Simagrées.....
Les voix du silence. Ce matin je me suis levé avec cette phrase dans la tête. Et le souvenir de cette année passée sur « mon Malraux ». Cette année inaboutie. Hormis la déchirure à la fin.
Les voix du silence. Tout est là.
Pauvre banalité. Pauvre vérité. Ecrire, c’est écrire des silences. Une fois qu’on a dit ça, on a tout dit. Et il faut recommencer. Sans cesse. En fait, on a rien dit. On ne dit jamais rien. Il faut s’en convaincre. Pour continuer, non pas à écrire, mais à vivre.
Il ne fallait pas commencer. Ecrire c’est commencer à mourir. On s’en aperçoit trop tard.
Une grande lassitude. Je déborde de silence. Trop. Trop de silence, partout dans mes landes. Sur mes grands champs de neige. Une inondation de silence. Un déluge. Une dévastation. Trop. Je n’arrive plus à parler, même simplement. Une boule de silence obstrue ma gorge. Trop. Silence sur silence. Et ça n’a plus de sens. Même les actes ont du mal à sortir de ce silence.
Nos actes passent par la gorge, on ne le sait pas assez. Ils ont besoin d’un souffle. Ils ont besoin d’une voix pour s’élancer. Là, ils ne passent plus, ou alors mal. Comme pris dans la glace. Dans le froid. Ma saison c’est l’hiver. Je le sais depuis toujours. J’ai beau essayer de l’oublier. Il y a toujours un froid sous ma langue.
L’arme de mon père était le silence. Ma mère en est morte. Le silence a fini par l’étouffer. Le silence a capturé tous ses mots. Et lorsqu’on en n’a plus, on meurt. Les mots ne sont pas dans la tête, ils sont dans les poumons. A l’endroit de l’échange des sangs.
Le silence est une activité mortelle. La seule vraiment mortelle. Ecrire des silences c’est descendre en enfer. Orphée. Ca ne lui a pas réussit.
Le silence ce n’est pas se taire. Ca serait trop simple. C’est se taire avec la présence de ce qui se tait.
La présence du manque. Le manque vivant. Un peu comme un Christ noir en soi.
Le silence ce n’est pas l’indicible. Les amoureux connaissent ces moments impraticables par aucune langue, par aucune parole. Le silence ce n’est pas ça. Le silence est une parole empêchée, une parole décomposée. Quelque chose qui moisit en soi. Dans l’angle. De la cendre de chair au fond de la gorge, et cette amertume sur la langue faite des heures d’attente, des heures gangrénées.
On ne dit jamais rien. Il faut s’en convaincre. Pour continuer, non pas à écrire, mais à vivre. On continue parce qu’on est lâche. C’est peut-être la marque de l’écriture. La lucidité est sans doute la pire des lâchetés. Ou la pire des illusions. Ce qui est la même chose.
La parole est paralytique. Joé Bousquet invente la vraie littérature. Il avait au moins l’honnêteté d’être vraiment paralysé. Je suis un pitre. Je n’ai pas ce courage.
Ecrire, c’est la danse des Sioux. On tourne autour du poteau. On danse, on fait des ouh-ouh. On se rapproche de plus en plus du poteau de torture. On ne l’atteindra jamais. Quelles simagrées ! Une bonne conscience pour trois pas de danse.
Il aurait fallut ne pas commencer. Après c’est comme une maladie. Ecrire ne change pas les saisons. Je resterai toujours en hiver. C’est ma saison.
Le silence est une maladie des mots. Elle passe dans le sang. Elle le noircit. Ecrire en est le symptôme. L’amour la victime.
La colère le remède.
La colère le remède.
La colère le remède.
La colère le remède.
Franck.