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J'irai marcher par-delà les nuages
30 mars 2008

La parole du silence.....

Je me souviens de ce temps d’analyse. En parlant du rien, puisque c'est toujours de cela dont il s'agit. De ce lien qu'on a avec lui. Du badinage qu'on entretien avec lui. De nos nuits d'ivresse avec lui. De nos noces décomposées. Puisque c'est toujours de cela dont il s'agit. De cette longue histoire avec ce si peu. Je me souviens. De ce rien qu'on ne sait pas nommer, qu'on reconnaît à peine, de ce rien vaste comme un océan, à l'apparence insignifiante, à l'appétit d'ogre. Et puis, sa veulerie. La notre plutôt. Oui, je me souviens de ce temps d'analyse. De ce temps du divan. De ce temps de la parole et du silence. De ce long monologue jeté à un plafond fissuré. Répandu dans une pénombre d'antichambre.

 

 

 

Au départ, ça commence dans une profusion, une exaltation de la parole. Au départ on est dans l'aisance de l'histoire. Des histoires. On essaye tout, par chronologie, par thèmes. On départ on pense que ça ne finira pas, qu'on aura toujours quelque chose à dire.

 

 

 

Avant d'entrer chez la femme de l'ombre on a préparé tous les pans de notre histoire à révéler. On veut expliquer, faire comprendre. Au départ c’est à elle que l’on parle, que l’on tend sa voix.

 

 

 

Derrière, elle ne dit rien, ou si peu. Parfois elle pointe un détail, un mot. On s'arrête, on évite, on bifurque. Et on parle, on raconte. Notre histoire n'est pas très intéressante, pourtant à force de la dire on pourrait la croire passionnante. Au départ rien n'est très important, les mots se bousculent. On cherche des vérités qui sont bonnes à dire, enfin.

 

Et puis des vérités plus douloureuses. Et même ces vérités douloureuses sont bonnes à dire, encore. Et le temps passe, on est de plus en plus précis. On cherche le détail, on soulève les souvenirs un à un, à la recherche du signe, de la marque qui porte notre nom, qui désigne notre fatalité.
Et la femme de l'ombre accompagne cette profusion tapie dans son silence, avec l'abandon nécessaire à tout bonne patience. Papa, maman, les sœurs qu'on pas eu, ce qu'on à fait, ce qu'on a pas fait, nos femmes, nos enfants, nos amours, le sexe de nos amours, nos masturbations, nos faits d'armes, nos défaites, notre grandeur, notre misérabilité. Il faut tout dire, alors on dit tout, dans l'ordre ou dans le désordre. Nos peines, nos chagrins, nos lâchetés, l'ennui, l'enfant qu'on était, l'enfant qu'on est resté. Au départ, c'est un grand ménage, un grand déballage, on gansouille dans nos eaux saumâtres.
La dame de l'ombre attend. Peut-être que si l'on se retournait on la verrait sourire, ou dormir. Mais au départ on se moque de tout cela, on est seulement dans l'ivresse des mots. Dans ce grand déballage, dans cette braderie. Dans cette délation de nous-mêmes, dans ces aveux de confessionnal. On parle, on paye, comme si on allait aux putes et tout est bien ainsi. On se demande parfois à quoi tout cela peut servir, mais on continue. A cause de l'ivresse.

 

 

 

Trois fois par semaine. Et les mois passent. Bien sûr on commence à voir derrière l'histoire de drôles articulations. On voit bien certaines formes, invisibles à l'œil nu de la vie quotidienne. On voit bien d'autres histoires sous les histoires. On voit bien d'autres mots sous les mots. On voit bien des larmes sous les sourires, ou quelques abîmes sous les vagues. On devine bien d'autres désirs sous les désirs. A chaque séance on monte une marée. Et la mer est sans fin, et le temps de l'océan sans limite. Et la dame de l'ombre devenait peu à peu mon oreille. Peu à peu mes yeux. Elle est là, sans vraiment être tout à fait là.

 

 

 

Et puis, un jour, l'eau des mots commence à se tarir. Le flot est moins important, de gros cailloux de silence font des remous, où les mots viennent s'enrouler. Tourbillons d'écume blanche, où la parole disparaît comme dans une sorte de vortex de la langue. Et la dame de l'ombre est toujours là. Silence contre silence. Au début cela n'est pas fréquent. Pour éviter ces écueils on prépare encore plus à l'avance. Mais le dernier quart d'heure devient difficile à combler. Les mots sont devenus épais, ils raclent la mémoire. Il y a du sable sous la langue. Des cendres dans la voix. Un peu plus de rouge dans les silences. Un peu plus de sang dans l'attente. Un peu plus de peur dans les souvenirs.
Il y a une ivresse du silence. Un vertige. Presque une volupté.

 

 

 

Et puis une douleur.

 

 

 

Avec le sentiment de dérisoire. Une vie est faite de si peu de chose au fond. Même bien remplie. Il y a si peu d'événement. Si peu de rencontres. Si peu à en dire.

 

 

 

Alors c'est le temps des silences qui commence. De ces séances vides. Vides et lourdes, et douloureuses. Le temps du rien. Des colères contre la dame de l'ombre. Des colères contre soi.
Il n'y a plus qu'un filet spasmodique d'une eau troublée, tremblante. Si peu assurée de couler vraiment. Il n'y a plus que le lit asséché d'une vie désossée. Avec un limon sombre qui se fendille. Avec ses flaques boueuses.

 

 

 

S'allonger sur le divan pourpre devenait pénible, presque insupportable. Le silence se nourrit de lui-même. Il s'encourage.
Se fortifie. S'additionne. S'engraisse.
S’aggrave.

 

 

 

Il arrive que les couches de silence soient si épaisses, si compactes, qu'il devient presque impossible de le rompre, de le traverser. Chaque phrase part du plus loin du ventre, et remonte avec lenteur tout au long de l'estomac, pour venir peser sur les poumons. Chaque phrase cherche son souffle dans un air raréfié. Et les mots prennent des sens bizarres, baroques. Ce sont des mots tiroirs. Des poupées russes remplies de mystères.

 

 

 

La dame de l'ombre est à son œuvre. Elle tient ferme l'autre bout du silence. Elle tend la corde du silence. Sur laquelle quelques pauvres mots tentent de garder l'équilibre. C'est le temps des larmes, des doutes, des nœuds, des pierres. Sous notre vie il y a des paysages étranges. Derrière nos souvenirs il y a des plaines venteuses, des landes tristes. L’innomé. De vieilles sensations que les vieux mots n’ont jamais touchées. Des désirs sombres jamais avoués.

 

 

 

De quoi parlons nous quand nous avons tout dit. Que reste-t-il à dire. Au-delà de l'histoire, bien après l'anecdote. Bien avant.

 

 

 

Allongé je regarde la fissure du plafond. Je ne veux rien dire. Je ne veux plus rien dire. Plus jamais. Et cela dure. Des séances entières. Parfois je sens mon corps envahi de chaleur. Parfois j'ai froid. Et je cède. Aux mots. Aux relents des mots. A leurs spectres.

 

 

 

Là, on ne raconte plus.

 

 

 

Une voix d’avant la vie.

 

 

 

Il ne reste que des lambeaux de phrases. Des bulles qui crèvent le plafond, qui crèvent le lit du torrent asséché, bulles de soufre. Sous le lit, il y a d'autres lits, plus sombres, plus denses.
Bien après, il n'y a plus que des formes. Car peu à peu on entre dans le royaume des ombres. Et la dame de l'ombre semble bien les connaître.

 

Temps du rien. Souvent j'avais l'impression de construire une muraille invisible, à l'envers du décor. Temps du vide. Lancinant. Epuisant. Temps des redites. De l'usure. Comme si l'on agrandissait le vide. Comme si c'était cela l'important. Comme si à force d'être dans ce rien continuel cela donnait une consistance au vide. Comme s'il était vivant en nous. Longue traversée.

 

 

 

Longue marche de la parole où les silences pèsent plus que les mots prononcés, où le temps vide compte plus que tous les actes posés.

 

 

 

Quatre ans. Quatre ans. Dans le désordre du sens. Quatre ans à être éparpillé dans mes défaites, à flotter dans mes naufrages. A creuser le son de ma voix, à border la parole, comme on borde un enfant malade. A errer. A n'être qu'une errance.

 

 

 

Un jour on arrête. Plus précisément on suspend. On accroche son silence au clou de l'amour planté dans la fissure du plafond. Un jour on suspend. Il ne faudrait pas. Mais on le fait. C'est ainsi.

 

 

 

Après, bien après, on commence à écrire.

 

 

 

Ce sont les mêmes mots, c'est le même silence. C'est la même voix. C'est la même douleur et la même exaltation. C'est aussi vain et aussi essentiel. Comme une errance souveraine. Comme une ultime dignité.

 

 

 

Franck.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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29 mars 2008

L'entre temps.....

Chaque texte nous laisse dans le passage. Un éternel passage. Sans rive. Être là. C'est tout. Toujours partir et ne jamais arriver. Là. Dans le courant d'air de la vie. Les volets battent, les portes claquent et le texte nous laisse là. Entre. Pantelant dans le passage. Lourd. Sans aisance. Estropié du désir.

 

 

 

Les textes sont des orphelins. L'espace d'un instant on a cru pouvoir leur offrir une famille.... Et puis ils nous quittent, alors on reste dans le passage. Et c'est nous l'orphelin à secourir. Le texte nous a seulement accueillit un court instant dans sa famille de mots, sa famille turbulente et bruyante. Et après, la famille nous quitte.
Et l'on reste là, dans le passage encombré de désordre et de silence.

 

 

 

Et l'on sait qu'on ne sera d'aucune famille.
On appartient déjà à la ruine et au désastre.

 

 

 

Le texte ne ment pas, il nous promet la solitude et il nous la donne. Comme une fleur rouge sang. Il l'incruste même. Il la grave, de peur qu'on oublie que c'est nous qui l'avons sollicité. Elle devient notre nom.

 

 

 

Et nous restons dans le passage. Entre les portes du désir. Coupé des horizons. Immobile entre deux mouvements, deux élans. Et c'est ainsi depuis la nuit des temps. Car la nuit des temps est le lieu du poème. Toujours. La nuit. Et après le passage. L'entre deux.
L'attente.
L'inquiétude.

 

 

 

On ne ressort pas complètement indemne des mots. Avec cette double sensation. L'accroissement et la perte. La douceur et la violence. Comme dans le vertige. L’aggravation d’une pesanteur.

 

 

 

Pendant le texte les atomes de la vie sont portés à incandescence. Comme dans l'amour quand les corps s'effleurent d'insouciance et d'oubli, ou quand ils se cognent l'un à l'autre dans l'abandon et l'ivresse. Comme dans l'amour où brusquement on sait qu'il n'est plus question de douleur mais de débordement, où l'extase décide de ne plus descendre, mais au contraire, de monter.
Le mascaret ride le fleuve comme un frisson de jouissance. Le texte nous a défait du temps, jeté hors des doutes, il nous a pris la main et le cœur pour nous faire traverser l'infini à la perpendiculaire de nos passions et dans la diagonale de nos souvenirs. Le texte réinvente la géométrie de l'espace et du corps, de son poids de chair tremblante, et dans les angles se trouvent l'ombre et le souffle, et les parallèles se rejoignent sur les lèvres des rêves, et les ellipses nous réchauffent de leurs foyers majestueux.
Et c'est un temps simplifié où les équations retrouvent leurs inconnues. Et les ondes ne vibrent plus, elles ne font que chanceler, que frémir, et elles n'oscillent plus, elles ne font que se balancer comme les roseaux dans la brise d'été.
Et le mascaret redresse le fleuve de sa langueur chagrine.   

 

 

 

Et juste après le texte, la droite se raidie, l'infini se relativise, les parallèles s'assagissent et se mettent à bonne distance l'une de l'autre, comme des inconnues qui se toiseraient de haut. Les perpendiculaires s'ennuient à nouveau, et l'ombre quitte les angles morts de la vie pour se répandre en obscurs savoirs.

 

 

 

Après le texte c'est le temps des redites, des pensées sur la pensée, des constructions fragiles. Après le texte c'est le temps des insectes. Temps mesuré, sans ambition, sans imagination, qui ne sait que finir.

 

 

 

L'entre temps des textes, avec le fleuve vautré dans sa lassitude féroce et gourmande. Ce sont des temps somnambules, nos actes ressemblent à des actes mais ils n'en ont plus la vérité, comme si le rêve était clivé, ou troué par la lame du soleil. Ou de l’insomnie.

 

 

 

On est dans le passage, dans les couloirs du jour avec des portes à l'infini, des portes closes. Et le fleuve qui coule dans son infinie indifférence hautaine. Et notre maladresse importune les silences, car ici, dans le passage, ils ont changé de nature, d'humeur. Ils nous regardent, ils nous désignent. Certains nous accusent.

 

 

 

Après le passage. Un autre mascaret. Après... un autre...un autre encre…toujours un autre…
Et la hache du texte coupe un peu plus mes amarres.
Je suis en partance pour l'exil.
Un jour il n'y aura plus de retour possible.
Un jour ça sera la disgrâce…

Franck.

23 mars 2008

La dentellière des océans....

Pour écrire elle s’assoit dans le coin le plus retiré de sa vie. Les terres inconnues de ses jours. Bien sûr, ces lieux sont inhabitables, bien sûrs ils sont invivables. Bien sûr. Bien sûr elle sait qu’écrire est une occupation étrange, et la mélancolie le chant de l’inaccompli. Bien sûr elle sait bien qu’écrire naît de l’œuf couvé de la nuit. Bien sûr.

 

Souvent ses mots touchent à l'endroit fragile. La membrane. Celle qui résonne. Frémissement des brumes tout au bout de mes landes mortes. Et nos paroles s'enroulent à nos silences. Glissent sur nos distances. Souvent. Comme ces vagues qui apprivoisent le rivage dans d'incessants retours. Caresse de l'eau qui s'abandonne aux langueurs de la terre.
Chaque vague porte en elle tout l'océan. C'est pour cela que les vagues ne meurent pas, leur épuisement n'est qu'un reste d'infini. Chaque vague agrandit l'océan. Comme ses paroles ourlées d'écume blanche, qui reviennent s'allonger dans les derniers murmures. Vague tendre qui lèche les plaies d'une terre usée.

 

Et nos paroles s'appellent. Nous, nous nous taisons. Pour ne rien déranger. Ni le ciel, ni la terre. Nous restons en bordure de nos blessures anciennes. Juste en bordure. Comme l'écume, comme le souffle de l'écume qui souligne d'un trait tremblant la fêlure des rencontres.
Nous sommes dans un espace qui n'existe pas. Qui n'a pas de nom. Pas de lieu. A peine un mouvement lent et silencieux, qu'il faut porter plus loin. Ailleurs.
Esquisse d'un pas de danse, sur le fil tendu de l'horizon. Lointain.

 

Car nos paroles se reconnaissent mieux que nous-même. Elles se sont mutuellement désignées. Et elles nous ont oublié. Délaissé. Dans nos lointains. Nos absences. 
Sans doute est-ce cela, l'exil. Les mots font la ronde autour de nous et nous laissent là, au centre d'un cercle. A chacun son centre, à chacun son cercle.

 

Pourtant ses mots souvent me touchent à l'endroit fragile. Car elle dessine les contours d'un plus loin. D'un possible. Avec ce goût de sel et d'embruns. Elle trace l'horizon d'un silence rectiligne pour accueillir le soleil à l'orient de nos vies. Des mots ciselés, découpés dans ses champs de solitudes. Des mots précis posés au fil à plomb. Cherchant la verticale absolue, le point d'équilibre entre la nuit et le jour. Alors, elle les pose, là, avec dans le geste cette sorte d'assurance scrupuleuse. Ce raffinement discret. Terriblement puissante et vulnérable. Comme ces dentellières qui découpent la lumière autour des contre jours, juste dans la transparence d’une rêverie. Seulement un peu de blanc autour de grands silences.
Simplement un peu d’écume pour dire la solitude des océans.
Terriblement puissante et vulnérable. Comme si elle plantait un arbre encore chétif, mais tremblant de promesses.

 

Alors j'habite ses silences, acceptant le balancement de la houle. J'étire au plus large mon rivage, attendant chaque vague, absorbant la moindre écume. Espérant les plus petits coquillages. La vague sur le sable dessine. La vague sur le sable brode. Respire. Elle invente le temps dans son essoufflement. Et l'amour dans sa constance. Et la foi dans sa patience Et la vague sur le sable écrit. A l'encre bleue des abîmes marins, avec les restes de tempêtes et les fracas obscurs des naufrages. Elle écrit. Solitaire et multiple.

 

Car il s’agit de n’appartenir à aucune histoire. Nous sommes désormais dans l’incessant va et vient de la parole, dans l’incessant renouvellement, inventant la parole océan. Fixe et mouvante. Ici et ailleurs. L’incessante parole interrompue et ininterrompue.
Fixe et mouvante, ici et ailleurs. Désespérés et enfin joyeux.

 

Franck.

23 mars 2008

Rebours....

La parole qui se déploie est à rebours.
Et ce retour répare l'avenir, desserre l'étreinte du temps.

Franck.

23 mars 2008

Les grands cerisiers.....

Aimer c'est graver le marbre. C'est inscrire sous la peau une histoire définitive. Aimer échappe à l'oubli. Longtemps après l'amour, l'histoire se raconte encore. Même transformée, l'histoire se raconte. Et ce n'est pas de la mémoire, c'est seulement l'amour qui fini de se consumer. Même passé l'amour se vit au présent. C'est pour cela qu'il n'y a pas d'oubli, pas de rémission. Et que l'on se sent perdu et sauvé dans le même instant, toujours renouvelé. Recommencer, c'est seulement continuer, c'est raviver, c'est souffler sur les flammes. Même nouveau, c'est toujours une vieille histoire. C'est remonter la flamme jusqu'à la première étincelle. Remonter le feu. Le premier feu. La première mort. Et jusqu'à la dernière.
Aimer, c'est accepter de ne jamais dire adieu. Même après la fin, même après la haine. Surtout après la haine. C'est le retour sur la scène du crime. Et contempler notre propre cadavre. Aimer c'est dérober des indices au passé pour mystifier l'avenir. Et échouer dans cette opération secrète, alchimique, magique.
Il n'y a qu'un visage en nous. Un visage qui se moque de nos dérisoires tentatives, de nos pathétiques tentations.

 

 

Tes mots me touchent comme s'ils avaient des poings. Des poings qui s'abattraient à toute volée à l'endroit de ma face, sur le nez par exemple. Je lis tes lettres et ça fait comme des brûlures. Je lis et ça fait des cicatrices, comme une lame d'acier dans le vermillon de la vie.
Tes mots me touchent comme s'ils avaient des mains. Des mains douces. Des mains qui se poseraient sur ma peau cornée et usée, à l'endroit du cœur. A l'endroit des battements. Je lis tes lettres et cela fait des caresses. Je lis et cela fait comme un souffle, comme une eau transpercée de lumière.

Il y a surtout cet enroulement du temps, du mouvement à rebours. Cette remontée des saisons. Et cette tension de l'âme à vouloir décrypter la première inscription du marbre. Vouloir lire le nom qui est gravé dessus. Celui qui nous nomme et qui n'est pas le nôtre.

Dis-moi encore les terreurs de l'amour
Dis-moi encore les envoûtements de ta vie.
Apprends-moi les ténèbres, moi qui me crois voyant
Dis-moi encore tes secrets d'amour.
Dis-moi encore les magies de ta vie.
Apprends-moi le ciel, moi qui ne fais que le traverser d'un pas agité et inquiet.
Chante pour moi. Hurle pour moi.
Danse pour moi. Chiffonne-toi pour moi.
Ris pour moi. Pleur pour moi. Pour moi seul.
Raconte-moi l'amour de dieu et des hommes. Dis-moi leurs chairs et leur sang.

 

Le visage de l'autre est porteur de notre ombre. Et on ne le sait pas. Même si on le sait. On ne veut pas le savoir. Et nos caresses se souviennent du premier crime. A cause d'un désir pris dans le marbre. L'autre de l'amour nous désigne.

Dis-moi l'enfer qui vrille ta mémoire.
Dis-moi ton délire lancinant et mortel.
Dis-moi tes os et leurs cendres et leur haine.
Dis-moi tes cuisses ouvertes et les tritons que tu recèles.

 

 

L'amour nous dit en creux, comme la haine d'ailleurs. On hait d'autant plus, que l'autre nous ressemble. Parce qu'on suppose qu'il sait. Il est au cœur de notre misérable secret. Et la haine est bien un désespoir, un apitoiement sur ses propres ruines. Toute haine touche à notre vérité, tout amour à notre illusion. Et vivre, c'est marcher de l'une à l'autre, jusqu'à ce que le fil qui les joint se brise. Par trop de vérité, ou par trop d'illusions.

Dis-moi l'éternité qui porte tes offrandes.
Dis-moi ton âme murmurante et fragile.
Dis-moi ton corps et sa flamme et sa piété.
Dis-moi tes cuisses souples et ces coquillages que tu protèges.
Dis-moi toutes ses choses.
Dis-le moi, mille et une nuits, et quelques siècles de plus.

 

 

Le Fleuve. Les rives changes et pourtant c'est le même fleuve. C'est le même élan. Jusqu'à la fin. C'est le même livre qu'on relit.

Dis-moi le marbre froid de ton cou.
Dis-moi les vipères de tes seins.
Dis-moi ton ventre et son abîme.
Dis-moi tes râles, tes pertes blanches, tes indécences, tes violences

 

 

Nous n'avons de cesse que d'aller profaner nos tombes. Pour s'assurer de quoi, au fond ? Chercher la vie au bord de ce qui a nie ? Il n'en demeure pas moins que nous avons cette passion des os décharnés, des os blanchis, des terres noires. Pour renforcer notre résistance.

Dis-moi la douceur de ton cou.
Dis-moi la forme et la pâleur de tes seins.
Dis-moi ton ventre et son velours.
Dis-moi tes soupirs, tes abandons, tes pudeurs, tes outrages.

 

 

Étreinte des contraires. Désenchantement des non-sens. Décidément il n'y a pas d'adieux possibles.

Dis-moi tes litanies comme un poison à mes lèvres.
Dis-moi ta danse quand elle est sacrilège.
Dis-moi le ricanement quand tu plaisantes de moi.
Dis-moi tes conjurations quand je suis trop près de toi.
Dis-moi tes cauchemars et tes arcanes.
Dis-moi la bile de ton sang.

 

 

Les poésies sont des feuilles qui tombent arrachées par l'hiver. Leur mort annonce le renouveau. Recommencer, c'est seulement continuer, c'est raviver, c'est souffler sur les flammes. Même nouveau, c'est toujours une vieille histoire. C'est remonter la flamme jusqu'à la première étincelle.

Dis-moi ton chant quand tu le donnes à mes lèvres.
Dis-moi ta danse quand tes voiles se défont.
Dis-moi ton rire quand tu te dérobes.
Dis-moi ta prière quand je dors près de toi.
Dis-moi tes rêves et tes mystères.
Dis-moi tes larmes, dis-moi ta joie.

 

 

Aucune violence n'entame la mélancolie. Elle est la bougie sur le bord de la table. Elle éclaire nos passions, nos écrits. Elle a été témoin du crime. Alors elle peu bien nous accompagner. Même en silence. Aimer c'est accepter de ne jamais dire adieu. Les aux revoirs sont les ricanements du destin. Le bégaiement du temps.
Ainsi la haine comme un pitoyable aveu.
Et la violence un piètre abandon.

J'aime tes affronts quand ils disent : vas-t-en.
J'aime ton cri qui arrache les miens.
J'aime ton bec quand il déchire mon nom.
J'aime tes crocs qui serrent mes paupières
J'aime tes mots quand ils disent : je t'aime.
J'aime ta voix quand elle s'offre à ma voix.
J'aime ta bouche qui appelle mon nom.
J'aime ta langue sur le bord de mes yeux.

 

 

Et c'est un désastre. De notre cage, nos mots, nos chants s'échappent pour rejoindre le bruit du monde. Chacun dans sa cage. Cacophonie.
Le désir brûle, car derrière ses apprêts il veut notre propre mort et il sait toujours le chemin le plus sûr. Il nous distrait pendant qu'il avance ses pions.
Même passé l'amour se vit au présent. Ainsi la haine.
Ainsi la haine comme un pitoyable aveu.

Dis-moi l'incendie qui dévaste ta langue.
Dis-moi la substance qui écorche tes veines.
Dis-moi les cyclones qui brassent ainsi ta chair.
Dis-moi le feu qui brûle ton esprit.
Dis-moi l'étoile qui coule dans tes veines.
Dis-moi tes tempêtes de chair.

 

 

Alors, Toi la prochaine, tu n'est pas la suivante, tu es encore la première. Tu es la seule, puisque le désastre doit s'accomplir. Et que tu as la forme de l'ombre qui m'anéantira.
Alors dis-moi surtout la paix et le recueillement et l'abondance dans le renoncement.

Dis-moi la sagesse des sables et comment on dénude son cœur pour marcher sans impatience vers un point d'eau perdu au fin fond du désert. Dis-moi les paysages de neige, les lumières d'un hiver, et le givre comme un gant de dentelle sur les ramures déshabillées des grands cerisiers.

Franck.

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16 mars 2008

Vérité....

La vérité nous blesse. Et c’est là son mérite.
Ce qui me console c’est de n’être indemne de rien.

Franck

16 mars 2008

De grandes flaques.....

On ne guérit pas de la disgrâce. Car c’est la maladie de la séparation, du désaccord. L’impossible retour à l’intérieur de son corps. Il y a dans la disgrâce l’irréparable détachement des temps, l’irréconciliable mouvement des chairs. Et la disgrâce tue l’attente plus sûrement que l’exil. Quelque chose nous quitte. Quelque chose de nous ne veut plus nous. Il y a en soi des flaques d’absence, de grands marais aux boues sombres et odorantes. La disgrâce est le mal qui atteint le silence au cœur de ses vibrations, au cœur de ses consonances. A la place irrémédiable immobilité. Vacuité le l’oubli. L’inespéré est l’ordre des choses. Ainsi le fil des jours. Ainsi la mort inatteignable. Un rendez-vous toujours manqué. Trop tard. C’est le nom de la disgrâce.

Franck.

15 mars 2008

La disgrâce.....

Il y a seulement des temps d’abandon où un poids immense pèse sur chaque heure, où l’on sent qu’elles ont un mal fou a finir, où le sans fin ressemble à une nuit immobile.
Dans la paume de ma main, je regarde l’agonie des saisons.
L’œil se fixe, effaré, pris dans l’épaisseur d’une ombre menaçante. Se taire n’est plus consentir au silence, se taire c’est mordre dans l’obscur, c’est mordre dans le gras de la mort.
Il y a seulement ces temps d’abandon où un poids immense pèse sur chaque heure et l’homme en nous qui fait porter tout le poids à l’enfant, tout le poids du renoncement, des défaites. Cet homme vain qui n’en fini pas de tuer l’enfant.

Dans la paume de ma main je regarde l’agonie de l’enfance dans les ronciers du temps, et les restes d’un désir ravagé. La disgrâce est une chanson douce, la dernière aventure, le dernier pont à franchir. Décollement des chairs de l’enfance. La fin procède toujours avec méthode, comme si l’ordre était sa seule réponse. Comme si la défaite méritait cette organisation, cette certitude. Le sacre du chaos est bien cette discipline des fatalités. La lumière n’est qu’un accident des ténèbres, un imprévu, presque un contre temps. Une erreur. Une divagation des dieux.
Le lieu monde est une nuit lourde, immobile. Lente.
Et l’enfant s’ébranle et succombe de l’exubérance du noir. Et l’enfant n’en fini pas de téter les mamelles d’une nuit sans fin. L’attente a défait un à un ses rêves, et jusqu’à oublier les raisons même de l’attente.
Et l’attente c’est oubliée elle-même. Et l’attente est bien la chose qui meurt en dernier.
Ce qui souffle dans le dernier souffle, c’est l’extase de l’attente inaccomplie à jamais.
Dans la paume de ma main, je regarde l’agonie des saisons.
La disgrâce est une chanson douce, la dernière aventure, le dernier pont à franchir.
La disgrâce c’est la chanson douce du désastre.
Franck.

9 mars 2008

Les inconnus....

L'amour échappait à nos mots. Seuls quelques gestes l'éclairaient. Il nous fallait cette ignorance de nous-même. Comme si les mots pouvaient chasser la présence. Il fallait n'en rien dire. Délimiter un espace inattaquable. Peut-être pour se préserver de l'incommensurable banalité.  Entretenir l'incroyable. Comme au début lorsque je la voyais traverser une pièce et que j'avais cette sensation que le réel tremblait, que j'étais entre deux espaces et que de la voir, elle, me demandait d'ajuster mon regard à ce qui le débordait. Une sensation électrique. Fugace. Troublante.

 

Parfois nos visages se rapprochaient. Nous fermions les yeux. Presque à se toucher. Sans se toucher. Sentir la seule présence. Proche. Avec le souffle, la respiration. Parfois elle passait sa main sur mon visage, comme une aveugle qui découvre un inconnu. Doigts légers. Dire l'amour dans ce silence aveugle. Eteindre tous les sens pour concentrer l'unique présence dans cette caresse. Ouvrir les yeux nous aurait annulé, effacé, anéanti.

 

Nous restions dans la pénombre de nos vies, à caresser les galets du temps. Pierres lisses. Ombres aiguës. Temps sans mesure. Temps de houle où les vagues se balancent de vagues en vagues, portées simplement par le mouvement mystérieux qui les enlace.

 

Elle brodait des caresses sur la dentelle de nos songes silencieux. Et nous étions dans l'ignorance sensuelle d'une distance impraticable. Proche, sans se toucher, à la portée d'un désir inavoué. Armés seulement de nos tremblements, pour survivre. Moi, l'Oedipe accomplissant le rêve d'Antigone. Aveugle errant, comme la métaphore d'une humanerie.

 

L'amour bredouille des litanies incompréhensibles, faites du frottement de la parole sur la peau d'un sein, de la coupure des mots à l'endroit du mensonge.

 

Il y avait sur la géométrie de ta peau des angles inconnus, des perspectives lointaines qui crissaient sous ma main, de ces coins d'ombres où je me perdais, de ces sources d'eau brûlantes qui attisaient la soif, la faim, la peur même. Il y avait des parallèles folles et des ellipses féroces. Il y avait sur ta peau toute une géométrie de l'espace et des chiffres que mes doigts devinaient, pénétraient, décryptaient. Toute l'apesanteur et tous les centres de gravité qui se concentraient dans l'atome du souffle. Et il y avait ce vertige des nombres vers l'infini du désir ; plus ou moins l'infini, selon le sens de nos nuits, selon la pente de nos caresses. Et il y avait ce désordre des chairs, ces frottements lents et profonds à la tangente d'un soleil de nuit et de nos ventres affamés. Et il y avait nos disparitions, et nos abstractions pour lesquelles nous mélangions le chiffre de la bête et le nombre d'or. Et il y avait tes soupirs cosinus et ton cri vertical... et ma main sur ta peau, et mes lèvres sur ta peau, et mes rêves sous ta peau. Et tes larmes, aussi. Arithmétique des jours où nous nous tenions à l'écart-type de nos tentations, où nous faisions nos contes d'apocalypse, additionnant la chair à la chair, multipliant les frémissements.
C'était un temps arithmétique insatiable.
Temps qui s'avançait sur l'hyperbole de tes hanches.
Temps exponentiel.
Asymptote souveraine qui guidait nos heures vers le chant.
Mathématique du silence.
Algèbre universelle des équations à deux inconnus.

 

 

 

Nous aimons à travers nos blessures, c'est pour cela que les amants s'échangent leurs sangs, c'est pour cela que l'amour échappe aux mots. L'amour naît toujours d'une nuit d'hiver, dans le dénuement d'une saison morte. De nuit. Toujours de nuit. Et nous aimons toujours au travers d'un souvenir ancien. Et nous aimons toujours comme si nous voulions le retrouver. Comme s'il fallait le retrouver. L'urgence de renouer avec le sacrifice premier, qui nous révèle et nous détruit en même temps. La première nuit. Aimer c'est tenter de la rejoindre, dans l'ignorance de nous même. Et remonter le fleuve de nos générations.

 

Et les corps démentaient nos silences. Et nos corps déniaient nos souffrances.
Recommencer. Recommencer. Pour ne pas mourir. Ou pour mourir plus vite. Epuiser la langueur, fille de nos peurs.
Recommencer à aimer. Encore une fois. La dernière. La seule.
Et l'amour se dérobait à nos regards. Comme à nos mots. Comme à nos vies.
Simples. Ignorants. Et tremblants.
L’algèbre universelle de l’infini, à l’infini des inconnus.

 

Franck.

8 mars 2008

Ta parole.....

Ta parole. C’était une parole ininterrompue et toujours suspendue.
Toujours attendue et toujours dépassée par celle à venir. Dans le mouvement. L’allant.

 

 

 

Ta réalité me venait du mouvement de la mer. Et de l’oubli sans cesse renouvelé.
Ta présence débordait ta réalité, assez pour faire naître une attente toujours neuve.

 

 

 

 

 

 

La parole amoureuse est une parole folle, elle se dit avec les yeux et avec l'horizon. Elle est folle parce qu'elle raconte la nuit, même en plein jour. Surtout en plein jour. Elle est folle parce qu'elle est pauvre, et qu'elle est faite de quelques mots, toujours les mêmes, comme les prières. Et d'un nom, d'un seul nom, comme un seul clou.
Et qu'elle sort froissée par le silence qui la recouvrait, et qu'elle se déploie, comme un pétale dans l'aurore, comme le pas maladroit de l'enfant qui commence à marcher.
Et qu'il faut pour la dire un ciel entier dans la bouche.

 

 

 

Lent redressement du murmure qui cherche son souffle dans un désastre de lumières et d'ombres. En se dépliant dans la voix incendiée, elle se déshabille, impudique et offerte. La parole amoureuse n'est pas belle, puisqu'elle a quitté la terre et qu'elle est insensée, et qu'elle est inaudible. Et qu'elle est sans intelligence puis que c'est la seule parole vraie, jamais dite. Et qu'elle est sang, feu, dévastation, anéantissement.

 

 

 

Et qu'elle n'est pas faite de mots, mais seulement de visage et de chair brûlée, de chair sauvage et désespérée.

 

 

 

La parole amoureuse est faite de l'échange des lumières, au crépuscule et à l'aube car il n'y a pas de temps pour la dire, pas de lieu pour l'entendre, à par les angles. Car elle n'est faite que d'abandon, et d'éternité tissée d'infini. Elle est la peau qui colle aux lèvres. Et elle est la source au milieu des sables, car elle naît au plus profond de notre solitude claire. Elle ne sait que glisser sur la neige sans laisser de trace. Elle ne sait qu'effleurer l'océan. Enlacer les nuages.

 

 

 

La parole amoureuse ne s'écrit pas, elle est la page blanche et la main qui la caresse et la peur qui l'interroge et la larme qui l'inonde. Elle s'invente et meurt dans l'instant où elle se dit, et à sa place il ne reste que le printemps.
Elle est houle insaisissable, où l'espoir à la désespérance se mêle. Lent mouvement du temps et du sang. Lent tremblement des chairs.

 

 

 

La parole amoureuse est une parole vaincue, jubilant de sa propre défaite, précipitant même cette défaite. C'est une parole qui naît hors de nous et qui vient mourir sur nos lèvres dans l'éclat d'un silence offert.
Elle contient le monde depuis son origine, elle en sait la fin. C'est pour cela qu'elle est d'abord renoncement et consentement.

C'est une parole qui n'a pas de force, seulement de la puissance, assez pour couper le réel en son point le plus dur. Personne ne la connaît, elle ne s'apprend pas, mais chacun la sait, puisqu'elle tient à elle seule les fils de notre vie.

La parole amoureuse s'avance à rebours, car elle tourne le dos à tout ce que l'on a vécu, elle revient vers notre enfance la plus pure, la plus désolée, et elle va pieds nus dans la langue comme une gitane ébouriffée. Parole dégagée de la parole. Murmure délacé du murmure. C'est une parole effondrée car il lui a fallut traverser les peaux mortes, les chairs molles, les os cassants et le mur des silences qui la protège de l'indécence, et de l'impudeur. Elle se consume dans le baiser qui la souffle et renaît de son propre désarroi.
Elle ne sait que fleurir, la nuit, au bout des doigts et sur les paupières closes.
C'est une parole qui s'est quittée.
Une parole d'au-delà.
Une parole débordée.
Sans mémoire.
Sans lendemain.
Brisée seulement d'éternité.

 

 

 

Ta parole. C’était une parole ininterrompue et toujours suspendue.
Toujours attendue et toujours dépassée par celle à venir. Dans le mouvement. L’allant.

 

 

 

Ta réalité me venait du mouvement de la mer. Et de l’oubli sans cesse renouvelé.
Ta présence débordait ta réalité, assez pour faire naître une attente toujours neuve. Source généreuse d’une attente toujours fraîche, d’une attente juvénile, d’une attente entachée d’aucune défaite. Le vieux temps n’ayant pas de prise sur le renouveau ininterrompu du don.
Ce qui espère en nous, est l’ombre d’une présence. Les êtres nous arrivent par leur absence et par ce temps de silence qui précède ce frottement des heures du manque.

 

 

 

J’étais l’évadé d’un temps clôt, comme ces îles échappées du temps clôt de l’océan. L’ivresse d’un détachement sans mesure.
Les aveux ne dévoilent jamais la parole, ils dérobent seulement à la nuit la force des aurores.   

 

 

 

Franck.

2 mars 2008

Trébuchement.....

Trébuchement. Et le sursaut pour éviter la chute. Rien du poème n’est prémédité. Quelque soit la constance mise à la table d’écriture, quelque soit la patience, le travail. Rien du poème n’est prémédité. Il y toujours un trébuchement et ce sursaut, cette contorsion de la parole pour éviter la mort. Encore un peu. Juste un peu. La métaphore ouvre sa corole pour récupérer dans sa vasque les mots dans leurs déroutes. Et l’on se croit sauvé. Et l’on se trompe. Mais c’est la seule chose que l’on sait faire. Le poème naît d’un échec.
Au commencement était la perte. Après ce fut le manque. L’attente. Ecrire c’était tenter d’échapper à la perte, au manque, à l’attente, y échapper tout en y revenant toujours. L’écriture est mon seul présent encombré. La possibilité d’une présence à soi-même. Un événement imprévisible. Advenir, là, dans cet instant, qui ne vient jamais.

1 mars 2008

Que deviennent nos cris qui ne sont pas criés ?.....

Nous sommes des revenants. Nos yeux connaissent déjà le paysage sans fin de la mort. Nulle frayeur dans le regard. Seulement une grande lassitude. Le retour est toujours plus éreintant. Le déjà vu épuise le sang. Ce perpétuel retour constitue est la forme la plus aboutie de notre aller simple. C’est pour cela les miroirs. Nous sommes en marche vers un en-deça de nous même. Un déjà vécu sans conséquence. D’ailleurs il ne faut tirer aucune conséquence. Les conséquences sont les pires des illusions, elles tiennent nos heures dans la prison des temps clos.

 

Le difficile c'est l'enfermement dans propre demeure. C'est l'impossibilité d'ouvrir les portes de sa maison. On est à l'intérieur. Et rien ne pénètre. Ni lumière, ni voix. Rien. Et rien ne sort. Les verrous sont tirés. Ni la nuit, ni le jour, rien ne pénètre.
Ne plus écrire. Trop simple.
Tout a été écrit, ça veut dire que rien n'a été dit. Que tout est à formuler. Une autre fois. Jusqu'au bout. Jusqu'à la fin. Psalmodier jusqu'à l'ivresse. Même si c'est inutile. Surtout parce que c'est inutile. La mélopée n'est plus sacrée, elle n'atteint plus les cieux. Les a-t-elle atteint un jour ? Est-ce important ?
Respirer. Faire entrer l'air. Profondément. Sentir l'échange des gaz dans le sang, dilater les poumons. Respirer. Seulement ça.
Ecrire que l'on respire. Ecrire que l'on sent l'air se mélanger, que c'est la seule chose que l'on maintient. Que tout est organique. Qu'il n'y a qu'une chimie. Qu'une organisation de molécule. Un échafaudage de particules. Et que c'est ça qu'on écrit. Jamais rien de plus. Que tout le reste n'est qu'une boursouflure. Qu'une triste illusion.

Il faut repartir du début. Du cri. Reformuler le cri. L'équation du cri. Un cri débarrassé de sa douleur, de sa peur. Un cri pur, net. A l'état brut. Un cri sans chagrin puisqu'il les contient tous. Sans cause. Le cri comme le premier mot. Le seul audible, le seul compréhensible.
L'enfant qui naît sait déjà tout. Il crie. Après il passe sa vie à oublier le cri. Il passe sa vie à oublier qu'il savait. Derrière chaque geste, derrière chaque parole, ce qui compte c'est le cri. Faire entrer l'air dans ses poumons. Déployer le cri. L'épaissir. L'aggraver. Lui redonner sa nécessité. Son immédiateté. Et son acharnement. Appeler le cri. D'abord dans ses poumon, à l'endroit des échanges des molécules, à l'endroit où le dehors devient du dedans. Quand le dehors devient du dedans, il devient un cri. Toujours. On ne le ais pas, parce qu'on a oubliée le moment du naître. Le premier échange des molécules qui devient un cri. La première vérité, sans doute la seule qu'on ne dira jamais. L'originelle affirmation. Car le sourire n'est qu'un cri dévoyé, un cri qui s'est déjà compromis, un cri qui a déjà vendu son âme. Et le rire, n'est qu'un cri prostitué. Une forfaiture. Ecrire la signe.
Que deviennent nos cris qui ne sont pas criés ? Sont-ils musique ou poésie ? Sont-ils torrents ? Bourrasques ? Sources ou plaintes dans les landes de bruyères ? Supplique ? Oraison ?
Que venons-nous, nous qui ne crions pas ? Que pèse notre vie sans cri pour l'alourdir, pour l'enraciner ?

Alors remonter le fil du souffle. Respirer intensément. Sentir le froid de l'air passer dans l'incendie du sang. Et n'écrire que ça, l'effondrement du dehors dans le dedans. L'écrasement des molécules dans les chairs vivantes, respirantes. L'écrasement devenir pulsations, vibrations. Et jusqu'à la convulsion. Psalmodier jusqu'à l'ivresse. Du souffle sur du souffle, et le cri qui se déploie dans une extirpation somptueuse. Du souffle qui frotte sur du souffle. Du sang noir pour du sang rouge, élévation lente, cène sanglante et hurlante. Cérémonie solennelle du cri initial, annonciateur, prédicateur. L'engramme. L'ordalie.

 

C’est après qu’arrive le chant.
Le chant... D'abord la voix. Le texte doit tenir dans sa voix. Tenir en entier. L'œil seul est muet et il n'entend rien au chant. Beethoven est sourd, mais il continue de jouer. L'œil n'est pas suffisant il a besoin de ses doigts pour entendre.

 

Le chant relie la chair au verbe

 

Que le chant... L'exhalaison de la matière du mot. Le dépassement du mot dans sa traversée. Chopin jusqu'à la dissonance. Aller jusqu'au bout de l'audible, juste avant que l'harmonie se casse. Il y a cet instant juste avant la brisure. Dans Chopin, il y a toujours un point d'effondrement, une note par où passe la lumière.

 

C'est l'accident dans la parole qui la révèle.
L'impact.
Le trou juste avant le mot. Juste après.

 

Décider d'écrire dans les trous, dans les manques. Se donner une chance de mourir. Là.
Inventer de l'éternité pas parce que c'est beau. Parce qu'il le faut.

 

L'arbre ne fait pas du beau, il fait de l'arbre. Il fait de la puissance d'arbre. Il est constant dans son désir d'arbre. Il est constant dans sa chair d'arbre.
Il s'efforce. Autour du nœud. Autour de la folie qui durcie sa mémoire. Il invente ses branches dans les saisons à venir. Autour du nœud ligneux. Et il appelle le vent et la tempête. Et il appelle ce qui peut le briser. Ce qui doit le briser. L'arbre écrit.

 

On le sait à cause du chant. Et de ses renaissances perpétuelles. Et la bûche dans le feu dit son poème, raconte sa légende. Les amoureux qui s'y chauffent le savent. Ils entendent, ils écoutent la voix de l'arbre, la chair de l'arbre. Et le feu est l'âme de l'arbre. Et quand le bois craque c'est un silence qui se contracte, c'est le chant de la puissance de l'arbre. C'est la chaleur des étés, c'est les neiges d'hiver, c'est le vol des oiseaux. Et jusqu'aux cendres.

 

Nous sommes des revenants. Nos yeux connaissent déjà le paysage sans fin de la mort. Nulle frayeur dans le regard. Seulement une grande lassitude. Le retour est toujours plus éreintant. Le déjà vu épuise le sang. Ce perpétuel retour constitue est la forme la plus aboutie de notre aller simple. C’est pour cela les miroirs. Nous sommes en marche vers un en-deça de nous même. Un déjà vécu sans conséquence. D’ailleurs il ne faut tirer aucune conséquence. Les
conséquences sont les pires des illusions, elles tiennent nos heures dans la prison des temps clos.

Ecrire efface ma trace. Me retranche de l’avalanche des peurs. Je suis dans un reflet de silence. Ecrire délimite un bord. Une ligne franche, brutale, presque coupante. L’en-deça et l’au-delà. Il y a le bord et il n’y a rien. Plus rien n’existe, pas même le vide. Rien. Des lieux et des temps qui n’ont pas la force d’exister, ou alors qui ne l’on plus.

Les miroirs sont autistes. Et cela afflige leurs voix. Ils ne diront rien des temps de la fin.

 

Franck.

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