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J'irai marcher par-delà les nuages
28 avril 2013

Les deux pays de l'écriture....

Il y a quelque temps j’écrivais la frontière. Ce lieu où l’écriture s’inscrit. Cet espace tranchant sans épaisseur. Limite ou passage. Lieu des métamorphoses, d’espace et de temps, d’abandon et d’espoir.
Il faut revenir sur le nom des deux pays séparés par cette frontière d’écrire. L’un s’appelle la bonté, l’autre la haine. Si j’étais théoricien, je les aurais nommé le bien et le mal. Je ne suis pas théoricien, j’expérimente, je laisse monter dans le sang la profusion du silence et je tente de saisir au vol l’oiseau prêt à s’envoler. Dans la lenteur, j’approche mains tendues de l’oiseau qui picore, toujours plus près, l’écriture vient de cette approche, lente et silencieuse, de cette attente, de cette patience, dans l’oubli de tout, dans une tension insensée, jusqu’à l’envol qui signe l’impossibilité de toute capture, qui nous dévaste, qui nous laisse les mains vides, défait, dépeuplé.
Alors j’appelle ces deux pays, la bonté et la haine. L’écriture surgit du probable envahissement d’un pays par l’autre. Nous savons qu’il n’y a pas d’écriture sans la présence de l’un et de l’autre. L’écriture de la seule bonté n’est qu’un corps mou, fait de complaisance, la pure bonté est inaudible, en tant que telle, elle ne dit rien, n’arrache rien, ne promet rien. Il n’existe pas plus d’écriture le la haine, les mots s’y dérobent, et la langue se défait, la rage ne dit pas la rage, elle ne fait que se dévorer elle-même.
Il y a deux pays, l’un s’appelle la bonté, et l’autre la haine. Entre les deux, l’écriture qui se nourrit des deux. La frontière n’est pas un lieu neutre, il est la confrontation. Ecrire c’est accepter cette guerre dont on connait jamais l’issue. La seule bonté ne nous sauve pas, la seule haine ne nous apaise pas. Ecrire c’est accueillir l’une et l’autre en même temps. Le texte nait d’une violence absolue qui porte en elle une rémission non moins absolue. Ce qui nous guide vers l’écriture n’ai jamais aussi clair que nous voulons le dire, il y a des forces obscures qui nous traversent, mais il y a toujours au cœur de la nuit la plus sombre la possibilité d’une aurore. Ce qui tient l’écriture c’est la lutte intérieure entre ce qui nous détruit, et ce qui nous pardonne. La seule miséricorde s’étouffe au fond de la nuit d’un couvent, et nos crimes sont impuissants, sans force, pour maintenir au plus haut le poème.
Sans doute que la beauté de l’œuvre  n’est qu’une tentative de réconciliation, toujours renouvelée,  de nos puissances de destructions, confrontés à notre générosité la plus nue.
Ce qui nous fascine dans l’écriture, ce qui nous y ramène, c’est l’inextricable. C’est la présence vivante, en nous, de deux passions mortelles, inséparables. Inévitables.
Ecrire ne nous sauve, ni de l’une, ni de l’autre.
La frontière ne nous protège pas, elle dit seulement la limite entre deux pays, leurs fragilités, et la nécessité de vivre à l’endroit le plus dangereux de nous-même.  

Je suis un fantôme qui avance sur les décombres d’un royaume d’ombres, j’ai dans le cœur un abîme qui bruisse.... je vais sur un fil, guidé par des chuchotements jaillis du silence.

 

Franck

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21 avril 2013

Danse....

Avant la parole il y a la danse. Au bout de l’écriture il y a la danse. De la danse, à la danse. Entre les deux, la chute dans le verbe. Ecrire c’est épuiser l’immobilité. Lentement. Après l’épuisement le corps peut se met en mouvement. La langue du corps tente un au-delà des mots, ceux-ci  ont toujours raté leur cible. Au bout du silence il y a la danse. La vie renaît d’un mouvement inapproprié, mais vital, qui poursuit une parole mourante qui s’efforce dans le silence. La danse parle lorsqu’il n’y a plus de mot. Elle est la dérision de la langue. Sa survie. Sa trace. Sa trace intraduisible.
Avant l’amour il y a la danse. Après l’amour il y a l’écriture, et son écroulement. L’immobilité de la langue, le rêve et son mouvement impossible. Après l’écriture….

Franck

19 avril 2013

Cartographier....

Texte après texte je tente de cartographier un pays inconnu, inconnaissable sans doute. J’en sais la vacuité, mais en ressent l’impérieuse nécessité. Cartographier c’est dessiner des lieux. Des lieux exacts, des lieux réels. Tracer des séparations là où il n’y avait que du blanc, que des terra incognita. Délimiter. Tracer des routes, des chemins, des possibles. Nommer, surtout. Donner des noms. Un lieu qui n’a pas de nom, n’existe pas, ou bien il n’est qu’un rêve. Nommer c’est faire sortir du néant. Sur la carte on place des signes, des symboles qu’on arrache au néant. Dans un coin de la carte on fait un petit rectangle, on l’appelle « légende ». Tout tient dans ce mot : légende. On ne peut pas lire une carte sans la légende. Cartographier c’est écrire une légende. Traduire, l’impénétrable. Dire du sens, créer un lien, donner une forme au rêve. C’est inscrire le temps dans l’espace. Raconter.

Texte après texte je tente de cartographier un pays de légende, je dessine les plaines, les mers, les déserts, les fleuves, les îles, je trace avec précaution

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les frontière, les passages, j’indique les puits et les labyrinthes de la langue, j’inscris l’illimité dans l’infime du signe.

 Au départ il a fallu arpenter la mémoire, puis aller au-delà de la mémoire, placer des jalons sur les lieux archaïques, sur les restes, les ruines, il a fallu
marcher, errer dans ses joies et ses douleurs, recueillir un à un les mots de la légende comme autant de trésors cachée.
Arpenter se fait avec une chaîne d’arpenteur. Là, c’est le mot chaîne qui est important, la chaîne, c’est ce qui tient deux choses solidement, les rendant inséparables, le réel et l’irréel, l’espace et le temps, la vie et la mort.

Lorsqu’on arpente, on est toujours dans un au-delà, on est toujours dans le lieu d’après, alourdi de tous les lieux déjà traversés. Car il faudra  enfanter le langage oublié de la légende. Comme si les mots étaient des enfants perdus. La chaîne est là qui tient la parole et l’empêche de s’effondrer.
Arpenter c’est charger un navire et tracer un horizon, c’est dessiner les lignes du temps, là où elles se égarent dans les méandres des souvenirs, c’est espérer ne plus s’oublier dans les angles du renoncement, de la fatigue. Arpenter, c’est écrire un lieu où la nuit aurait désertée les jours, mais dont l’ombre serait encore là, toujours menaçante, fascinante, comme l’ultime tentation.

Après, il y a la carte. Où l’on reporte chaque mot, chaque signe. On écrit la légende.

Dans chaque carte il y a l’appel d’une autre carte à venir, chaque légende appelle une autre légende, le connu appelle toujours la menace d’un inconnu. C’est souvent cette menace qui nous sauve. Puisque les cartes sont sans fin. Les cartes nous disent toujours celles qui manquent.
Les légendes ne disent pas tout.

Les terra incognita, sont des terres voilée, sous le blanc demeure la nuit, cartographier c’est entrer peu à peu dans la nuit. C’est la faire entrer dans la légende. Dévoiler une nuit, c’est en dire une autre plus profonde encore.
La nuit est immobile, c’est ce qui permet au rêve de se déployer, le songe est le seul mouvement qui s’oppose à la fatalité des jours. Ce qui nous relie à la carte c’est le rêve.

Le voyageur n’utilise jamais de cartes. Les cartes, sont des rouleaux de papier donnés à une humanité lointaine, indifférente. Parfois inquiète. Les cartes sont toujours inutiles, vaines, pourtant nécessaires.

Les légendes sont entre la vie et la mort. Elles sont à la frontière. Elles ont déjà le langage de la mort. C’est cela qui nous attire dans les contes. Comme si entre le déjà mort et le encore vivant il n’y avait que l’épaisseur d’une ombre, et que là se tiendrait la légende, dans cette langue qui va vers la nuit, et qui peut-être, s’y trouverait déjà.

Cartographier c’est refaire un voyage silencieusement, et en accepter la métamorphose. Les signes que l’on inscrit sont toujours illisibles, c’est pourquoi on les raconte sans cesse, comme les légendes. Comme si rien n’avait vraiment existé. Comme si le sens n’avait pas d’importance. Comme si rien n’avait vraiment d’importance. Hormis la patience à transcrire le long silence languissant qui accompagne les légendes.

 

Franck.

14 avril 2013

La langue du lait.....

Ecrire nous vient d’un premier langage et d’une première voix. Une voix insensée. Une folie de langage.
Il faut imaginer la scène. Il faut s’en souvenir surtout. Il y a la mère, il y a le nouveau-né. Il faut imaginer qu’il n’y a rien d’autre autour. Il n’y a jamais rien, ni personne autour, lorsque la mère tend le sein à l’enfant. Lui il est blotti contre la chair de sa mère. La mère saisi son sein pour le guider vers la bouche de l’enfant. Les chairs se joignent. Au départ il faut imaginer le silence, la pénombre. Et ce geste ancestral. Il faut se souvenir des yeux de la mère, de la lenteur de ses gestes, de l’infinie douceur. Elle penche la tête vers l’enfant. Lui il est abandonné dans un vaisseau de chair, un bras de tendresse le soutien, sa bouche de désir est remplie de la chair blanche du sein. Il mange cette blancheur, cette douceur, cette tendresse. Il sent dans sa gorge la chaleur d’un lait éblouissant, inépuisable. Il ferme les yeux. Il se laisse envahir, inonder, submerger. Là, tout est suspendu dans un temps étrange, impossible.
Il faut se souvenir des yeux de la mère, de la lenteur de ses gestes, de l’infinie douceur, elle semble être dans l’effarement d’un geste sacré, par instinct

allaitement

elle retrouve la pose et la lumière des piéta anciennes. La mère presse sa chair pour l’offrir, presse son sang pour s’oublier, elle est dans cette folie somptueuse des mères aimantes, elle est aux confins d’elle-même, morte et brûlante à la fois, c’est à ce moment-là, à ce moment précis, dans cet instant perdu, égaré, qu’elle commence à parler à l’enfant. Elle parle une langue inconnue, une langue incompréhensible, c’est la voix de l’amour pur. Des mots égarés dans le souffle, des mots inventés, des mots presque silencieux. Une langue blanchie par l’amour et le don. Langue de chair. Chair blanche contre langue blanche. La mère est là dans l’ivresse, et l’abondance, elle parle une langue venue de la mémoire des mères, une langue jamais apprise et pourtant toujours remémorée, c’est une langue de chair et de sang, une langue blanchie par l’amour et la patience, c’est la langue du lait.
C’est la première langue que nous entendons, c’est la plus vraie puisqu’elle nous nourrit, c’est la plus vraie puisque nous la comprenons dans l’instant où nous l’entendons. Elle n’est qu’un murmure, qu’un simple souffle à peine audible, elle est pourtant tout l’univers lorsqu’elle nous parvient.

Après nous grandissons, après nous l’oublions. Grandir, d’ailleurs, c’est l’oublier.
Alors on écrit pour célébrer cette mémoire déffayante.
Ecrire c’est tendre l’oreille au passé, c’est se souvenir, de ce souffle sur le souffle, de cette chair sur la chair, de ce blanc sur le blanc. Ecrire c’est retrouver cette enfance éperdue, et cette langue blanchie par l’amour, cette langue offerte avec la première nourriture.
C’est pour cela qu’écrire nous vient d’une faim, d’un manque effréné, et comblé par la langue et les mots. Ecrire c’est retourner, à ce premier sang, à ce premier murmure, à ces premiers silences, à cette première folie.
Lorsque nous écrivons, c’est la trace de la voix de nos mères qui vient fasciner nos mots, la cadence du poème n’est que le bercement ancien d’une mère, la lumière des mots n’est que l’éclat brûlant d’un amour incendié, blanchi, révolu…

 

Franck

7 avril 2013

Déluge.....

Il y a toujours eu la mer, et le mouvement, et le souffle, et le regard qui s’abîme. Dans la contemplation des flots il y a le souvenir d’un déluge, d’un engloutissement, d’une catastrophe incommensurable.
La mer nous menace toujours d’un trop long silence, d’une trop longue absence, et d’une mémoire tragique.
Quand elle monte ses marées, quand elle revient vers nous, c’est pour nous désigner, c’est nos plaintes qu’on entend, dans les vagues qui meurent à nos pieds, elles redisent sans cesse le châtiment toujours possible, et que les dieux ne sont pas indulgents.
Puis, lorsque la mer reflux, elle emporte avec elle nos lambeaux de vie défaite. Nos paroles s’ensevelissent, nos rêves se décomposent, il nous reste alors l’oubli comme seule  innocence, et l’ennui comme seule liturgie. Avec le reflux revient la nuit.

Nous n’écrivons jamais nos pensées, il y a si peu d’idées, si peu de pensées… nous écrivons nos peurs, et cette mémoire, et ce déluge d’avant.
Ecrire c’est faire pénitence d’un drame crépusculaire qui nous a précédé, et dont nous ne savons rien.
Ecrire c’est entendre l’océan traverser nos âmes, et unir un cri au lent mouvement des flots qui agitent nos chairs inquiètes.
La mémoire de l’écrire nous menace toujours d’un trop long silence, d’une trop longue absence, et d’un déluge, d’un engloutissement, d’une catastrophe incommensurable.
Ecrire, c’est dire l’exil qui nous guette, et les tempêtes, et les vagues, et les cieux qui s’y noient…..

 

Franck

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1 avril 2013

La Voix....

Il y a une voix qui vit dans écrire, on reconnait écrire à cette voix singulière, étrange. Lorsque nous lisons nous entendons parfois cette voix. Elle n’a rien à voir avec l’oralité. C’est une voix. Elle semble sortir d’un feu obscur, d’un feu sans âge. Ecrire c’est faire parler cette voix en nous, ou par nous, sans savoir si elle nous appartient, ou si elle vient d’un ailleurs mystérieux. Elle semble précéder le texte, sans jamais être tout à fait le texte. C’est dans cet à peu près, que la stridence se fait…alors le poème peut naître…
Au moment de l’écrire, c’est elle qu’on appelle dans le dédale des souvenirs, des mots, des sonorités. Elle habite en nous, comme la trace d’un passé lointain, comme le témoignage d’une humanité révolue, ou d’une autre à venir….La voix en nous qui se fraye un souffle dans le chant du texte, nous inscrit dans l’ordre des générations, c’est l’humanité entière condensé dans un murmure immémorial.
Toutes les scansions, les ruptures, les silences, tout ce qui ponctue, tout ce qui fait rythme, et couleur, n’est que la danse rituelle pour inviter la voix …. Dans écrire il y a le partage d’un feu et d’une peur, et d’un chant pour apaiser la peur… dans écrire il y une offrande….
Avant le livre, avant l’écrire, d’où venait la voix ? où se cachait-elle ? Ecrire c’est retrouver le chant du monde, la première grotte, le premier feu, les premiers tremblements, les premières prières…
La voix qui parle en nous ne nous appartient pas, elle nous traverse, et nous devons la faire passer, la transmettre, comme un feu sacré…
Elle ne dit rien, que la mémoire des siècles….
Elle ne dit rien, que mon dénuement et mon déchirement…

 

Franck

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