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J'irai marcher par-delà les nuages
30 août 2007

Pour Chris.........

Chris, (in  memoriam) vient à nouveau de me faire un magnifique cadeau. C’est elle qui préside désormais à la décoration de ce lieu, et je ne sais comment la remercier d’inventer à chaque fois des ambiances dans lesquelles je me sens immédiatement à l’aise. Elle a un véritable talent, elle sais d’instinct traduire et mettre en forme ces choses si subtile de l’imaginaire. Et sa boite à outil est et aussi grande que son cœur, pleine de ressources inattendues. C’est là que l’on reconnait une véritable artiste, elle est aussi douée avec la « mécanique informatique », qu’avec les mots qu’inlassablement elle tisse, ou qu’elle brode raccommodant l’âme, la sienne et celle de ses lecteurs, affûtant sa poésie avec bonheur ou avec douleur selon le sang qui traverse ses humeurs. En décoration, comme en poésie Chris est généreuse et sa sensibilité d’écorchée passe dans ses communions d’écritures, ou dans ses remises en question. Chris sais par cœur, que rien n’est acquis lorsqu’on s’approche de la poésie, que tout est à refaire sans cesse, que le poème qui vaut est celui de demain.

Alors mille merci Chris, tu es une amie chaleureuse et constante, indulgente aussi. Et tes colères parfois, ne sont là que pour dire à quel point tu es vivante, vibrante et passionnée, à quel point la poésie n’est pas seulement quelques mots posés ici où là, mais cette poussée droite et vive qui redresse tout le corps et toute l’âme. Mieux que quiconque elle sait que la poésie est une œuvre de vie avant d’être écrite.

Merci mille fois Chris de ce cadeau d’autant plus merveilleux qu’il me vient de toi.

FrancK

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26 août 2007

Trois grains.......

L’écriture trace au large de nous-mêmes les frontières d’une liberté inatteignable. Et l’enjeu est là. Insupportable et jubilatoire. Ecrire défini une liberté que nos gestes répudient. Ecrire dépasse notre liberté. C’est ce qui vient après. Ecrire advient après la traversée du désert, dans un pays qui outrepasse nos gestes, nos jours. On a connu l’esclave, l’homme libérable, l’homme libéré, l’homme libre et bien après, le poète. Le poète naît des mirages du désert. Il naît dans le tremblement de la lumière. Et d’un étourdissement. Il naît dans ces océans bleus qui surgissent au-delà des sables. Il naît de cette marche insensée vers ce froissement de l’horizon. Il naît d’une folie.

 

L’œuvre est dans un temps qui nous est étranger, et d’un regard effaré par l’incessante perte. L’œuvre est toujours dans le deuil d’elle-même, elle se déploie sur un linceul.

Et les lectures sont de grandes funérailles.

L’incessante perte. Ecrire, c’est le mouvement que l’on fait pour se saisir d’un oiseau. Juste le mouvement. L’élan. L’oiseau s’envole à chaque fois. Ce que l’on a voulu saisir s’envole à chaque fois, il reste à peine la trace du geste dans l’air, la trace de ce désir fulgurant, insensé. L’éclat du poème. Et la perte. Toujours la perte. Un élan qui efface un mystère et qui en ouvre un nouveau. Comme si le geste toujours vain, réveillait l’éternité.

Et le poème est toujours en retard du prochain. L’écriture trace au large de nous-mêmes les frontières d’une liberté inatteignable.

 

Le savant demandait : « Que gagnes-tu à écrire des poèmes ? » Le monde des savants est un monde simple. Il est fait de réponses apparemment justes à des questions apparemment importantes. Contrairement au monde des poètes qui lui est fait de réponses apparemment fausses à des questions apparemment sans importances. Le savant demandait : «Que gagnes-tu à écrire des poèmes ? ». La vraie question aurait put être : « Que perds-tu à écrire des poèmes ? »

Que perds-tu à provoquer les gargouilles de la mémoire ? Que perds-tu dans ce cortège de phrases nuptiales ? Que perds-tu dans cette langue constellée de féroces désinvoltures, dans ces soubresauts démesurés, dans ces infidèles dévotions ? Que perds-tu dans ce vagabondage de crucifié, qui longe les lisières craquelées de l’innommé ? Que perds-tu à cette plainte sourde et furieuse ? Que perds-tu à vider ces grandes charrettes d’envoutements ? Que perds-tu dans ces conjurations fracassées, brisées, fendues, dévorées de boues vaincues. Que perds-tu dans ces fabuleuses absolutions aux corolles béantes et poussiéreuses ? Que perds-tu dans ces danses qui s’abîment dans la soie, à l’ombre des profondeurs béantes ? Que perds-tu… ? Que perds-tu, nom de dieu ?!

Je voudrais tout perdre, et même encore plus. Je voudrais tout perdre, et qu’il ne me reste rien, hormis trois grains de tendresse au creux de ma paume ouverte, et que je tendrai vers Elle. Trois grains de soleil pour éclairer sa part manquante. Trois sourires. Trois baisers. Trois aurores buissonnières. Trois calices de caresses. Trois soupirs. Trois silences. Trois fois rien, en somme.

Franck.

25 août 2007

Nous n'aimons pas les prières......

C’est vrai nous n’aimons pas les prières. Et pourtant nous prions. Et cela réveille la colère des dieux. Parce que celui qui écrit prie. A genoux dans sa voix, joignant les mains de la parole. A genoux dans sa voix et dans l’ombre glacée du priere_2monde. Ecrire c’est une prière qui n’a pas d’adresse, pas de lieux où arriver. La perte est son horizon, la défaite sa résurrection.

Nous n’aimons pas les prières et pourtant nous prions. Blottis dans le manque, passant d’un silence à l’autre, d’une absence à l’autre. Et c’est le chant inaudible du temps qui agonise dans la lumière. Nos prières d’écriture ne vont pas aux dieux. Elles vont comme l’eau. De débordement en débordement. Elles vont comme l’eau qui s’offre aux créatures. Du lait aux vivants. Le lait du vivant.

Elles vont comme l’eau, d’effacement en effacement. Inventant l’abondance de cette faillite perpétuelle. La voix de nos prières est une voix égarée, qui ne sait pas son chemin, et qui s’éparpille dans les couloirs des jours, et qui prolonge l’attente d’une attente toujours neuve.

Nous n’aimons pas les prières et pourtant nous prions puisque c’est la forme dévastée de l’amour, sa face bouleversée qui attend un baiser. Une miséricorde.

 

 

 

Nous nous blessons souvent sur les bords tranchants du poème, à ravauder les déchirures du ciel, à tenter de réconcilier les deux infinis, mais qu’importe. Puisque nos prières d’écriture servent de festins de lumière aux étoiles. Et puisque chaque jour la mer invente de grands à-plats blancs d’écume, les grands à-plats blancs des pages nouvelles.

 

 

 

Alors qu’importe si mes prières païennes épuisent mon sang, je passe d’une ombre à l’autre, et d’un silence à l’autre, comme un soleil à l’aplomb du désir, oscillant d’un mouvement lent et majestueux, entre l’extase et la désespérance, entre ton visage et les miroirs en deuil.

Qu’importe mon amour, je suis à genoux dans ma voix et dans la crypte de ta passion. Je suis semailles dans le creux de ta chair, illuminé par ton seul regard. Simplement brûlé par l’attente. Simplement bénit par ton souffle.

Récompensé et maudit. Radieux et misérable. Ecartelé entre ma pesanteur et ta grâce.

Franck.

19 août 2007

La source......

Veiller au surgissement. L’idée de la source. Toujours naissante. Renouvelant l’acte en permanence. Ce qui en moi surgira, ne sera entaché de rien. Du vierge. De l’enfant étonné.

Au début de l’écriture on est si loin de la source. Les seuls fils qui sont là, à notre disposition, ce sont les souvenirs, la sourcemémoire. Alors on affronte ces gros paquets d’eau chargée de temps, bouleversée de nos écumes. Ecrire c’est d’abord se débarrasser de l’eau vieille. Le premier temps de l’écrit, c’est assurer son pas dans le courant contraire de l’eau. A rebours. Et remonter. A contre temps de la pente, et recevoir de face le flot de nos jours perdus. L’innombrable vacuité en tourbillon, en cascade, en remous.

Il y a quelque chose à épuiser en nous. On ne sait pas ce que c’est, au début. On est simplement dans un continuel ressac. L’écriture est le déploiement d’un geste qui s’écrase. Toujours. Le double mouvement d’un enroulement et d’un empêchement. L’écriture est à la jointure de cet empêchement. C’est cela qui épuise, la résistance au flot. Le pas alourdi, imprécis.

 

 

 

C’est alors que l’on sait qu’écrire c’est avant écrire que cela commence. Ecrire appartient à la source. Comme l’amour, comme toutes les choses essentielles. Elles viennent du surgissement. Elles sont avant la mémoire. Elles sont sans souvenirs. Toujours naissante. Comme l’amorce d’une éternité. La source c’est l’œil. L’œil du vivant, qui contient toutes les cibles, tous les océans. Déployant dans le même temps, son intention et sa fin

 

 

 

Je t’ai aimé bien avant de t’aimer, comme une source éternellement naissante dans le flot insipide de mes jours. Et je t’ai source4seulement reconnu dans l’élan et dans cette suspension qui s’en est suivie.

Le geste qui se renouvèle sans cesse égal, nous parait immobile. Il y a dans l’amour cette suspension, cette fixité. Un perpétuel élan, que le temps n’accroche pas. Les horloges délaissent les amoureux, les oublient. Ils sont dan une faille du temps. D’où la stupeur qui nous frappe lorsque nous en rencontrons.

L’amour, l’enfance, l’écriture n’appartiennent pas au temps, ils sont des lieux. Pas des paysages. Des lieux. Comme les constellations, les océans, les sources, les landes. Des lieux, avec des lumières qui les traversent, des mouvements qui les animent, des fixités qui les sacrent, des mystères qui les agrandissent. Des lieux sans frontière, des lieux qui se débordent eux-mêmes, qui s’inventent au fur et à mesure des éclairs, des désirs, des embrasements et des grâces. Tomber amoureux, c’est tomber dans un de ces lieux. Comme retomber dans l’enfance, ou entrer dans l’écriture.

Et dès que le temps s’insinue dans ces lieux, s’en est fini. De l’amour, de l’enfance, de l’écriture.

Il faut veiller au surgissement.

Remonter assez haut vers la source.

Dépasser le désert d’épuisement. Là, où il n’y a plus de passé.

Et la voix de l’écriture est la dernière habitante d’une étoile en feu.

Je le répète, je t’ai aimé bien avant toi, bien avant moi, bien avant mes folies ouvragées, bien avant mes dérives VG_Source_de_la_20Coquillebrousaillantes et sauvages. J’ai l’âge de ton île. Et je viens des pôles sanglotant. Et je suis passé par les ivresses des bateaux naufrageant. J’ai connu les décombres des éclipses, et les aubes rugueuses. Et j’ai connu le givre du matin se transformant en cendres. Tu sais la mort est une statue de pierre qui nous regarde en clignant des yeux. Je n’ai cessé de blanchir mes mots, d’en extraire les moindre lambeaux, afin d’accroitre ton nom en moi, et d’en faire des semailles crissantes à la lisière de mes désespoirs. Ton nom, comme cette lumière qui coule d’un vitrail ébloui. Ton nom que je prononce en embrassant l’ombre à l’extrémité d’un silence vulnérable et vibrant. Sais-tu que je suis dans un étrange crépuscule, comme un peuple de sable sorti du froissement des limbes. J’ai dans mon crâne des cathédrales d’argile et d’encens, des étreintes singulières aux ailes de papillons, et dans ma langue rôde l’écume et les tourbillons d’une source d’eau douce au creux de l’océan.

Et lorsque je dis ton nom, je surgis à moi-même plus vrai que le soleil.

Un puits miraculeux au bout de ma marche.

Et toujours naissant. Et renouvelant mon acte en permanence. Et ce qui en moi surgit, n’est entaché de rien. Du vierge. De l’enfant étonné. De l’enfant retrouvé. De l’enfant reconquis.

Franck.

15 août 2007

Tectonique des plaques....

La redite, l’insistance, la persistance, les trois stades de la maladie d’écrire. Et plus on avance dans cette maladie mortelle, moins elle pèse. Et plus elle est grave, plus elle se déploie dans le sang, dans les jours, plus elle s’agrippe à chaque fibre, à chaque respiration, plus elle est mordante aux jointures du rêve, plus elle nous éloigne, plus elle nous épuise, et moins l’on voudrait en guérir.

La redite, l’insistance, la persistance sont les autres formes païennes, de la litanie, de la prière, de l’oraison, car il s’agit d’atteindre la chair, et même, l’au-delà de la chair.

 

 

 

Atteindre la dimension de sa mort. Etre dans la juste dimension de sa mort. Celle qui viendra. Celle pour laquelle on est là.

Passer de la fatalité, au don à recevoir, pour finir, à l’offrande gracieuse.

 

 

 

La littérature naît d’un frottement, comme les plaques tectoniques. Deux mouvements lents qui s’opposent, pierre contre pierre, temps contre temps, puissance contre puissance, usure contre usure, et le résultat c’est le volcan, le tremblement de terre, la vague scélérate. La littérature est le lieu impossible, le lieu d’une précieuse brûlure, inhabitable, invivable. Inachevable. Et dans le même mouvement le renouveau et la fin. Les plaques tectoniques de notre vie bougent, la grande masse de nos souvenirs, de nos illusions, l’accumulation répétée de nos regards, ce magma informe et tremblotant comme de la gélatine peureuse, toutes ces plaques bougent, s’incrustent, s’insinuent les unes dans les autres, s’engloutissent dans l’oubli et l’indifférence, le mépris et abjuration. Ça frotte. Ça racle, ça cure, ça écrase. Des continents, qui à force de dériver se choquent, se heurtent. Se brisent. Et c’est un fracas de douleur et d’extase

 

 

 

L’écriture se nourrit de notre disparition. Atteindre la dimension de sa mort. Être dans la juste dimension de sa mort, à force de redite, d’insistance, de persistance. Comme si la maladie d’écrire effaçait nos vanités, nos prudences. Comme si la maladie d’écrire tranchait dans le gras, le ventru, l’inutile. Pour qu’à la fin on puisse juste enfiler un voile d’ombre. La peau de l’ombre sur notre peau de chair. Sans plis, sans couture, ni ourlet.

 

 

 

Le corps de l’écriture est le lieu du frottement, des masses brassées, le lieu de l’imminente menace. La redite, l’insistance, la persistance. Le corps de l’écriture est toujours marqué des stigmates et du symptôme d’un temps pur.

Le temps pur est un temps vécu à sa juste proportion, à son juste poids. Un temps débarrassé. Il tient debout par sa seule force, sa seule volonté. Sa seule nécessité. C’est un temps qui n’est pas comptabilisé dans nos ans. Il est pur, parce qu’il n’a pas d’épaisseur. Et de la durée, il ne possède que la lumière. Il est éclat. Etincelle. Il est la voix.

 

 

 

La maladie d’écrire a trois stades : la redite, l’insistance et la persistance, et plus elle s’aggrave, plus elle vient en lieu et place de l’inconstance, de l’impermanence, et de la précarité.

Et l’on connait alors les trois degrés de la puissance : la faiblesse faite de boue et d’ivresse, la fragilité faite de verre et obsidienne, et la tremblance faite de silence consumé et d’éternité.

L'autre nom de l'abondance.

Franck.

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12 août 2007

Ma perdue.....

Nous sommes faits de morceaux qui ne tiennent pas entre eux. Ils ne vivent aux mêmes heures. A la jointure, il y a des plaies, des cicatrices qui suintent. La douleur se fait sentir à l’aube. Chaque aube aggrave la substance de l’imprononçable.

Mon absente, mon égarée, ma perdue.

J’essaye de prendre appui sur la feuille blanche et je me perds dans cette apocalypse de blanc. Le blanc de la page recèle des pièges comme des crevasses sous les grands champs de neige. Avancer dans le blanc c’est à coup sûr aller à sa perte. La chute. L’inévitable avalanche. Chaque aube grince des illusions à venir. Et puis tous ces morceaux de vie qui ne tiennent pas entre eux.

Les dieux avaient dit : « …c’était elle, c’était lui… ». Et ils pleuraient, les dieux. Les dieux pleurent toujours lorsque quelque chose des humains leur échappent. Et puis ils ont arrêté de pleurer. Ils sont désormais rassurés. L’ordre du monde et des constellations est sauvegardé.

Mon absente, mon égarée, ma perdue.

Nous resterons sur les rives opposées du fleuve. Et nos regards ne feront pas l’arche de lumière. Tu étais faite d’océan, et j’étais fait de landes, de bruyère et de vent. A nous deux nous faisions un monde. Et aujourd’hui la ligne de nos retrouvailles est envahie par les grandes marées. Et la ligne de nos paroles s’efface dans l’immobilité crasseuse du soleil. Et même les ombres s’essoufflent.

Mon absente, mon égarée, ma perdue.

La ligne de nos corps, elle aussi, s’efface dans une effrayante oscillation frémissante. On ne vit pas impunément à l’aplomb du soleil. Et sur nos plages interrompues le texte demeure introuvable. Le temps décortique l’espérance, en suce la moelle et l’os, et c’est une litanie agenouillée, pantelante. Quelle est ma langue sans ta parole ? Que sont mes chuchotements sans tes murmures ?

Mon absente, mon égarée, ma perdue.

Que valent ces draps blancs, insolemment blancs, sans ta nudité pour en apaiser la violence de l’éclat. Ce matin la source dégorge des cris, ce n’est plus une eau, mais un ravage, un débordement lourd et carmin. Un cratère saccagé d’incertitude.

Alors, qu’importe, et que mes mots aillent se faire pendre aux crochets des étoiles, moi je n’en ai plus la force.

Et puis morceaux de vie qui ne s’accrochent pas entre eux.

Mon absente, mon égarée, ma perdue.

Franck.

11 août 2007

L'attente......

Sans doute sommes-nous sortis du mauvais coté de la grotte, il y a quinze mille ans. Nous avons choisi la lumière. Toujours cette fascination des évidences. Nous avons cru abandonner l’ombre. Depuis elle nous poursuit, lourde, entêtante. Tenace. Alors nous sommes sortis de la grotte à-reculons, seulement pour constater ce que nous laissions. Par nostalgie. Nous avançons en arrière depuis la nuit des temps. Nous ne cessons pas de quitter, comme pour entretenir une nostalgie. Et pour les âmes abouties, un désespoir. Et faire avancer l’espèce n’a jamais fait avancer l’humanité. Au contraire. Et chaque jour nous dévisage, puis détourne les yeux, c’est cela qui est insupportable. Ce dédain, cette indifférence sur nos existences dépecées.

 

 

 

Ce qui nous hypnotise dans l’image reflétée par le miroir c’est qu’elle regarde dans la direction opposée à la notre. Comme si elle seule voyait. Comme si elle seule avait le vrai regard, celui que nous n’aurons jamais. Le regard en arrière. Le drame d’Orphée.

Le notre.

Nous sommes des deux cotés du miroir. Et nos regards se croisent. Et nous nous voyons plus. Et lorsque je tends les mains, je ne touche que le froids d’une glace, que le vide d’une image. Est-ce la tienne, ou la mienne qui persiste sur cette face lisse et réfléchissante ? Trop lisse, trop pure pour être vraie. Image trop scellée, un absolu trop menaçant.

Les souvenirs se décolorent, comme si mon sang perdait sa force. Limpide et délabré. Un sang appauvri, simple comme l’hiver.

 

 

 

C’est une longue débâcle que ton éloignement.

Se taire n’est pas le silence. S’en est même le contraire.

 

 

 

Celle qui viendra s’est déjà mise en route j’ai aperçu de loin le cortège qui l’annonce et les trompettes s’honorent de son arrivée prochaine et son nom s’est inscrit dans chair des étoiles.

 

 

 

Celle qui viendra sera montée sur les chevaux d’argent de l’aurore, elle aura l’élégance des brumes matinale et la grâce des rosées de printemps. Elle sera dans le galop de sa parole d’or et d’orage et portera haut l’oriflamme de ses souvenirs blanchis par le feu des enfers.

Elle aura dans sa chevelure les couleurs de la nuit, et quelques restes d’étoiles et sur son front large seront visibles les constellations lointaines. Elle aura dans ses yeux l’histoire des folies humaines et sur ses lèvres le goût des oranges amères. Sur son cou elle aura la trace des ruisseaux et dans sa voix le murmure des sources profondes. Sur ses bras s’enrouleront les rosiers du désir et ses mains porterons des bijoux de coquillages nacrés.
Celle qui viendra chevauchera le jour en tirant avec elle, le soleil et sa traîne, et ses feux, et ses flammes, et ses corolles aussi.

Ses courbes diront la ligne de nos vies, la ligne de nos fugues, la ligne des symphonies, la ligne des infinis. Elle aura sur les plis de sa peau, calligraphiés les poèmes les plus rares, avec l’encre la plus douce. Elle aura sur ses seins la place de ma bouche et sur son ventre l’emprunte de mon ventre, et sur ses cuisses le dessin de mes mains et dans ses chairs secrètes frémira déjà l’intime de nos nuits, mêlé de liqueurs d’hydromel et d’ambroisie sauvage. Celle qui viendra aura dans ses reins la vigueur des lionnes, la fureur des foudres, et sur son dos coulera les sueurs de l’amour. Elle aura dans ses cris la force des prières et son offrande aura l’orgueil des dieux et l’abandon des reines.

Celle qui viendra s’est déjà mise en route j’ai aperçu de loin le cortège qui l’annonce et les trompettes s’honorent de son arrivée prochaine et son nom s’est inscrit dans chair des étoiles. Qu’elle vienne des enfers ou qu’elle vienne d’ailleurs mon âme est assez grande pour y rêver à deux et si les mots sont trop lourds, il restera le silence qu’on partage encore mieux quand on est enlacé.

Et quand elle sera là, celle qui viendra, je recueillerai le parfum de son cœur dans les boucles du temps, et l’âme de ses mots, et son sourire doré et sa main qui se tend sur l’ombre de ma main, et les feux qu’elle charrie, et sa tendresse obscure, et son amour tremblant sur mon amour tremblant.

Franck.

5 août 2007

Tu reviendras....

Tu reviendras. C’est écrit sur la Grande Pyramide. Tu reviendras pour que se perpétue l’écriture de la pierre de Rosette. Le même chant écrit dans nos voix différentes. Tu reviendras battre la mesure, et soulever le linceul. Tu reviendras avec tes concerts cadencés. Tu reviendras, l’amour est notre maison de feu, et il nous faut brûler jusqu’à la cendre. Tu le sais. 55Cancri_500x375v3Car renaître est à ce prix. Toi et moi, nous le savons, les dieux pathétiques nous ont fait cette offrande, ils ont glissé dans notre sang le goût du feu, de la brûlure, et de la cendre.

Alors il nous faut remonter le courant de la lumière. Ce sont les étoiles qui le disent. La lumière, c’est de la distance, c’est pour cela que dans nos vies nous ne savons rien des couleurs. Des vraies couleurs. De la vraie lumière. Ecrire, c’est remonter le courant de la lumière. Jusqu’à la source, sans temps, sans lieu. Infinie et éternelle.

Les mortels marchent vers leur ombre. C’est ainsi qu’ils s’éloignent, c’est ainsi qu’ils meurent. Et plus ils avancent, plus l’ombre grandit. A la fin, ils ne sont plus qu’une ombre géante, dans laquelle ils s’effondrent. Epuisés, hagards, désemparés. Anéantis. Mais toi tu reviendras.

Ecrire c’est marcher dans l’autre sens. C’est aller vers le feu, l’éblouissement. Ce n’est pas pousser l’ombre, c’est la tirer. C’est la porter. L’user jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans le brasier du temps sans temps, dans l’unique espace qui nous est destiné. La source.

Le seul lieu qui échappe aux dieux, et à la misère des dieux. Tu reviendras, car notre route est encore longue. Nous 170937main_image_feature_773_ys_4avons tant à perdre, encore.

On écrit pour se débarrasser de l’écriture, pour en finir avec elle. Alors, il faut bien commencer. Et c’est sans fin.

Derrière les étoiles il y a un autre ciel. Derrière la source il y a un autre temps

Car la source de la lumière est le lieu de la nuit. De la nuit et du silence.

Ecrire c’est revenir vers le silence, vers le premier silence, celui qui enfanta la première nuit, dans le premier baiser. Ecrire c’est marcher dans l’autre sens, c’est revenir à ce premier baiser. Le jour où le silence et la nuit ont inventé le soleil et la poésie. Tu reviendras pour que cette première aube nous sacre.

Tu reviendras dans la profusion du renoncement, tu reviendras blanchir le seuil de la langue. Et poser ta bouche sur celle du silence. Lèvres à lèvres.

Car le silence est notre grande affaire. Toi et moi, nous le savons, puisqu’il accomplit toute parole, puisqu’il est le lieu du poème. Je serais ton silence, mon amour, et tu seras le mien. Il sera notre île dans les flots de la langue. On écrit pour se débarrasser de l’écriture, pour aller jusqu’au bout, et atteindre le lieu du poème. Car le poème, c’est l’écriture débarrassée de l’écriture. C’est ce qui reste. Le pourpre, la violine. L’amour. L’amour parachevé. L’acmé exaltée.

Alors tu reviendras, car il nous faut revenir à la source. Pour contempler l’avant de la lumière.

Car tu as ce don rare des sibylles, de mettre du silence dans chacun de tes mots, dans chacun de tes gestes, dans le mouvement de tes yeux.  Les vérités ne se disent que lorsque la bouche qui veut les dire est inondée de silence.

Tu suces le silence comme un bonbon sucré, avec la même gourmandise, et la même mélancolie. Avec ta langue tu les arrondis, tu les fais fondre lentement, et ils se mêlent à ta salive et ils craquent sous ta dent comme des os fragiles. Je t’ai epslyraecdsbien observé, tu les suces comme s’ils étaient un morceau de l’éternité, et c’est un lourd ruissèlement de saveurs sucrées, la jouissance d’une tendre et indispensable dépossession. Leurs saveurs imprègnent ta chair. Suc et sang. Délice de la perte et du désir défait. Car il y a de la crainte dans ce désir, et de la violence dans ce sucre. Alors pour apaiser ton ventre, ta voix vient à cette saveur de sucre d’un silence longtemps sucé. Alors tes mots sont gorgés d’un sucre longtemps médité. Et c’est un embrasement mortel et divin.

Tu reviendras, car il faut accomplir.

Tu le sais nous sommes déjà l’un à l’autre, et cette évidence là, ne peut être dépassée sans le couronnement. Car depuis des siècles déjà, nous sommes l’un vers l’autre, pas pour vivre le bonheur des humains, mais pour accomplir un chant, mon amour. Pour accomplir un chant.

Franck.

1 août 2007

J'irai sur ton île.....

Tu as regagné ton île et c’est moi qui suis en exil, désormais. Tu as rejoint ton royaume, me laissant un désert, vaste comme mille saisons, ou comme une galaxie. Tu es dans le mouvement de ton île, dans ses affluents de lumière et de vent, et d’embruns, et chaque jour tu peux croiser la ligne d’horizon avec ta ligne de vie.

 

Tu es sur ton île avec toutes ses rigueurs qui s’opposent à l’océan, et ses consentements, et ses complicités. Ses résistances, aussi. Et les marées recouvrent et découvrent le temps, inlassablement, infatigablement. L’azur, l’azur et son carnage, sa véhémence. L’azur, impossible continent, intouchable, inaccessible azur. Un horizon nous sépare, et la houle pulpeuse, et son balancement, et son indifférence, et son détachement.

 

Tu as rejoint ton royaume me laissant un néant, et la maigreur d’une saison miséreuse à la dérive. Et tu peux croiser l’horizon avec ta ligne de vie, effilochant imprudemment ma ligne de cœur.

 

Tu as regagné ton île et c’est moi qui suis bannit, relégué dans mes terres, à user les vieux pavés des veilles villes, à périr chaque fois un peu plus dans de nocturnes fournaises.

 

Tu t’es éloignée sur ton île, sur cette roche marine martelée de colère, sur ce coriace heurtoir à tempête. A présent tu es sur ton rocher comme une figure de proue, transie et résignée. Les bras tendus vers le large, et les yeux grand-ouverts.

 

Ta terre îleuse est sans moisson, elle est tout en crainte orgueilleuse, tout en brûlure de sel, et le vent s’y frotte, s’y blesse sur ses rocailles sorties de l’eau, comme un os qui percerait une peau humaine. Le squelette d’un fantôme naufragé, cuirassé de granit. Et le vent s’y frotte, geint, supplie, il est tout à sa douleur, et à ses hurlements, mélangeant ses cris, aux cris des macareux et des grands goélands.

 

Les semeurs de ton île jettent leurs grains aux cieux pour les faire fleurir, pour conjurer le sort en guise de prières, pour faire rire les étoiles, ou pour les faire pleurer.

Les semeurs de ton île jettent leurs filets au loin pour attraper un peu de ciel et de lumière, une brassée d’éternité.

 

Et le temps sur ton île s’effiloche entre le clapotis et les marées, entre la patience et les larmes trop salées. Les vœux des îles ne sont jamais exaucés. Trop de hasards, trop de fatalités, trop de pleines lunes mortes avant le petit jour, trop d’accablement, trop de saisons défuntes, de cimetières fatigués, trop d’attente. Oui, trop d’attente. Bien trop d’attente.

 

Et ton île se gonfle comme si elle respirait, comme si elle était le cœur d’un grand géant de pierre allongé dans ces vagues qui bordent son sommeil austère de draps brodé d’écume et de rumeurs sauvages.

 

Tu es sur ton île rugueuse et sévère, sur le contre-point de nos enlacements, et j’ai beau gratter mes mots jusqu’à la transparence, les râper, les user, ils ne peuvent rien contre cet éloignement et la désarticulation de nos caresses. Tu es sur ton île, ton île plus habitée par les morts que par les vivants, ton île où les aubes se lèvent toujours sur des jours ancestraux, des jours déjà vieux, vieux de souvenirs et d’attente vaine.

 

Et maintenant que tu es sur ton île, ma seule boussole est ton nom, et mon texte un bien pauvre navire pour franchir l’océan, un radeau halluciné plutôt. Et ma voix est une saumure saturée de sel.

 

Les îles sont sans sommeil, elles sont seulement nues, et silencieuses, elles veillent sur l’absence, c’est leur façon d’aimer. Elles craquent, comme les vieux arbres, elles râlent comme des fauves blessés, c’est leur façon de résister.

Elles hurlent, c’est leur façon de désirer.

 

Alors j’irai sur ton île. Même mort j’irai, pour qu’une dernière fois nos silences se mêlent. Alors mes lèvres salées sur tes lèvres salées, et mon souffle épuisé sur ton souffle océan. Alors j’irai sur ton île, mon amour, offrir ma main paysanne à ton âme marine, et mêler ma terre noire à l’écume de ta chair. J’irai sur ton île, mot après mot, et je ferai un pont sur les deux rives de l’horizon. Et je traverserai, et tu traverseras. Et nous chevaucherons l’atlantique, comme deux cavaliers fous, c’est le vœu des enfants, c’est le sort des amants.

Le destin des étoiles.

Franck.

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J'irai marcher par-delà les nuages
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