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J'irai marcher par-delà les nuages
29 juillet 2007

Pierres de rêves.....

Chaque matin c’est comme si un ciel livide tombait face contre terre. Il faut relever le défit du jour nouveau. Soulever chaque temps du temps. Faire avec cette gravitation étrange et obscure.

 

J’aime frotter les heures, jusqu’à leur faire rendre l’âme. Qu’elles disent enfin ce qu’elles recèlent, ce qu’elles cachent au fond de leur ventre. Ce qui nous écorche à leur passage. La      trace infime qu’elles laissent. Infime, mais si présente, mais si pesante. J’aime frotter le temps, avec l’illusion d’épuiser sa logique, et cette prégnante impression de lent écrasement. 

Plus on le presse, plus il se tend, plus il se durcit. Et une musicienne mélancolie monte, comme si elle sortait d’un gouffre. A mains nues, sur le granit, et ses écailles cristallines. C’est une terrible berceuse, sans sommeil au bout. Sans abandon. C’est une longue patience. Du temps sur du temps. Un os désossé, blanchi par l’érosion et la lame des chagrins, des renoncements, des démissions.

 

C’est à cet instant, cet instant minéral, que ton image apparait. Sortie de la pierre et des tentacules de l’ennui, sortie de l’usure. Au bout du temps, il y a toi. Blottie dans la pierre de mes heures. Dans la matière lourde, imprégnée de silence, et ta voix saisie par l’absence. Je polis ton corps de caresses, et la rocaille s’amollit. Et le temps s’efface, et ta chair s’attendit. Tu sais, c’est un temps de folie, que ce ténébreux vouloir, que cette exténuation de la force des heures. Que cette divagation dans l’épaisseur de la mélancolie, que cet égarement, mais tu comprends, le temps sans toi, c’est un peu la mort qui s’invite à ma table. Je connais ma déraison, c’est la seule chose qui me reste. T’inventer au-delà de ta vie. Plus vivante, que la plus remarquable des vivantes. T’inventer. Grande icône de givre. Ta robe est défaite à tes pieds, j’agrandis l’ombre courbe de ton ventre d’un seul coup de pinceau. C’est une poésie silencieuse et cruelle. Une poésie douloureuse et presque immobile. J’arrondis ta hanche autour de quelques mots. Ma main est posée sur ton sein. C’est une image sainte. Muette. Mon geste est pris dans une raideur grave. Ta nudité est si précieuse. Je creuse un peu plus le silence à l’endroit sacré où ta chair s’ourle, se replie et se déploie à la fois. Et l’ivoire des mots s’enroule autour de ta cuisse vénérable, frôle, enlace, comme les plumes sur l’aile d’un grand cygne. Ta jambe, ta cuisse, chandelle couronnée par l’orgueilleuse cambrure de tes reins. Je hisse mes mots en remontant ton corps, ils tracent des douceurs de soie, dénouent d’incertaines nébuleuses. Ton cou, ta nuque, lignes de chair lyriques. Je déroule sans fin le fil de ta peau onctueuse. Ton ventre, tes seins, ta gorge. J’aime frotter les heures jusqu’à leur faire rendre l’âme. Pour qu’elles me parlent de toi, qui gît dans leurs entrailles. Bien après l’absence. Bien après l’oubli. Et lorsque je parviens à traverser ces jours de pierre, quand à force d’entêtement, la réalité se troue en son centre, même le rocher se lamente, et se rend à l’évidence de ta présence vivante. Vivante mon amour.

Mon amour, c’est une poésie douloureuse. Je rampe sous chaque mot, pour que leurs ferrailles ne me déchirent pas le cœur. Mon amour, avancer dans ces jours sans toi, c’est frotter le temps à mains nue, jusqu’à l’incendie, jusqu’à l’embrasement du soir. Jusqu’à ce que ton sang palpite et m’éclabousse.

 

Et chaque soir c’est comme si un ciel agonisait dans un râle rouge et barbare, c’est le temps d’abandon, le temps des floraisons mortelles, des romances épuisées sur des cercueils de pierre.

Franck.

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26 juillet 2007

Pluies d'été.....

Toujours cette sensation de mains vides. Je regarde. Il me semble que tu t’éloignes. C’est inexorable. Une membrane fine nous sépare. Infranchissable. Comme un miroir. Que faut-il que je fasse ? Que faut-il que je dise ? La mer se retire et je vois à la place une plage de cendres. Mes mains vides sont en deuil de ta peau, elles sont creuses comme le malheur. Le malheur est toujours creux. La forme d’un cœur arraché.

Il me semble que tu t’éloignes, c’est comme une croix de cristal encastrée dans le corps. Un reflet douloureux, qui attire une lumière trop forte, et qui me laisse désemparé. Le miroir dédouble nos chemins de verre, rendant l’étreinte désormais impossible. Tu es si loin.

Toutes ces pluies d’été, qui tombent sur notre lit défait, abandonné, délaissé. Il me semble que tu t’éloignes, pas à pas, sans un cri, sans éclat, simplement la lente obscurité des caresses qui se retirent du regard. Il y a un épuisement de la source qui ne va plus vers la soif, l’eau est délivrée du désir, alors elle s’effondre, avec juste un frisson de fièvre. Il y a un épuisement de la source qui ne va plus aux lèvres. L’eau se dénoue, se délie, se détache d’elle-même, de la terre qui la porte, du ciel qui la colore, de la gorge qui l’espère. Toute ces pluies d’été, toute cette eau morte entre nous, cette eau déchue, dépossédée.

Et l’aube, mon amour. Te souviens-tu de l’aube ? De ces essaims de lumières, et de ta chevelure noire, et de ta hanche charitable, et de tes seins vertueux, et de tes reins secourables. Et l’aube, mon amour, elle se vide, elle est désormais un temps privé d’élan, privé d’ardeur, privé de feu. Il me semble que tu t’éloignes et c’est une lente agonie. Au bout de la jetée il y a l’océan, derrière l’océan il y a ton île, j’ai beau lancer mes mots, ils flottent à peine et coulent, là, à portée de voix, comme de vieilles écorces gorgées d’eau salée et de misère. Et j’ai cette sensation de naufrage, d’engourdissement. Et toutes ces pluies d’été qui tombent pour signifier la fin. Je voudrais encore serrer ta main, cette main de caresse, cette main, aujourd’hui, d’au-revoir. Je voudrais encore frôler ta poitrine, cette poitrine éblouie, cette poitrine de vertiges, aujourd’hui cette poitrine de cri. Je voudrais encore baiser tes lèvres, pour le souffle, pour respirer, pour vivre un peu plus loin, mais tu es si loin. L’océan nous sépare, l’horizon nous transperce.

Je voudrais encore écrire, mais les mots se dérobent sous ma langue. Ils sont sans indulgence. Ils martèlent ton absence. Comme cette marée qui reflue, ces eaux qui abandonnent le rivage, et toutes ces pluies d’été, et ce froid. Ma parole se trouble, ma cadence s’assèche, et pâli. L’architecture du texte semble engloutie, comme ces empires antiques. Ta jeunesse a vaincu. L’incandescence de tes yeux a brûlé ma voix. Je ne suis plus qu’un fantôme qui erre de profil, couvert d’un voile mortuaire, dans la clameur des souvenirs. Mon amour, ta jeunesse a vaincu mon vieux sang. Ce sang qui sèche, qui s’écroûte sur les murailles de cette mémoire oblique. C’était écrit, mon amour, c’était le destin de nos âmes religieuses que d’aller s’égarer, se détruire. Bien sûr, il y a eu toutes ces pluies d’été, tout ce froid imprévu, et ces distances invincibles. Mais ta jeunesse a pris mon dernier mot, ta jeunesse a vaincu, mon amour. Ce n’est pas triste, car le sang qui s’écaille, dessine les continents de demain. Ton temps d’impatience a vaincu mon temps d’attente. Et les étincelles de ton silence ont décimé la horde de mes mots. Je conserve près de moi, comme un dernier trophée, quelques vestiges de larmes.

Un vent squelettique se lève pour dissiper les dernières ombres, et toutes ces pluies d’été.

Ta jeunesse savait, bien avant nos ruines, que les aurores sont précaires, et les crépuscules plus éphémères encore.

Franck.

25 juillet 2007

Naissance.....

Le Reflux……

 

La douleur violente c’est peu à peu retirée. Marée basse. Lentement retirée. Chaque instant nouveau découvre l’étendue du désastre. L’infini du désastre. Plus je suis déserté par les eaux plus je perçois l’effroyable déchirure. Ecartelé, déchiré, je ne sens plus la torture dans ma peau, dans ma chair, dans ma viande. C’est plus sournois, plus diffus. Comme de l’eau qui se retire d’une plage. Une eau pleine de lassitude. Un effondrement si lent. Un effondrement vague après vague. Effondrement d’énergie. De l’âme. Après le corps c’est toujours l’âme qui veut disparaître.

Quelque chose de l’unité n’existe plus.

A chaque instant je crois me dissoudre dans le vide laissé par la déchirure, par la vague. Il n’y pas d’angoisse, pas de peur, seulement une tension permanente. Permanente, lancinante, agaçante. La sensation que l’océan se vide vague après vague. C’est ça qui use. Etre l’alpha et l’oméga du néant.

Au-delà du désespoir.

Un désespoir qui n’a pas de forme, pas de résistance. L’eau de l’âme déserte la plage. Il n’y a plus rien que le vide. Vague à l’âme. Vide épais, pesant. Le vide ce n’est pas un rien sans consistance, non, c’est un rien compact, pâteux. Il est sans forme, mais il est lourd, tellement lourd. Lourd comme l’éternité, comme la mort.

Vague après vague je disparais un peu plus, recroquevillé sur mon vide, sur mon absence. Séparé, divisé, déchiré, en exil de la vie. L’autre vie. Celle d’avant.

Avec seulement cette tension. A moins que ça soit çà. La vie. Le souffle tendu dans une attente vaine. Pas d’envie, pas de désir, que de l’attente. Attendre l’envie et le désir. Espérance de désir... pour désirer rien. Rien, jusqu’à la fin des temps.

Se souvenir. Ca ne marche pas. Je n’ai pas de mémoire. Les images semblent sortir de mon corps. Plus vivantes que moi. Mais ce n’est pas du souvenir. C’est du sang que j’entends battre sur mes tempes, c’est l’odeur qui envahie mes fosses nasales. Ma gorge.

Noir. Tout le reste est noir. Je n’ai plus de passé, d’ailleurs je n’ai plus rien. Je ronge l’attente comme un vieil os usé. Je ne peux même pas me tuer. Il n’y a rien à tuer. Personne. Je suis là. C’est tout, je suis là. Mais je n’existe pas. Tout a reflué. La plage est déshabillée, nue.

Je suis nu. Non. Je suis rien.

Quelque chose passe, s’épuise. Je ne sais pas ce qu’est le temps. Quelque chose s’épuise. Quelque chose en moi s’épuise. Du temps, du rien. Sans violence, sans révolte, comme la mer qui se retire. La mer qui s’enroule sur elle-même, qui s’absorbe elle-même, qui ravale ses sanglots, vague après vague, laissant derrière elle cette hideuse dentelle moussue, rouge, silencieuse qui s’accroche encore à quelques cailloux miséreux, qui n’en finissent pas de s’user, eux aussi.

Je ne suis plus lié à mon corps. Je sens quelque chose qui résiste, alors je dis que c’est mon corps. Mais je ne suis pas sûr. Avec les dernières vagues mon image disparaît et les miroirs se taisent. Ils ne me savent pas. D’habitude les miroirs savent les images. Là, ils ne me savent pas. Pas encore. Pour toujours. Peut-être.

J’ai les yeux tournés vers l’intérieur. Même pas. Je suis aveugle. Le monde a perdu son épaisseur. Etranger, abandonné au-delà de la mer.

Au-delà de la mère. Bien après la dernière vague. Ce n’est pas un lieu, c’est…. ça ne se défini pas. Ca ne se dit pas.

La plage est vide, encore humide. J’ai tout oublié, l’eau, la tempête, le bruit, les cris, la souffrance. Je ne souffre pas. C’est pire.

Je vis.

Au fond de ma gorge, ce goût fétide qui m’empêche d’hurler. Ce goût laissé par la dernière vague. Senteur marine. Non, plus fade, comme l’odeur blanche de la mort. Je suis là dans un présent mobile, indéfini. Je ne sais pas si je dors, je ne fais pas la différence. A cause, sans doute, de ma mémoire. Saturée de douleur, de néant.

Le seul mouvement qui me reste c’est celui de la mère qui s’enfuie.

Je m’éloigne du rivage.

Toujours un peu plus.

J’entends ma respiration. C’est la mer qui rumine. La mer monstrueuse méduse halète.

Allaite.

Je vois son corps immense trembloter. Non, c’est moi qui tremblote. Je suis une méduse qui tremblote. La transparence épaisse d’une méduse échouée au bord de l’océan : et qui tremblote.

Une mère à marée basse laisse toujours une impression d’inachevé.

D’inachevé.

Elle pourrait descendre encore, descendre sans fin.

Mais, à un moment donné, il y a la dernière vague. Puis plus rien. Puis l’attente.

 

L’Etale….

 

A force d’attendre je crois voir les images.

Des morceaux d’images.

Mon corps de méduse est trop mou pour accrocher les images. Pourtant je les sens, elles s’incrustent, elles glissent, elles rampent. Ma tête ne peut les retenir. Ma chair non plus. Je ne comprends pas. Pas de maîtrise, pas de sens, pas de forme. Rien qu’une femme écrasée dans les plis désespérés d’un corps mou, translucide. Et moi. Et ça. Morceau d’image. Morceau de corps.

Pas de son, pas d’odeur.

Peut-être une odeur. Je ne peux pas dire ce que c’est. Une odeur. De toute façon elle est mélangée à la couleur. Peut-être l’odeur de la méduse. Je ne sais pas d’où elles viennent, les images. Les morceaux de cette femme. Cette femme éventrée. Il n’y à pas de sang. Pourtant elle est éventrée. Je le sais. Quelque chose de la méduse le sait. Au bout de la mère, au bout du mouvement ces choses là se savent. Tout le monde le sait qu’elle est éventrée. Pas besoin de sang pour le savoir. Les méduses ne saignent pas.

Immobile.

Je sors d’une blessure baveuse.

Je suis la blessure.

Pour toujours.

La mère immobile. Seulement les images superposées de cette femme. Je sais que c’est moi. Je ne le vois pas. Je le sais. J’ai toujours su qu’elle était éventrée sur des lits poisseux de désir.

Ma peau est gluante comme une méduse gluante.

Pour toujours.

Elle a cette sorte d’immobilité étrange. L’image. La femme. La mère. L’immobilité vertigineuse des rêves. La peau est pâle. Il faut dire la viande. La viande correspond mieux à ce que je sais. Une viande gluante, visqueuse, ouverte.

La femme est ouverte. Les cuisses sont ouvertes. C’est normal. C’est toujours comme ça. On dirait une méduse oubliée au bout d’une plage. Elle. Moi. Je ne suis pas sûr, parce que se sont des morceaux d’images. Et puis, je n’ai pas tous les mots parce que je suis en morceaux et ouvert.

Non, c’est elle qui est ouverte. Quand on est ouvert, on n’a jamais tous les mots. Je le sais. Tout le monde le sait.

Il faudrait faire des phrases. Pour mieux respirer. Des phrases longues avec de la mémoire. Je suis sûr qu’il faut de la mémoire. Tout le monde a de la mémoire et peut faire des phrases longues qui racontent des histoires. Les phrases longues, c’est pour raconter les histoires de la mémoire. Les histoires du temps. Du vrai temps.

Avec de l’avenir et du passé.

Non, pas du passé.

Plus jamais du passé.

La mémoire ce n’est seulement que pour du passé.

Je n’ai pas de passé, alors je n’ai pas de mémoire. Les images, c’est du présent. Rien que du présent. Tout est enfermé dans les images. Tout s’y arrête, comme la mer, comme la méduse.

Si seulement l’eau pouvait revenir. La mère. Mais elle est basse, moi, je suis trop las, trop lisse. Même éventré.

Trop lisse. Eventré de l’intérieur.

L’exil.

Je suis exilé. C’est le mot qui convient. Hors de mon lieu. Prisonnier ailleurs, plus loin, encore plus loin, dans les images sans doute. A l’intérieur c’est vide. C’est pour ça que je suis exilé. Un vide à l’intérieur qui sépare et déchire.

 

Le Flux……

 

Seulement un peu d’eau.

Le moment où l’univers reflue.

L’eau suce à nouveau la terre.

La terre aspire.

J’aspire

Comme un trop plein de vide.

Jusqu’à l’écœurement.

Tout d’abord il y un bruit imperceptible. Un peu de mousse qui se forme. Quelques bulles, un peu comme de la bave qui viendrait blanchir le sable. A nouveau. Quelque chose à nouveau s’accroche.

Entêtement fatal.

Avant le mouvement il y a l’intention du mouvement. Un désir, un rien. L’écume baveuse qui vient mouiller un peu plus loin le sable. On pourrait croire que cette mouillure tente de surgir du sable. Une mouillure de l’intérieur du sable.

Avant le mouvement il y a cette impression de suintement de l’intérieur.

La respiration vient après.

Du silence sort un souffle.

Il est diffus. Il est là : lent, profond, inévitable.

Inévitable.

C’est vraiment un souffle. Une respiration vivante.

L’infini qui respire.

Un trouble. Une ivresse.

Sensation troublante, comme est troublante l’apparition de cette mouillure venue de l’intérieur. Quelque chose de vivant. Trop vivant.

Cette respiration, cette succion, cette bave.

Rien n’est coordonné. Je ne perçois ces éléments que séparément. Pas d’unité.

Il n’y a pas d’unité.

Au début il n’y a jamais d’unité.

Que ce souffle. A l’intérieur. Plus d’eau. Seulement le souffle. La mémoire de l’eau qui berce.

Quand la mère se retire.

Quand la mère se retire il y a l’effroi. L’abandon à l’effroi. Bercé dans l’effroi. Je crie.

Rien que du cri. Pas les mêmes cris. D’autres. J’en ai plein la gueule. Ils me submergent, m’envahissent.

Maintenant la mer est à l’intérieur. La mère. Je crois. Son mouvement. Tout remue à l’intérieur avec cette respiration. Une vague moussue m’enveloppe, mais en dedans. Elle clapote insignifiante et têtue.

C’est quoi le néant ? La mère peut-être ? Sans doute. L’extase des ténèbres. La mère c’est toujours l’extase des ténèbres. Elle est là dedans. A jamais. Fascinante comme la mort, ou quelque chose qui y ressemble. La seule chose vivante ici c’est la mort.

Elle monte à l’intérieur comme une marée naissante. Le flux de la mort. Le reflux de la mère.

Maintenant la mer est là, qui monte comme une désespérante envie. Inexorable attraction du désir. Douloureux dans la chair. Plus profond encore que la chair. Dans le ventre. J’ai un océan dans le ventre. Un océan de désir douloureux dans le ventre. Quelque chose qui grossi, qui déferle. Vague après vague. Toujours plus haut. Plus fort. Impitoyable avalanche de la mer qui monte du plus profond du ventre.

Tout s’agite. Maintenant. L’univers bouillonne. Plus bas que le ventre, à l’endroit ultime d’où la marée remonte. Le seul endroit. Le lieu. D’où se dressent les vagues. Le trou obscur de l’univers.

J’entends les bruits de la mère. La mer s’arque boute sur un désir convulsif pour enrouler ses vagues toujours plus loin dans le ventre, vers une plage inaccessible.

Inaccessible. Voilà, c’est tout. Inaccessible. Le reste, tout le reste est un perpétuel recommencement.

La seule réalité ce sont ces marées inutiles dans un univers inutile.

Il y a quelque chose de vain dans les marées. Pendant un instant, pendant que la nature pousse on se prend à espérer. Puis elle reflue. Se recroqueville.

Les marées n’accouchent de rien. La mer n’accouche de rien. La mère aussi.

Sûr d’une chose. L’invincible douleur. Le mal absolu de la déchirure.

Rien d’autre.

Se taire.

Regarder la mer jusqu’à l’ultime marée.

Tout est dans ce mouvement qui donne l’illusion de la vie. Va et vient. Apparition. Disparition. On croit naître de ce mouvement. Illusion.

J’existe depuis avant. Avant la déchirure. Avant le mouvement.

Comme la méduse.

Je suis né d’un va et viens. Du frottement des chairs. De l’usure désespérée des chairs entre elles. Rien de plus. Rien de moins.

Rien de beau là-dedans. L’usure inéluctable du va et vient des chairs. De la mer. De la mère. Né d’un épuisement de l’eau.

Illusion d’amour ou croire à la nécessité des choses. Rien n’est nécessaire. Au mieux il y a l’usure.

Danse macabre de l’usure des chairs. Deux méduses aussi vaines l’une que l’autre. Rien de nécessaire là-dedans.

L’amour. L’absence. Illusion de l’autre. C’est toujours le même vide, à cause de la même déchirure. La mer se contemple seul.

La mère aussi.

La seule réalité c’est le va et vient de la mer, ces marées qui montent et qui descendent, cette usure des chairs. Il n’y a rien à trouver, pas le moindre sursit.

Au mieux expier des illusions. Pris dans un jeu de reflets.

Jouet des transparences.

Pourtant la jouissance se dit dans des hurlements de bête.

La naissance aussi.

Les mêmes cris. Je viens de cette usure des chairs et d’un désir douloureux.

D’un reste.

D’un surcroît de tristesse au bout d’une plage désertée.

D’un épuisement.

Ne l’oublie jamais. Jamais. Méduse abandonnée. Rien de plus.

Le reste d’un combat obscène et douloureux. Des corps qui s’entremêlent dans le désordre d’un désir brutal. Des corps qui mugissent, se tordent. Des corps violents. Des chairs offertes.

L’extase. Comme un effondrement. Comme à l’heure incertaine du soir. Heure incertaine…. Plus tout à fait le jour…. Pas encore les ténèbres. L’effondrement progressif de la lumière. Extase où la mort bave ses poisseuses secrétions.

Extase. Torpeur des frottements. Usure des chairs. Du temps.

Quant au reste c’est l’histoire d’une marée. Perpétuelle ignominie.

Vacuité insoutenable.

Franck.

24 juillet 2007

Questions.........

Ne pas répondre aux questions. Jamais elle ne répondait aux questions. Comme si toute réponse fut inutile. Comme si l’ombre était son royaume. Comme si répondre dévoilait plus que la réponse, Comme si toute réponse fut indécente.

 

L’écriture est la seule question qui n’interroge pas. C’est la seule question qui est sa propre réponse. Ce qui nous liait, c’était l’énigme, la seule façon d’échapper au mensonge. Maintenir l’énigme. Et la béance qu’elle engendre. Et l’errance qu’elle nous propose comme chemin. Errer c’est être perdu et se retrouver à chaque instant. Et se perdre à nouveau l’instant d’après. C’est le sans fin. La question sans réponse maintient la perte. Elle en est la marque.

 

L’amour est une question qui n’a pas réponse.

L’écriture vient à la place de toutes les réponses manquantes. L’inscription du vide.

L’essentiel est toujours sans réponse.

L’écriture s’efface dans son déploiement. Elle tient juste dans son élan. Et s’efface. Depuis la nuit des temps écrire maintient ce saut inachevable.

 

Jamais elle ne répondait aux questions. Elle maintenait la tension au-dessus d’un espace impossible. Car le mystère ne se confond pas avec le secret qui n’est rien, sinon l’attache puérile à un mensonge. Une volonté négative. Le mystère est d’une autre nature. Elle habitait un mystère. Tout chez elle attirait le silence, tout l’y conduisait.

Que fait une mémoire sans souvenir ? Elle se met à écrire. L’inverse est vrai aussi : que font les souvenirs sans mémoire ? Ils se mettent à écrire

 

Il faut savoir, que toute beauté est d’abord une souffrance, c’est comme l’océan et le ciel qui suture l’horizon. Sa beauté effaçait toute parole. S’opposait à tout achèvement.

 

J’écris au passé, c’est la seule façon de garantir un futur. Le présent est le mensonge du texte. Sa présence était ma seule vérité.

 

Ne pas répondre aux questions, c’est accroitre l’inattendu, le brusque, le foudroyant. C’est faire résonner les confins de l’univers. C’est agrandir. C’est inventer une espérance.

Elle ne répondait jamais aux questions. Les questions sont toujours inaudibles. Comme si elles traînaient dans leur sillage un peu de mort.

Franck.

21 juillet 2007

Le pacte......

Il y eut un pacte, comme une alliance. Un signe. Ces choses là se savent à cette inflexion de la lumière au crépuscule. Il y a un instant précis à la tombée du jour où la nuit à déjà gagnée son combat. Le jour cède, plie. Quelque chose chavire. Cela dure très peu de temps. Le fil du jour casse, et tout ce qui tenait, tout ce qui vivait, tout ce qui espérait, brusquement s’écroule. C’est un temps de silence, tout se retire, tout capitule. C’est le temps du pacte. Des alliances. Des amours. Car c’est dans cette déchéance du jour, dans cette agonie de lumière, que les amoureux connaissent leur destin. Car c’est l’instant des chances ou des malédictions. L’instant des pactes. Et les amoureux ignorants se reconnaissent. Dans cet écroulement du jour les amoureux se destinent. C’est le temps des serments silencieux. Aucun mot ne peut dire ces promesses, aucun décret ne peut les effacer. Quelque chose s’inscrit dans la lumière des étoiles. C’est un temps abandonné, qui n’appartient plus à personne, c’est un temps pauvre, sans consistance, c’est pour cela qu’il est le temps des amoureux. Ou des mourants. Ou des naufragés.

C’est un temps démasqué, les faibles le redoutent, les forts l’espèrent. Les dieux choisissent ce temps du jour pour calligraphier les signes, les pactes, les alliances.

Nous le savons, toi et moi, il y eut un pacte. Le sang de tes mots c’est mêlé au sang de mes mots. Nos blessures comme des lèvres se sont touchées. Rouge sur rouge. Le cœur de l’épreuve, comme un exorde. Nous le savons, il n’y a pas d’histoire, nous sommes seulement une légende.

Alors nous sommes entrés dans un temps coquillage. Et nous enroulons nos jours, dans cette étrange spirale. Chaque jour un peu plus serrés. Chaque jour un peu plus haut, un peu plus loin. Un peu plus défaits de nous-mêmes. Ni toi, ni moi, ne croyons au bonheur, notre nécessité va bien au-delà. La ligne d’horizon nous sépare des autres, elle trace les contours de nos gestes, de nos chants. Le ciel sur l’océan. Ligne du désir. Ligne du désastre. Notre ligne de fuite.

Ce jour là il y eut un pacte, dans la grande cathédrale de la langue, nos voix se sont unies. Nous avons marché vers l’ombre qui refluait, nous avons traversé toutes les saisons du jour, pour nous agenouiller, là, devant l’autel. Tous les mots de la terre te faisaient une longue traine. Tu étais si belle mon amour, vêtue de poésies sauvages, et de litanies blanches et aériennes.

Dis-moi, mon amour, te souviens-tu de ce jour ? De ce jour du pacte. Tu étais si belle dans cette heure chavirée. Nous marchions vers l’autel. Et nous avons consenti l’un à l’autre, et l’hostie avait ce goût insolite que laissent les murmures ou les aveux, les renoncements ou les sacrifices. Tu te souviens de cette lumière si particulière, de cette lumière qui tenait si peu, qui semblait quitter chaque chose, abandonnant sa puissance et sa vérité.

Mon amour, je me souviens des silences échangés et du pacte scellé.

Tu sais bien, écrire c’est unir des silences, c’est défaire la lumière et unir des silences.

 

Franck.

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20 juillet 2007

La Chambre d'écriture.....

La chambre d’écriture est lieu de nos rencontres. Lieu de pénombre. Tu ne marches pas. Tu glisses. T’appuyant sur l’ourlet des silences. Avec des gestes mesurés. Lent. Comme au ralenti. Prise dans le temps de la langue. Tu es vêtue de chuchotements si légers qu’en transparence ta parole s’y dévoile dans une nudité innocente, et simple.

Tu sais, j’aime cet instant où tu pénètres le texte sans précipitation, comme soulagée, adoucie. Ta voix enroulée à ma voix. Revenir au texte c’est revenir à toi. Et chaque mot est plein de ta chair. Et du mystère de ta chair.

La chambre d’écriture est le lieu de tes baisers, ils ont le goût d’une eau de source, clairs, décisifs. Ils amènent la brûlure et l’apaisement de la brûlure, comme ces mots longtemps attendus, qui se révèlent brutalement, raclant les entrailles du texte.

La chambre d’écriture est le lieu de nos caresses. Ta peau épouse ma peau, comme tes mots répondent aux miens. Et ton ventre s’inscrit sur mon ventre. Et l’effleurement des phrases. Et la résonance des sons. Et le frottement. Le frôlement. La chambre d’écriture est le lieu de ton cri ajouté à mon cri. Et des aurores de rémission.

La chambre d’écriture est le lieu qui déborde ta pudeur et j’aime cette pudeur submergée, saturée de désir. Et le texte s’enfonce un peu plus dans l’abandon qu’il te réclame. Tu n’es ni docile, ni rétive, tu déploies une grâce primitive, sage, infiniment fragile.

Je pose chaque mot sur tes lèvres pour que tu leur donnes ton souffle dans l’éclat d’un murmure.

Ecrire et t’aimer, c’est la même chose, c’est enraciner la parole au cœur d’un silence partagé.

Ecrire et t’aimer, c’est recomposer un ciel, et c’est dire ce ciel mieux qu’une prière.

 

La chambre d’écriture, est le lieu de l’attente déshabillé de l’attente. Et sur ta peau blanchie j’écris en lettres rouges, tes soupirs, et ta joie, et tes larmes, et mes larmes. J’écris l’espace renouvelé de nos ravissements, et ce frisson étrange de la lumière, ce tremblement singulier, lorsque le grave à l’extase se mêle.

Franck.

18 juillet 2007

La longue marche.....

Je n’ai pas de peuple, pas de terre, à peine quelques morts. Je viens d’une cicatrice.

Je n’ai pas de tribu, pas de village, je ne fais que traverser. Anonyme. Inconnu à moi-même. Inexplicable. Je ne viens d’aucun ventre. Je suis sorti d’un cri à l’approche du crépuscule. D’une plainte. Ma seule roulotte, c’est la langue et quelques mots pour tracer un chemin autour des flaques noires. Je viens d’avant, et je vais vers toi. Aveugle comme Œdipe, les mains salies par le sang, mais les mains tendues vers toi. Tu le sais, je n’ai pas de royaume. Je n’ai que ce chemin, et mes hésitations, et mes maladresses, et mes inquiétudes, mais je vais vers toi. Je suis en route bien avant que tu le saches. Crois-tu qu’on puisse t’atteindre simplement avec quelques roses ? Il y a dans les étoiles un savoir qui nous devance. Et les évidences sont inscrites sur le marbre des tables de la loi. Et même les dieux n’ont pu effacer nos deux noms.

L’écriture est ma canne blanche. Et elle tinte à chaque pierre du chemin. Je te sais mieux que moi. Je te sais mieux que tout. Et mon aveuglement me protège. Et ta voix me fait une aurore.

Te rejoindre est l’histoire de ma vie. Je l’ai su dans tes yeux, bien avant toi. J’étais l’aveugle. Tu étais la voix. Nous étions navire.

Il m’a fallut du temps pour me dépeupler, il m’a fallu du temps pour cet exil sacré, il m’a fallut du temps pour cette solitude souveraine, et n’être qu’une errance. Il m’a fallut du temps pour tout oublier, et n’être que cet étranger les mains tendues, il m’a fallut traverser tant de rêves. Je ne viens d’aucun ventre, et je vais vers le tien. Oui, je suis de ton ventre, de ta peau, demain je serai de ton souffle. Demain je serai de ton chant.

Je suis sorti d’un cri, et je n’ai pas de peuple, pas de terre, mais ton océan m’habite, je vais vers tes marées de silence, sans crainte désormais. Demain tu seras mon oraison.

Tu sais, il est des pays où ressusciter n’a pas de sens. Dans tes yeux je suis vivant, dans ta voix je suis immortel.

Je viens d’avant, comme un vagabond, sans tribu, sans village, riche de sa poussière, et du désordre des étoiles. Je viens d’avant, et je vais vers toi, à pas lent, frottant ma vie aux heures. Ecrire est ma seule patrie et tu es mon unique privilège. Tu viens de demain et je suis tes empreintes. Depuis toi, je suis sans sommeil, je n’ai plus besoin d’autres rêves, puisque tu m’as retrouvé, et que tu laisses tes traces dans chacune de mes nuits.

Tu le sais, je n’ai pas de royaume, désormais, à partir de toi, il n’y à plus de justice, il n’y a qu’exactitude.

L’exactitude des diamants.

L’exactitude du silence.

L’exactitude du baiser.

Et sous tes doigts les cris changeront d’âme.

Franck.

17 juillet 2007

Le puits.....

De quoi est faite la voix de l’écriture ? J’ai des chevaux dans la poitrine. Des galops. Des hennissements. J’ai des contrées sauvages. Du vent dans le sang. Des expiations terreuses, des étranglements. Des vacillements. De quoi est faite la voix de l’écriture ? Je vais au texte comme si j’allais au puits. Les mains vides. Le pas lourd. Tenant le seau de la langue, le seau vide de la langue. Je vais au texte dans cette pénurie habituelle. La soif chevillée au sang.

Aller vers le texte, c’est d’abord cette marche vers le puits, ce lieu troué de l’existence. Ce lieu usé. Il y a une mélancolie dans ce voyage. Et quoique nous fassions, il toujours identique. S’il n’y avait pas le souvenir de la soif à venir. Ce chemin dans sa nostalgie est notre seul secours.

A l’orée du texte nous lançons notre seau de misère dans le vide. Seau percé. Les blessures ont laissées de si larges entailles. Notre vie est si peu jointive, nous manquons de tant cohérence, de continuité, d’unité, d’ accord, nous sommes un champ de discorde. Aller vers le puits est une épreuve. Lancer le seau est un danger. Le seau troué de nos vies.

Pour chaque phrase il faut tirer sur la corde, usure contre usure. Et c’est l’eau que l’on perd qui est la plus douloureuse. C’est ce qui déborde qui nous arrache. Puiser dans la langue, c’est remonter du rien, de la perte, de la constance.

Chaque jour je recommence le même texte. Comme si j’allais au puits assouvir la même soif, avec mes mains trouées comme un seau percé. Au bout de la corde il y a si peu d’eau.

On écrit avec ce reste. Avec ce si peu. Avec cette patience. Cet entêtement.

Et dans l’oreille le chant de l’eau qui retombe. Et dans la gorge le goût de l’insuffisance.

Chaque jour le seau doit descendre un peu plus profond, et la remontée est chaque jour plus longue, plus épuisante. Et la soif, gagne sur la soif.

Aller vers le texte, c’est comme aller au puits, avec l’espérance de quelques gouttes oubliées par la fatalité. Avec la certitude que rien ne pourra étancher la soif.

Quelques gouttes. Seulement quelques gouttes.

 

Comme cette lumière que je cueille au bord de tes prunelles

Tu sais les miroirs ont l’innocence de l’enfance. Ils disent les vérités éternelles, c’est pour cela que nous les traversons. C’est pour cela que nous baisons leurs tempes, pour apaiser la mort en nous.

Aller vers le texte c’est comme aller vers le puits, où je te retrouverai assise sur la margelle usée d’une parole déshabillée. Et je couvrirais ta peau de cette eau rare, de cette eau désastreuse. Mes mots sont pour ta soif. Car ta soif fait chanter les poulies usées du temps. Laisse-moi poser ces quelques gouttes d’eau sur tes yeux. Et si le seau n’en remonte pas assez, mes larmes feront le reste.

Franck.

16 juillet 2007

Il manquait le complot raciste....

Dernier commentaire reçu. Je le mets ici.
il me parrait presque plus indécent que le pathétique Djamel.
Il y a toujours un pire au pire.
Un exemple de courage et de dignité.
Franck

"comment du pourquoi
Merci pour l'information, il m'a été envoyé dernièrement un grand nombre de textes me précisant que le mail de l'auteur (Djamel Mazouz) avait changé ce que j'ai trouvé bizarre. Et puis est-ce nécessaire d'envoyer beaucoup de textes !!!!???? Cela était suspect de ne pas privilégier la qualité d'un poème tel un diamant qu'on aime à tailler avec précision...Les textes reçus étaient de qualité TRES inégale donc effectivement peut-être y avait-il plusieurs auteurs...

Du coup je ne sais pas encore quelles mesures je vais prendre quant aux 3 textes déjà publiés sur mon site. Je vais peut-être rajouter un encart disant que l'auteur ou prétendu auteur est "seul responsable de l'authenticité de son texte" ? Car comment connaître toute la littérature publiée et celle des internautes ?!

Dans le doute...Y a-t-il un acte publicitaire ? Est-ce une machination raciste ? Est-ce, plus vraisemblablement au vu de la qualité de certains textes reçus, une bêtise d'adolescent ?

Cordialement,
NB."

16 juillet 2007

Le soleil comme une arête dans le gosier....

Il y a dans cette triste histoire de Djamel Mazouz, une chose qui m’épate, cette boulimie de reconnaissance. Chaque jour arrive d’autres messages émanant de sites de littérature, de poésie ou Djamel avait déposé des textes. Les miens et d’autres.

Oui, cette avidité m’interroge, me trouble. Bien sûr, en elle-même, elle est un symptôme, un aveu. Mais au-delà…

J’essaye de m’imaginer toute l’énergie qu’il faut développer pour être référencé sur tant de sites. L’énergie, et cette volonté obscure. Cette sorte d’acharnement désespéré …

Pour s’engager dans cette voie, il faut une foi démesurée dans le pouvoir du texte ou de la poésie.

Je crois, aussi, en l’exceptionnelle valeur des mots, je crois en leur valeur sacrée, c’est pour cela que trahir ici, n’est pas seulement trahir, c’est blasphémer.

De ce point de vu je comprends les indignations qui me sont parvenues.

Mais ce dont je suis sûr, c’est que le sacré du texte ou de la poésie, ne s’approche que par l’infime. Par l’ombre. C’est l’égo démembré qui nous atteint. C’est sa défaite qui nous destine.

Franck

Angeline disait : « "car écrire est un acte, un événement de vie qu'il est bien loin de comprendre de l'intérieur (tout ce qu'il cherche à faire c'est, n'est-ce pas, de prendre la place du soleil... C'est une grande affaire dans l'histoire humaine ça... De briller...)............ »

15 juillet 2007

Hors saison........

Nous vivons hors saison. Attachés à rien. Seulement quelques pas de danse sur le fil tendu de la mort. Et quelques mots nous retiennent de la chute. Nous ne sommes pas du temps des chronologies. Nous sommes hors saison. Celle des amoureux. Celle des fous.

Tous les jours j’invente un peu plus ta peau. J’agrandis l’océan.

Porter ton absence c’est comme porter une étoile. C’est l’assurance d’un ciel.

Il y a des liens qui ne se définissent pas. Les nommer les affaiblirait.

Se taire. Entrelacer nos silences. Apprendre un peu plus de ce temps déconstruit. Nous vivons hors saison. Seulement quelques pas de danse sur le fil tendu de l’amour.

Il y a une ligne invisible qui nous relie. C’est un mystère qui ne nous appartient pas. Tout juste pouvons-nous le servir, en baissant la lumière de nos chambres d’écriture.

Car ta pudeur éclaire mon désir. Et ta bienveillance déploie une aile blanche au-dessus de mes ombres planantes.

Chaque lettre de toi, précise un peu plus mon chemin. Il y a comme un itinéraire dans la tendresse. Une rose des vents dans ton souffle. La géographie de l’amour est un labyrinthe. Avancer c’est toujours se perdre. Comme marcher sur des bouquets de cendres.

Tu sais, t’écrire n’est pas écrire, c’est cueillir des lucioles, ou s’allonger dans le foin encore chaud des moissons, c’est s’assoir dans le jardin de la langue et attendre la fin des temps.

Car t’attendre n’est pas attendre, c’est brûler chaque jour un peu plus.

Car désormais nous vivons hors saison. Nous n’avons plus besoin de mémoire. Je suis sans souvenir puisque je tremble de ta seule présence.

Tu as su défaire un à un les murs de mes prisons, avec si peu de chose, seulement un battement de paupière. Dans chacun de tes mots, je sens peser sur ma peau des caresses inconnues. Et dans mes veines résonne le pas d’une armée en marche.

Nous habitons la même partie du ciel, mélangeant nos gravités, épuisant nos soupirs. Et les murmures nous guident.

L’amour et la mort sont les deux extrémités du silence. Et nous avançons sur le fil des jours.

Nous somme hors saison. Et cet exil nous sauve. Et cette perte nous bénit.

Tu le sais nous avons été choisi. Ni par les dieux, ni par les diables. Noces de la terre et du ciel, notre maison est la ligne d’horizon. Et l’océan est le chemin qui nous y mène. Et les anneaux de Saturne scellent nos fiançailles.

Nous sommes hors saison. Nous somme du temps des fous, des enfants. Des amours.

Franck.

14 juillet 2007

Un texte dans son entier......

Voilà le texte entier. Je l’avais appelé la Tentation de Saint Antoine.

J’imaginais un Saint Antoine cédant aux charmes de la reine de Saba.

J’ai écrit ce texte à la fin du siècle dernier.

Quand j’ai ouvert ce blog il fut un des premiers que j’ai posté.

En septembre dernier je l’ai repris, pensant pouvoir le retravailler.

Je n’y suis pas arrivé. Autour des strophes j’ai poursuivi une méditation.

Cette méditation se trouve à la suite du texte.

Drôle de destin que ce texte…..

J’ai marché en marge de ma vie

De longues années

Sans doute même de longs siècles

Pour m’arrêter un jour au bord de votre visage

Et j’ai voulu m’asseoir

Et ne plus bouger

Jamais

Simplement vous regarder

Toujours

Au creux d’une défaillance de lumière j’ai vu au fond de vos prunelles les grandes étendues de poussières blanches du royaume de Saba

Aux confins de tous les déserts

Là où les prières deviennent de simples souffles

des chants d’azur éparpillés

Souvenez-vous, en ces temps là vous étiez reine

Reine gracieuse à la pâleur singulière

Reine du pays du vent

Vous trôniez au centre d’un temple de sable, d’étincelles d’éternité

Souveraine majestueuse d’une citadelle de lumière et de tourbillonnement

Princesse immaculée miraculée des limbes juste assez boiteuse pour ne point offenser Dieu

Votre présence effleurante flottait légèrement comme un lambeau de rêve

Ni tout à fait ici, ni tout à fait ailleurs

Oui, vous étiez reine vos gestes le dessinait

Déesse, vos yeux le révélait

Et votre voix chantait le chuchotis des amants éternels

En ces temps là, ermite désolé, je vous ai vu venir, vous sortiez de la nuit emmitouflée d’ombres claires, drapée d’un grand voile constellé

En ces temps là mes os grinçaient de peur

Je passais de dune en dune, de jour en jour, de blessure en blessure, conquérant d’un vide toujours à venir dans la seule espérance d’une stridence inattendue

Le cœur vert

Je passais les bras ouverts au grand vent chaud étreignant des mirages si lointains

Entre mes doigts coulaient déjà ces cendres de temps

J’étais une étoile noire tombée dans de trop grands hasards

De sombres hasards

Un baiser m’eut sauvé

Pas même un baiser

Rien

Pas même une enfance

Seulement des restes d’amours effilochés

En ces temps là votre silhouette délicate est passée sur mon cœur

A glacée mon sang

Votre parfum disait l’infini de l’espoir

Alors au fond de l’horizon le soleil tout à coup bascula dans son lointain sépulcre

Souvenez-vous

J’ai vu votre beauté, légère comme un ciel d’été, glisser avec douceur vers le seuil inconsolée de ma retraite obscure, votre lumière bleue avait la transparence envoûtante de ces jeunes mamans penchées sur un sommeil d’enfance, dans vos yeux scintillait cet espace d’éternité qui appelle la joie pure d’une prière lancée au firmament.

Votre présence fut comme un souffle de mésange, un frôlement rayonnant, une pluie étincelante semée sur mon océan de langueur

Une fleur mystérieuse plantée au jardin de mes absences

Nous sommes entrés sans prononcer un mot dans la chambre nuptiale de la nuit

laissant grand ouvert les cristallines portes de l'infini pour laisser passer la clarté nuageuse des songes et la fourmillante folie des séraphins éthérés.

Et j’ai bu votre bouche fondante comme l’hostie sacrée et me suis enivré d’une sève à la saveur irréprochable

Dans ces heures rougies au feu des extases éruptives, blanchies aux soupirs de vos invitations ma mort fut percée d’une flèche de lumière argentée.

Sur votre épaule nue un ange a déposé ses ailes de silence et sur vos seins opalins j’ai pu laisser couler mes larmes quand votre ventre orageux traversait mon âme transfigurée d’éclairs rougeoyants.

Vos entrailles de chairs pourpres brûlaient mes oraisons laborieuses dans une fulgurance invincible, vertigineuse. Je me noyais sous l’arche inespérée de vos émois, balayé par des rafales de joie.

Et j’ai vu mes mains de prières sur votre corps de louanges

Et j’ai vu votre ventre lieu infini de la mort exacte

Et j’ai eu soif de vos eaux généreuses, ce rien à l’âme qui bouleverse toutes les certitudes : marée sauvage, sans retour, sans rémission, effroyablement délicieuse

Et j’ai ouvert les mains pour recueillir jusqu’à l’ultime goutte de vos bruissements et je n’ai pu saisir que l’or de vos silences

Nous avons partagé la nuit et ses gerbes étoilées recouvert d’un seul manteau de paix jusqu’à ce que l’aube de sable pousse un large soupir incandescent.

Une rose des sables rouge.

Dans l’athanor creusé par nos corps, là où votre peau s’est irisée de désir vertical a germée une rose des sables rouge.

Il ne me restait qu’à attendre l’achèvement des temps en recueillant l’écumeuse blancheur des jours indifférents et de regagner à pas lent mon impatience souveraine à nouveau consentie. Erosion lancinante sous l’œil noueux du souvenir

Frontière sablonneuse inviolable de l’exil

Au départ il n’y a rien

A la fin il n’y a rien

Entre les deux la mer

L’abîme

Oh, mon Dieu je suis là et je cherche à comprendre

Oh, mon Dieu la nuit n’est plus la nuit

Elle était une source….. elle devint l’océan

Elle était une étoile ….elle devint l’univers

Oh, mon âme brûle et je suis si pauvre seigneur

Je n’ai plus d’espérance mon seul désir est de prier sans fin au cœur de la nuit du monde.

La prière s’enroule au feu de nos secrets, seul l’écho de cette nuit du monde la porte, légère, douce, tendre, on croirait la voir s’élever sur les ailes d’un ange

… Et jusqu’au royaume des cieux »

Reprendre...

J’ai repris « ma » tentation de Saint Antoine. Du temps a passé. Quand je relis cette écriture je sais bien que du temps a passé. C’est dans l’avant. L’avant de quoi ? Je n’écris plus vraiment comme ça.  Mon Saint Antoine cède. Il y a quelque chose en moi qui cède. Toujours cette même impression de digue débordée. D’écoulement. D’hémorragie. Des sensations d’eaux. Flaques, sources. Océans.

Marais.

En se moment c’est un marais qui suinte.

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L’image de cette reine de Saba a toujours traversé mon imaginaire. Reine boiteuse. Mais reine quand même. Et l’improbable rencontre du désert. Chair contre oraison. Bruit contre silence.

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Mes souvenirs du désert sont construits sur le manque. Sur l’absence. Sur le malentendu aussi. Sur la fuite que je n’ai pas reconnue, sur la lâcheté que je n’ai pas voulu voir. Pendant des mois j’ai attendu ce qui ne viendrait jamais. J’ai interrogé le vide des sables. Je n’ai eu aucune réponse. Pouvait-il en être autrement ?

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Mon rapport à la solitude est étrange. Plus le temps passe, plus je la ressens comme une évidence. Nécessaire. Je n’ai jamais pu vivre dans le monde. Je le traverse à mon pas, avec mes hésitations, mes élans. Mais je ne m’arrête pas vraiment. Voyageur immobile.

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Je relis.

Je n'écrirais plus comme ça. Pourtant je n’arrive pas à reprendre le texte. Je sens bien ma volonté dans ces lignes de m’accrocher à une sorte de lyrisme. Je me revois écrire. A nouveau je ressens le mouvement premier d’aller chercher les mots.

Mais je ressens aussi très fort une distance entre moi et le texte. Il manque une adhérence. Il manque le frottement.

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La solitude est le travail de toute une vie. Elle n’est pas donnée tout de suite. Comme s’il fallait la mériter.

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Dérision, que de devoir se diriger toujours vers le plus invivable.

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Non, décidément je n’écrirais plus cela. Pourtant je n’arrive pas à me renier. Comme si cette forme était le premier sillon. La première griffure. L’entame. Se débarrasser de la lumière. Ne travailler les mots qu’à la bougie. Il faut une tremblance, un vacillement. Des jeux d’ombres. Le sentiment d’une perte possible. D’un effondrement. Il faut l’imminence d’un danger derrière la phrase. Ce n’est pas une question de sobriété, mais d’élan. Du lieu de départ de la parole. La tension de la corde. Le tireur à l’arc, le sait. C’est aussi le travail d’une vie. Tendre l’arc de la parole dans un mouvement ample. Sans crispation. Sans effort. C’est une respiration. Lâcher la flèche du mot requiert un accord, c’est un geste de prière. Accord et consentement. Lâcher se fait sans la volonté. C’est une nécessité du corps aussi ben que de l’esprit. Ce n’est pas la main qui lâche, c’est la foi qui nous étreint. Quelque chose en nous se condense. Le fond et la forme. Et la scansion, le rythme, le battement du cœur. A cet instant le texte respire à notre place. Échange. A cet instant du lâché on se retrouve au point exact de la vie et de la mort. Sans le tragique. L’inéluctable. L’embrassement du monde. Car le mot doit trouver sa place, seule le geste pourra la lui donner. L’abandon n’est pas ici une déroute. Pas encore. Pas tout à fait.

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J’aime l’idée que Saint Antoine ait pu céder à la reine de Saba. Un saint qui n’aurait pas cédé à sa propre lâcheté qu’aurait-il à nous dire ? Nos actes ne sont pas purs. La flèche en partant nous atteint en plein cœur. Et nos blessures nourrissent nos jours. Même innocents nous nous voulons coupables. J’aime l’idée d’un Saint Antoine débordé par la chair, par la luxure et la sensualité. Que vaudrait la prière sans le souvenir de la véritable chair.

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La peau d’Isabelle était blanche. J’ai encore le parfum de son corps dans ma mémoire.

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Souvent les yeux d’Isabelle étaient envahis de larmes. Comme si jouir et souffrir était la même chose. Le corps repu, elle restait silencieuse. Blottie. Avec les larmes qui coulaient. Ce n’était pas un chagrin, c’était autre chose, qui dépasse tous les mots qu’on peut dire. C’était le pays des landes, des vents, des brumes. Perdre ou gagner n’a plus de sens.

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Isabelle avait ce don étrange de la pudeur et le l’indécence, presque dans le même mouvement. Allongée sur le lit, un bras replié sous sa tête, une cuisse légèrement relevée et écartée, une main posée sur son sexe.

Nous ne parlions pas. Elle, comme moi étions dans l’impossibilité d’accrocher la moindre parole à ces instants. Je la regardais. Je baisais ses larmes.

Parfois cela durait longtemps.

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Il y a un mystère dans les corps. Dans la rencontre des corps. Dans leurs odeurs, leurs tremblements, leurs sueurs, leurs liquides. Au-delà de la jouissance brutale il y a un mystère, comme un appel, comme une rémission.

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Parfois dans l’écriture cette sensation revient. Quand on a tout épuisé. Et que le texte s’étale impudique et souverain. La flèche trace, vole droite, et perce la cible. Et la cible vibre de son centre troué.

……………………………………………

Saint Antoine n’était pas artiste, il ne fut que saint.

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Il y a un acte de purification dans l’écriture, d’où la brûlure.

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Après le tir, l’archer est comme un orphelin. Quelque chose l’a quitté. Quelque chose de lui, mais du monde aussi.

A la place un grand champ de neige et dans le lointain le cri des oies sauvages vers le nord.

Franck.

8 juillet 2007

Lettre ouverte à mon plagiaire.

Monsieur Djamel Mazouz,

On vient de m’apprendre que vous appréciez énormément mes textes.  Passé le premier moment de surprise, je me suis senti envahi par une grande satisfaction. Et votre choix de vous en servir me touche beaucoup. Et j’irai jusqu’à dire que vous avez bon goût. J’espère qu’ils vous apporteront la gloire et la reconnaissance que je ne cherche pas.

Nous sommes tous un peu plagiaires, nous écrivons à partir d’affinités. Rares sont ceux qui inventent une langue.

A travers vous je participe à des concours, je suis fêté, apprécié. C’est un peu un échange de lumière, je vous donne la mienne, vous me donnez la votre. Pour être plus précis, vous voler la mienne, et ne me donnait rien retour. C’est injuste. Mais vous me direz que la vie est une longue injustice, et que c’est, ce qui la rend vivable.

J’en profite pour vous dire de faire attention, mon écriture est certes merveilleuse, mais je suis affublé d’une affreuse et déplorable dyslexie, et malgré les correcteurs d’orthographe, il reste de nombreuses coquilles dans mes textes, pensez à les relire, et à corriger ces fautes qui gâchent le plaisir du lecteur exigeant, ce qui pourrait venir ternir notre célébrité commune. Vous pourriez ainsi ajouter une sorte de perfection à notre œuvre collective.

Au-delà de ça, vous me faites toucher du doigt quelque chose qui m’avait échappé. Avec la généralisation des blogs, l’écriture appartient de moins en moins à son auteur. N’en déplaise aux égos des auteurs, les textes sont voués à n’appartenir à personne, hormis au lecteur, l’espace d’un instant. Et la réussite d’un texte, sera sa lente métamorphose, lorsqu’il passera de main en main, d’œil en œil. Je ne suis pas capable de dire si cela est un mieux, mais c’est inéluctable. La rançon du progrès en quelque sorte.

Il y a quand même un truc qu’il faut que je vous dise, écrire pour moi est acte nécessaire et douloureux, les textes que vous prenez ne sont que le reste de cette nécessité et de cette douleur. Le reste. L’écume. Ils sont issus d’une intimité au travail. En les prenant ainsi, sans crier gare, vous me laissez porter seul cette douleur. C’est un peu comme si vous me la renvoyer dans la figure. Mais ce sont sans doute des considérations dont vous n’avez que faire.

Ce n’est pas la première fois que m’arrive ce genre d’aventure. La première fois j’ai ressenti e cela comme une infraction. Et la personne qui avait pris et dénaturé mon texte, m’en a profondément voulu de lui avoir fait remarquer ma désapprobation. La deuxième fois était plus innocente, et puis la chapardeuse avait de si belles fesses que je me suis senti flatté et honoré par son emprunt, comme quoi il suffit de peu. La troisième, c’est vous Monsieur Djamel Mazouz. Je commence à être rôdé. Mais je doute que vos fesses me fassent de l’effet. C’est dommage, j’en conviens. Pourquoi voler ce qui est offert ?

Pour être plus sérieux, si vous me lisez, vous devez savoir ce que je pense de l’écriture, vous devez savoir que c’est l’acte le plus vain qu’il soit, et parce qu’il est vain, il en devient grand, merveilleux. Ce qui est important dans l’écriture, c’est d’abord user sa vie dans un acte inutile, presque puéril, et c’est être à l’endroit du frottement de cette vie et de la mort qui s’approche.

Je vais vous dire un secret. Un texte ne vaut rien en lui-même, il ne tient que par des fils invisibles qui le relient. Je suis passé voir « vos productions ». Toutes ne sont pas de moi. Et vous voyez, il n’y avait pas ces fils invisibles qui relient les textes entre eux. C’est comme s’ils avaient perdu leur sang. De la viande blanche. Et j’en fus triste.

Alors Monsieur Djamel… au point ou nous en sommes je crois qu’on peut se tutoyer. Djamel, tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas te mettre au travail. Tu va arrêter de pomper tout ce que tu trouves. Tu es quelqu’un de sensible, comme tu le dis, alors tu vas prendre ton stylo et t’assoir. Et ne plus bouger. Et mettre ce que tu as à mettre sur le papier. Qu’importe si c’est beau ou pas, qu’importe si tes mots ne trouvent pas grâce à tes yeux. Sache que c’est un bon signe, l’insatisfaction. Tu peux t’appuyer sur elle. Elle guidera tes pas. Il est temps que tu existes par toi-même, tu te le dois à toi. Si tu veux je serais ton premier lecteur, et je t’aiderai autant que je le pourrais. Fais-toi confiance, consens à ton imperfection. Ose être ce que tu dois être. Même si c’est douloureux, surtout si c’est douloureux. N’attend rien des autres. Donne-toi à tes mots, à leurs couleurs, à leurs musiques. Respire avec ta bouche, avec ton air à toi. Soit le vivant de ta vie. On n’écrit pas pour le plaisir d’être lu. On écrit, parce qu’on mourrait à petit feu si on ne le faisait pas. Accepte de ressusciter. Donne une chance à ta vie. Que t’apportent tes mots volés ? Rien, hormis une tristesse supplémentaire. Tu vaux mieux que cela, j’en suis sûr. Ecris. Et si ça te fait mal, c’est que tu es sur la bonne voie. Ecris sur tout, sur rien. Le rien est un bon exercice. Ecrire lorsqu’on est déserté de tout. Ecrire c’est se dénuder, c’est s’appauvrir, ce n’est pas dépouiller l’autre.

Ecrire c’est avaler des silences et les transformer en chants.

Car dans l’écriture tu seras seul. Certains soir tu en pleureras, même. Mais tu verras, les mots, tes mots arriverons à éclairer l’ombre que tu mâches sans relâche.

Ecris dans ta pauvreté, tu ne sais pas encore qu’elle richesse elle peut contenir.

L’écriture et l’amour c’est la même chose. Tu vois un peu à coté de quoi tu passes ?

Donne, offre, arrache toi, ne t’occupe pas de la brillance du résultat, pourvu que chaque mot ai traversé ton corps de part en part. Pourvu qu’après l’écriture tu sois hagard et pantelant.

Tu devras rester de longues heures à méditer, en face du vide de la page, ne compte pas sur les muses, ne compte que sur toi. C’est lorsque l’inspiration t’échappe que l’écriture est la plus belle, c’est quand elle se refuse, que l’œuvre se bâtie. Il faut alors aller la prendre dans tes propres chairs. Et si tu doute, c’est que tu es en progrès. Chaque jour oblige-toi. Taille dans tes faiblesses, dans ta lâcheté. Confronte-toi.

Et surtout consens. Le consentement, est ce mouvement de l’âme qui nous fait sortir de nous-mêmes. Tu apprendras que tes pays intérieurs sont hors de toi. Tu verras, qu’à ta table d’écriture, tu feras le plus mystérieux des voyages. Assis, à ta table d’écriture tu visiteras les constellations les plus éloignées, les abîmes les plus profonds, les sommets les plus hauts.

Et surtout ne cherche pas la gloire, ni la reconnaissance. Applique-toi à contenir ton égo. Oublie-le si peux. Le poète reconnu est un poète perdu.

Préfère l’ombre et les angles, les seuls endroits où le soleil est regardable.

Voilà, Djamel ce que je peux te dire. Je pourrais, bien sûr développer à l’infini, mais l’essentiel est là. Mets-toi au travail. Ecris depuis ta solitude et ton ennui, invente des pays et des saisons. Prends ta charrue et avance. Creuse. Tire sur le soc de la langue, retourne les sillons des mots, arrache tes buissons, tes racines coupées, enlève les pierres qui te font trébucher. Trouve le sens de ta parole. Fait pénétrer ta voix dans le souffle épuisé de ta parole. Parle, fais-toi surprendre par le son de ta propre voix. Même si c’est un cri. Surtout si c’est un cri. Une amie te dirait : soit fragile, jamais faible. Tremble, mais ne recul pas.

Voilà Djamel, il faut maintenant que tu entres dans la poésie comme on s’engage sur un chemin. C’est le crépuscule, on ne sait pas où ce chemin mène. On sent en soi comme un effondrement. Alors on sait que l’heure est venue de se mettre en route.

Alors, bonne route Djamel.

Franck NICOLAS.

7 juillet 2007

La question des corps dans le corps.....

Il y avait cette question du corps. Non pas de la chair, mais du corps. L’enveloppe, la surface, la frontière. Le mouvement. Et les mots comme une peau. L’écriture trace une forme mystérieuse. Un corps. Une écorce de cicatrice. Ils sont l’écrin dans lequel la vie tente de résister. Entre souffle et étouffement.

Je regarde ma main, là. Et l’écran où les mots s’alignent. Une vision incongrue. L’écriture définie un autre corps, une autre peau. Ma main dans le corps du texte. Une autre main. A la surface de ma peau il y a comme un pli, comme si la lumière se repliait sur elle-même. L’écriture trace un autre corps, d’autres formes qu’il faudrait habiter. Comme si l’enjeu était là. Dans cette distorsion des formes, des corps. Et cet effort pour tenter de les faire coïncider. La voix invente un souffle, une autre respiration, un autre ventre. La voix du texte ne s’entend pas avec l’oreille, mais avec les yeux de l’autre. Le corps du texte habite une autre solitude.

Ecrire est ce lent travail du feu pour décoller l’enveloppe. Un équarrissage minutieux. Le dépeçage d’un cadavre. Ecrire c’est dessiner les contours d’une île inconnue, c’est trouer l’océan.

En fait, écrire c’est quitter l’île, quitter les contours définis de l’île, c’est être du coté des eaux, avec le trou de l’île en plein cœur. Et le vent dans l’écume. Et le scintillement dans l’éternel mouvement. Ecrire, c’est cracher sur sa vie, avec dans sa bouche une peinture arc-en-ciel, comme le sauvage dans sa grotte qui crachait sur sa main appuyée sur le mur, pour en inventer la forme. Le contour de sa vie. Comme pour nous dire que tout arrive à cette jonction du dehors et du dedans. Comme pour nous dire l’océan troué par sa main, par son souffle, par sa salive. La main en pochoir est le premier poème, né du souffle et du crachat. Et de la déchirure des formes. Et de leur débordement.

Le texte est un au-delà de la peau, il en est le contour extérieur. Le pays au-delà du pays.

A la frontière, c’est la guerre. Les chairs poussent ou se rétractent, le sang bat ou s’assèche, les os craquent.

Les territoires de mon corps se déforment aux grés de mes défaites ou de mes conquêtes. Plus souvent mes défaites, d’ailleurs. Protée insaisissable. Et la peau se casse, se déchire. A la frontière c’est la guerre du silence et de l’obscure.

Le texte n’invente pas de nation, il invente simplement des terres inconnues vouées à l’amour ou à l’abandon. Des pays sans nom.

L’écriture définie un autre corps, une autre peau. Ta main posée sur le corps du texte. Ta main, à la surface de ma peau, comme si ta lumière se repliait sur l’ombre que je te tends. Et l’écriture dessine ton corps, et les formes s’ajoutent aux formes. Le texte invente des terres, les seules qui nous réunissent. Le texte invente le lieu où nous nous aimons, ce continent d’ivresse pure où nous n’irons jamais, puisque qu’il brûle, là, dans l’incendie, dans l’instant de le dire, avec les mots qui en sont la cendre. Le texte est le lieu où nous nous aimons, où la peau la plus fine se pose sur la peau la plus fine. Ecrire c’est inventer un continent disparu. Où tu habites. Où j’habite. Où nos corps s’additionnent dans les angles des mots. Et dans le cri.

Un souvenir qui s’invente. Et c’est un peu comme un feu. La flamme d’un feu. Naître de sa propre disparition.

Le livre en est le chemin. Et les rêves sont les fleurs de talus qui le borde.

Et ton souffle suffira pour l’éterniser.

Franck.

 

« La tête d’Orphée. – Où est mon corps ?

 

Eurydice. – Près de moi. Contre moi. Maintenant tu ne peux plus me voir, et j’ai la permission de t’emmener.

 

La tête d’Orphée. - Et ma tête, Eurydice… ma tête… où ai-je mis ma tête ?

 

Eurydice.- Laisse, mon amour, ne t’occupe plus de ta tête… »

 

 

Le texte en italique est de Jean Cocteau : Orphée.

1 juillet 2007

Simagrées.....

Les voix du silence. Ce matin je me suis levé avec cette phrase dans la tête. Et le souvenir de cette année passée sur « mon Malraux ». Cette année inaboutie. Hormis la déchirure à la fin.

Les voix du silence. Tout est là.

Pauvre banalité. Pauvre vérité. Ecrire, c’est écrire des silences. Une fois qu’on a dit ça, on a tout dit. Et il faut colererecommencer. Sans cesse. En fait, on a rien dit. On ne dit jamais rien. Il faut s’en convaincre. Pour continuer, non pas à écrire, mais à vivre.

Il ne fallait pas commencer. Ecrire c’est commencer à mourir. On s’en aperçoit trop tard.

Une grande lassitude. Je déborde de silence. Trop. Trop de silence, partout dans mes landes. Sur mes grands champs de neige. Une inondation de silence. Un déluge. Une dévastation. Trop. Je n’arrive plus à parler, même simplement. Une boule de silence obstrue ma gorge. Trop. Silence sur silence. Et ça n’a plus de sens. Même les actes ont du mal à sortir de ce silence.

Nos actes passent par la gorge, on ne le sait pas assez. Ils ont besoin d’un souffle. Ils ont besoin d’une voix pour s’élancer. Là, ils ne passent plus, ou alors mal. Comme pris dans la glace. Dans le froid. Ma saison c’est l’hiver. Je le sais depuis toujours. J’ai beau essayer de l’oublier. Il y a toujours un froid sous ma langue.

L’arme de mon père était le silence. Ma mère en est morte. Le silence a fini par l’étouffer. Le silence a capturé tous ses mots. Et lorsqu’on en n’a plus, on meurt. Les mots ne sont pas dans la tête, ils sont dans les poumons. A l’endroit de l’échange des sangs.

Le silence est une activité mortelle. La seule vraiment mortelle. Ecrire des silences c’est descendre en enfer. Orphée. Ca ne lui a pas réussit.

Le silence ce n’est pas se taire. Ca serait trop simple. C’est se taire avec la présence de ce qui se tait.colere_achille_Drolling

La présence du manque. Le manque vivant. Un peu comme un Christ noir en soi.

Le silence ce n’est pas l’indicible. Les amoureux connaissent ces moments impraticables par aucune langue, par aucune parole. Le silence ce n’est pas ça. Le silence est une parole empêchée, une parole décomposée. Quelque chose qui moisit en soi. Dans l’angle. De la cendre de chair au fond de la gorge, et cette amertume sur la langue faite des heures d’attente, des heures gangrénées.

On ne dit jamais rien. Il faut s’en convaincre. Pour continuer, non pas à écrire, mais à vivre. On continue parce qu’on est lâche. C’est peut-être la marque de l’écriture. La lucidité est sans doute la pire des lâchetés. Ou la pire des illusions. Ce qui est la même chose.

La parole est paralytique. Joé Bousquet invente la vraie littérature. Il avait au moins l’honnêteté d’être vraiment paralysé. Je suis un pitre. Je n’ai pas ce courage.

Ecrire, c’est la danse des Sioux. On tourne autour du poteau. On danse, on fait des ouh-ouh. On se rapproche de plus colere2en plus du poteau de torture. On ne l’atteindra jamais. Quelles simagrées ! Une bonne conscience pour trois pas de danse.

Il aurait fallut ne pas commencer. Après c’est comme une maladie. Ecrire ne change pas les saisons. Je resterai toujours en hiver. C’est ma saison.

Le silence est une maladie des mots. Elle passe dans le sang. Elle le noircit. Ecrire en est le symptôme. L’amour la victime.

La colère le remède.

La colère le remède.

La colère le remède.

La colère le remède.

 

 

Franck.

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