la poussière et le sable, et tu fus la semence du vent. Et l’éclair.

Et j’étais naufragé, et tu t’es faite île. Et j’étais la soif, et tu t’es faite fruit. Je n’étais qu’une écorce, tu m’as fait arbre.

Tu m’as poussée aux frontières des enfers, aux bords de ces abîmes, de ces archipels pourpres. Infatigable. Tu étais cette lande amère offerte aux souvenirs, qu’une aurore veuve et squelettique incendiait chaque jour. Chaque nuit.

Et j’étais pauvre, tu m’as donné la démesure, et la sérénité, et le soulagement de l’attente. Et j’étais le chaos, tu m’as appris la grâce, l’élégance du geste qui s’enroule sur l’ombre des heures. Je n’étais qu’un son dissonant, tu m’as montré l’octave, lorsque les notes s’épuisent et se faufilent dans les harmonies immaculée. Je n’étais qu’une écume pauvre en déroute, tu as su la tisser en dentelle de givre.

Tu as soufflé sur mes plaies dérisoires, oubliant tes humeurs, tes rumeurs, tes horreurs, tu as soufflé sur mes plaies vaines et frivoles avec la patiente douceur d’une mère attentive, avec cette complicité de sœur câline, et la tendresse d’une femme amoureuse. La tendresse d’une flamme généreuse. Tu fus la chair de mes os, et tes mains, la peau de mes rêves.

Et j’étais la poussière et le sable, et tu fus la lumière et l’étoile. Et j’étais misérable, et tu m’as fait sentier, chemin, passage, pèlerin embrasé. J’étais taciturne, tu fus ventre de délivrance d’aube. J’étais un puits sans fond, tu m’as offert la chair de ta margelle, le chant de ta poulie,  l’alliance de ta corde. Je n’étais qu’un désert, tu m’as fait citadelle Je n'étais qu'une friche, tu m'as fait jardinier. Je n’étais qu’un silence tu m’as fait symphonie. Tu m’as offert tes mots pour nourrir ma parole et tes incantations pour guider mes prières. Tu étais cette voix fauve sarclée de ferveur exaltée, incandescente, étincelante. Et tu étais un orage, un tourbillon enluminé d’innocence égarée. Un royaume sans frontière.

J’étais la poussière et le sable et ton vent a soufflé pour disperser mes cendres, et je devins nuage poussé par ton absence. Et je devins un ciel de miséricorde traversé de lenteur blanche.

Un rêve de papier.

Franck.

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2 janvier 2007

Poussière et souffle......

Il arrive à l’alpiniste d’atteindre le sommet, dans l’écriture parfois on fini, mais jamais on n’atteint.

Poussière et souffle. Rien de plus. Rien de moins. Le pitoyable uni à l’invisible du mouvement. Du négligé sur du négligeable. Du rien sur du rien. Evanescence. Insaisissable élan de l’écriture. Des mots qui s’effritent. Poussière de poussière. Inconstance fragile de toutes nos pensées. Moins que du sable, avec ce souffle qui donne l’illusion de la vie. Fécondation poussive des lèvres de l’écriture, glissement de nos expirations autour de nos restes. De la poussière plein la bouche. De la poussière qui tapisse nos poumons. Nos souvenirs. Nos actes. Nos amours passagères.

Poussière. Pénurie de matière, de solidité. Insuffisance. Grains légers des mots qui s’envolent et qui se perdent sur les chemins de la langue. Errance, vagabondage de nos mots qui s’égaillent, que l’on aperçoit dans les rayons de lumière dans l’agitation d’une danse fébrile. Eperdue. Profusion de manque suspendu, qui recherche les recoins de l’âme, pour s’entasser dans les déserts de l’existence. Les royaumes de la poussière sont les greniers, les lieux oubliés, en dehors des passages et des vacarmes. Quand elle se rassemble c’est pour quelques poèmes, quand elle se regroupe c’est pour quelques pages, le temps d’une aurore, puis les mots se désagrègent, sans bruit, sans trace. Les mots traversent la terre sans la toucher, simplement en l’effleurant. Caresse triste d’une parole recherchant sa propre densité, son propre poids, son escale, son havre. Un sourire consentant. La paume d’une main ouverte. Poussière. Nuage d’une matière qui n’est rien. Rien. Un simple passage dans l’air du temps. Une promesse à peine audible. Elle contient toute les formes et n’en possède aucune. Elle ne fait que visiter le jour, sans s’accrocher aux heures. Elle recherche son souffle, celui qui l’emportera plus loin. Ailleurs.

Et la poussière se mêle au souffle. Du négligé sur du négligeable. Il y a dans les noces du souffle et de la poussière, quelque chose qui tient du mystère. Le souffle vient apaiser le vulnérable en nous, le douloureux, comme cette mère qui souffle sur la plaie de son enfant pour en effacer le feu, mais le souffle dans son infini métamorphose encourage aussi la flamme de l’âtre pour lui donner la force et le désir de brûler un peu plus, de chauffer un peu mieux, de survivre plus intensément dans une chaleur renouvelée. Le souffle ponctue la fin de nos peurs en appelant des brindilles de paix. Le souffle est cette voix silencieuse de nos mots. L’armature de notre parole. Il n’est rien, mais il tient tout, comme le vitrail tient la cathédrale. Il se saisit, en la brassant, de la poussière de nos textes, rafraîchissant la langue, inventant des volutes invisibles. Il est la direction de notre errance, le sens de notre persévérance. C’est la source des quatre coins de l’horizon. Il lave, il purifie chacun de nos souvenirs. Il est la première musique, il sera la dernière. Il est le seul langage amoureux, celui d’avant les mots, celui d’avant les mensonges, il est le voile qui habille nos désirs. Il n’est rien, invisible, et pourtant il nous rend à la lumière.

Le souffle se dévoile à nous lorsqu’il passe sur la poussière. Car c’est lui qui révèle le poème. Il en est le sang fugitif.

Il arrive à l’alpiniste d’atteindre le sommet, dans l’écriture, parfois on fini, mais jamais on n’atteint. Au bout des mots il reste toujours un morceau de rocher inviolé, impraticable. Dans l’écriture le sommet est toujours plus loin, toujours plus haut, c’est la voie mystérieuse de l’écriture, sans doute sa voie divine. On est à un souffle du but. Car le sommet s’invente au fur et mesure de l’écriture, toujours avec un souffle d’avance, toujours avec un printemps d’avance. Et peut-être que la littérature réside en cela, dans ce souffle qui maquera toujours à notre dernier souffle. Et on s’épuisera jusqu’à l’asphyxie, jusqu’à l’extinction des mots, jusqu’à écroulement de la parole.

A mordre la poussière.

A agrandir l’univers.

Franck.

« L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant. » (La Genèse)

 

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