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J'irai marcher par-delà les nuages
23 mars 2008

La dentellière des océans....

Pour écrire elle s’assoit dans le coin le plus retiré de sa vie. Les terres inconnues de ses jours. Bien sûr, ces lieux sont inhabitables, bien sûrs ils sont invivables. Bien sûr. Bien sûr elle sait qu’écrire est une occupation étrange, et la mélancolie le chant de l’inaccompli. Bien sûr elle sait bien qu’écrire naît de l’œuf couvé de la nuit. Bien sûr.

 

Souvent ses mots touchent à l'endroit fragile. La membrane. Celle qui résonne. Frémissement des brumes tout au bout de mes landes mortes. Et nos paroles s'enroulent à nos silences. Glissent sur nos distances. Souvent. Comme ces vagues qui apprivoisent le rivage dans d'incessants retours. Caresse de l'eau qui s'abandonne aux langueurs de la terre.
Chaque vague porte en elle tout l'océan. C'est pour cela que les vagues ne meurent pas, leur épuisement n'est qu'un reste d'infini. Chaque vague agrandit l'océan. Comme ses paroles ourlées d'écume blanche, qui reviennent s'allonger dans les derniers murmures. Vague tendre qui lèche les plaies d'une terre usée.

 

Et nos paroles s'appellent. Nous, nous nous taisons. Pour ne rien déranger. Ni le ciel, ni la terre. Nous restons en bordure de nos blessures anciennes. Juste en bordure. Comme l'écume, comme le souffle de l'écume qui souligne d'un trait tremblant la fêlure des rencontres.
Nous sommes dans un espace qui n'existe pas. Qui n'a pas de nom. Pas de lieu. A peine un mouvement lent et silencieux, qu'il faut porter plus loin. Ailleurs.
Esquisse d'un pas de danse, sur le fil tendu de l'horizon. Lointain.

 

Car nos paroles se reconnaissent mieux que nous-même. Elles se sont mutuellement désignées. Et elles nous ont oublié. Délaissé. Dans nos lointains. Nos absences. 
Sans doute est-ce cela, l'exil. Les mots font la ronde autour de nous et nous laissent là, au centre d'un cercle. A chacun son centre, à chacun son cercle.

 

Pourtant ses mots souvent me touchent à l'endroit fragile. Car elle dessine les contours d'un plus loin. D'un possible. Avec ce goût de sel et d'embruns. Elle trace l'horizon d'un silence rectiligne pour accueillir le soleil à l'orient de nos vies. Des mots ciselés, découpés dans ses champs de solitudes. Des mots précis posés au fil à plomb. Cherchant la verticale absolue, le point d'équilibre entre la nuit et le jour. Alors, elle les pose, là, avec dans le geste cette sorte d'assurance scrupuleuse. Ce raffinement discret. Terriblement puissante et vulnérable. Comme ces dentellières qui découpent la lumière autour des contre jours, juste dans la transparence d’une rêverie. Seulement un peu de blanc autour de grands silences.
Simplement un peu d’écume pour dire la solitude des océans.
Terriblement puissante et vulnérable. Comme si elle plantait un arbre encore chétif, mais tremblant de promesses.

 

Alors j'habite ses silences, acceptant le balancement de la houle. J'étire au plus large mon rivage, attendant chaque vague, absorbant la moindre écume. Espérant les plus petits coquillages. La vague sur le sable dessine. La vague sur le sable brode. Respire. Elle invente le temps dans son essoufflement. Et l'amour dans sa constance. Et la foi dans sa patience Et la vague sur le sable écrit. A l'encre bleue des abîmes marins, avec les restes de tempêtes et les fracas obscurs des naufrages. Elle écrit. Solitaire et multiple.

 

Car il s’agit de n’appartenir à aucune histoire. Nous sommes désormais dans l’incessant va et vient de la parole, dans l’incessant renouvellement, inventant la parole océan. Fixe et mouvante. Ici et ailleurs. L’incessante parole interrompue et ininterrompue.
Fixe et mouvante, ici et ailleurs. Désespérés et enfin joyeux.

 

Franck.

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