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J'irai marcher par-delà les nuages
18 janvier 2009

l'après est fait d'un retour.....

C'est une étrange sensation. C'est venu peu à peu. On marche et le paysage change. Ce n'est pas un changement brutal, c'est la lente infusion du temps. Comme si la végétation s'appauvrissait au fur et à mesure que la marche se déroule. Au départ il y a la luxuriance, le foisonnement du lyrisme, des élans désordonnés. Au début c'est un temps d'abondance. L'exaltation. C'est comme tous les départs. L'agitation. L'effervescence. On est sans fatigue, alors on passe d'un sujet à l'autre, d'un talus de la langue à l'autre. On cueille, et on s'essouffle, et cela n'a pas d'importance. On est plein de soi et de confusion. Et puis on avance de texte en texte. Et le paysage change. Peu à peu. Lentement. Le te deum devient requiem. Ecrire c'est perdre quelque chose à chaque fois. Une perte insignifiante. Une perte malgré tout. Quelque chose de soi se vide, s'écoule. Le temps incise les chairs de la mémoire. Le temps défait le temps. On ne s'en rend pas compte. Le paysage change. C'est une étrange sensation, peu à peu mes textes se sont vidés de moi et pourtant j'y suis plus présent. Moins j'y suis, plus j'y suis. Un autre soi. Un autre geste. Un voyage qui s'enracine dans un mystère épais. Pourtant c'est un dénuement singulier. Cette impression de perte et de désert, cette impression d'immense et de vide, ce roulement lent des saisons. Au fur et à mesure que le paysage s'élargit, l'écriture se resserre, au fur et à mesure que le paysage devient pauvre, l'écriture se simplifie. Peu à peu on entre dans la monotonie des sables. Ce qui était joie, jubilation, se transforme en entêtement. Ce qui était promenade, se transforme en pèlerinage, ce qui était pèlerinage, se transforme en marche errante, et lente, et pesante. Ce qui était la marche vers l'après, devient le long déploiement de l'avant, dans ce brassement des temps qu'est le texte.

Je me souviens des mes premiers pas dans le désert. On monte des dunes en courant, on dévale des dunes, on tombe, on roule, on laisse sa trace éphémère, on monte sur la plus haute colline de sable, et l'on en voit une autre encore plus haute, et une autre, et une autre... alors on court, on s'essouffle.

On s'épuise. On épuise en soi ce trop plein d'énergie vaine. Cette volonté de puissance pitoyable et vaine, et ce lamentable désir de conquête. On s'épuise, et on s'affaisse. On s'écroule.

Alors soudain, on comprend le pas des chameliers, on comprend la constance d'un pas glissant et lent. D'un pas économe. Alors on revient sur ses pas, encore haletant de la course sur les dunes, on revient à pas compté, à pas mesuré sur les traces laissées. Et c'est le temps du chamelier, qui est effacement. Qui n'a pas de début, qui n'a pas de fin.

Après l'épuisement ce n'est plus le même désert. Ce n'est plus la même marche. Après l'épuisement des mots, ce ne sont plus les mêmes mots. Après la fin des premiers textes, c'est d'autres textes, mais ce n'est plus la même parole. Il y a une autre langue qui nous vient de cet épuisement, de cette marche continuée. Un retour sur les pas du texte, comme si l'on ravalait sa salive. Et c'est faire pénétrer un désert entier dans chaque mot. Ce retour après l'épuisement c'est la vie retrouvée. Temps des sables et des mots des sables. Des mots pauvres et dénudés.

Le retour lent est chargé de l'immense, l'épuisement porte en lui l'infini.

Il porte un désert.

Et parfois un puits.

Ceux que l'on voit marcher dans le désert ne vont nulle part, ils reviennent, ils reviennent... toujours ils reviennent, et c'est ce qui fait leur étrange beauté.

Et moins ils sont là, plus leur présence est grande.

C'est l'ultime secret du désert.

Ainsi les grands textes qui ne sont qu'enroulement des temps. Retour, et enroulement du silence. Un glissement lent sur le silence d'une parole qui s'épuise. L'effacement et la révélation de la présence.

Franck.

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11 janvier 2009

L'hiver des sillons....

Toujours ce qui fascine c'est ce qui surgit de la béance, comme le sillon de terre qui fleurit. L'imprévisible du texte. Germination énigmatique, ténébreuse, presque clandestine. On est dans cet effort, ce rassemblement. Ecrire le texte du texte est une aventure humaine. Absurde, donc essentielle. La forme produit du sens, le laboureur le sait bien, lui qui s'applique à être droit, constant, tenace. Lui qui sait que la droiture du sillon vaut pour la droiture du cœur. Et ainsi, de sillon en sillon, toujours le même et à chaque fois toujours différent. L'épreuve renouvelée sans cesse. Et la puissance de la récolte tient à ce consentement à l'harmonie de chaque sillon. La perfection du trait. Le goût du pain commence là. Dans ce trait appliqué. Briser la croûte de la terre pour en faire apparaître la mie. Et chaque sillon est l'histoire d'une vie. Et chaque sillon relie deux mondes, celui des vivants et celui des morts. Le labour est une aventure humaine. Le geste est rude, chargé de mesure et de précaution. Le geste est puissant dans l'élan, léger dans sa peine, car il ne faut rien briser. Déchirer la lenteur, sans à-coup. Le champ du texte signifie plus que le champ lui-même, il est récolte et pain. Et la forme du champ appelle la veillée, et les ombres, et le silence du repas partagé. Et le pain a la couleur de la terre. Et la terre a la couleur de mes songes bourrelés de désirs. Et elle porte une croissance qui la dépasse et qui l'anoblit.

Ce champ est beau des moissons qu'il soulèvera. Et le texte tient debout par un sens qu'il ignore. Le texte brille de ce qui n'est pas dit par ses mots, de ce qui est tu, la part de chant inécrivable, et par le mouvement qui jette les phrases comme des grains un jour de semailles.

Et les champs de blé nous émeuvent parce qu'on entend dans leur crissement, l'été, le souffle du laboureur qui a retournée cette terre, qui a cru assez fort à la droiture de ses sillons. Ce qui nous plait dans le balancement des épis c'est ce mouvement qui rappelle le geste de la main du semeur. Ce qui nous émerveille dans l'or du champ c'est le souvenir de cette terre nue et noire, cette terre hachurée, éraflée. Ce qui nous saisi dans le texte, c'est la qualité du silence qu'il tisse avec nous. Comme si l'important n'était jamais vu, jamais prononçable. Un peu de terre sous les mots. Des contre temps, dans le temps des saisons. Ce goût de la mort à chaque printemps, et le vol des papillons en deuil.

L'hiver des sillons au cœur de l'été. C'est l'autre nom du texte. Le seul nom de l'amour.

Franck.

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