Chaos......
On regarde l’écran avec la forme de la page blanche. Et le clavier, avec les lettres. Un champ de bataille de lettres inanimées. Le chaos. Au départ, c’est toujours un chaos. J’ai toujours ce sentiment de chaos. L’ordre du monde est une apparence, il suffit de souffler dessus pour que la confusion se révèle.
Ecrire nous donne l’illusion d’une mise en ordre. Au chaos du monde j’inscris mon propre chaos. Ecrire est d’abord une désunion. Aux rumeurs du monde ma voix étouffée s’ajoute. Du bruit sur du bruit.
La cathédrale de pierre s’élève. Les architectes voulaient le plus grand, le plus puissant pour dire la foi. Le plus haut pour la citadelle de prière. Vaste maison de pierre et de lumière, et de lourd, et d’impalpable. De pesanteur et de grâce. D’ordre. Tout autour de l’édifice, un peuple de statues, dressé dans la rigueur de la pierre taillée dans l’éternité. Un peuple de saints racontant l’histoire de l’humanité, les peurs, les faiblesses de l’homme, racontant l’enfer et le paradis. Et la grande arche, ce portique en ogive sous lequel la foule passe. Inépuisable cortège de misère, qui passe sous l’ordre de dieu. Et la foule entre, baissant la tête, dans le grand livre de pierre. L’ordre de l’éternité.
Nous ne pensons que par ennui, ou par peur. L’intelligence protège ou tue, c’est pour cela qu’on ne peut pas écrire avec de l’intelligence. Ecrire c’est le contre poison de l’intelligence.
L’attente et le rêve. Le rêve qui s’enlise. La patience dans l’indifférence du ciel et des étoiles.
Ecrire n’est rien, sinon le chant. Le chant passager. Ecrire c’est le sourire de l’ange inscrit dans la pierre de la cathédrale de Reims. Ecrire est une désunion, une désolidarisation. C’est quitter l’ordre du monde pour rejoindre le chaos du vivant. Le chaos de l’azur.
L’ouragan de bleu dans la symphonie des étoiles.
Le sourire de l’ange n’efface pas la pierre, il la rend supportable. Il nous dit : rien n’est sérieux puisque tout est grave. Une tempête d’espérance pour ensevelir nos ombres….et passer à demain… et passer à demain…..
Franck.