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J'irai marcher par-delà les nuages
23 mai 2013

Il n'y a plus de lieu.....

L’écriture est l’autre nom de la mort.
Vivre c’est se savoir mourant, écrire c’est l’être déjà.
Je relis mes derniers textes, avec une sensation d’accablement. Ecrire sur écrire. Comme une mise en abime dérisoire. Vaine. Le signe, comme s’il en fallait un supplémentaire, qu’il n’y a plus de lieu d’écriture. Comme si j’accompagnais un mouvement de déclin, qui dépasse ma personne, et mon geste, ne faisant de moi, que le symptôme d’un temps défait, d’une époque où le livre a fini d’épuiser la langue.
Nous sommes d’un temps de bruit, où la nuit n’est jamais vraiment la nuit, nous sommes d’un temps de vacarme fracassé d’images, comme si l’envahissement des sens défaisait notre humanité, nous sommes d’un temps sans peur, pris dans l’ivresse des jours, nous sommes d’un temps sans épaisseur, nous sommes d’un monde éviscéré, comme curé, vidé, de sa substance.
Nous venons d’un temps où les mots, la langue, racontaient l’excellence et la singularité d’une humanité. Dans la langue s’exprimait la lumière de chacun, les livres étaient objets de culte mémoriel, et sacré, ils portaient en eux la voix des siècles passés et à venir….
En perdant les lieux, nous perdons le regard, en perdant le regard, nous perdons la voix, en perdant la voix, nous perdons la grâce… Ecrire ne peut dire que la défaite d’écrire, sous peine de complicité. Ecrire, n’apparait que dans une sorte de renoncement, dans un refus orgueilleux, solitaire et vaincu.
Chacun de nos sens est submergé, saturé.
Les voix sont désormais muettes à force de n’être plus silencieuses.
Le livre ne dit plus nos destins singuliers, mais la vague ininterrompue et monstrueuse des faits divers indécents.
Un univers envahi d’histoires, ou raconter n’a plus de sens, comme si le roman, dans sa profusion, était condamné à ne plus rien signifier, déserté qu’il est, par les voix, devenues inaudibles….Les personnages… la psychologie…. l’action…. il n’y a plus d’espace, plus de lieu, le cinéma et psychanalyse ont tout dévorés. Quant à l’action ? Plus de destin ne la porte, sinon, l’air du temps, les mouvements erratiques d’une histoire envahissante servie à heures régulières, dans un flot d’images sordides, de bruit, et devenue incompréhensible, inassimilable, jusqu’à l’écœurement.
Et nos indignations successives, multipliées à l’infini, parcellisés, sont encore une façon d’échapper, par de multiples révoltes inabouties, à  la seule qui vaille, et qui donne à l’homme sa face tragique et sa beauté, celle de la mort.

Il n’est plus temps de dire nos détestation ou nos adorations, écrire c’est entrer dans un lieu où rien du monde n’est dit, où le « je » s’effrite comme une ruine des temps passés, où il ne reste que la trame osseuse du désespoir, écrire, c’est éteindre chaque lumière, afin que la nuit revienne, dans l’impossible silence.
Alors, il nous faut accueillir la malédiction, l’épouvante et l’effroi, dans ce qui nous reste de joie. La joie invincible de l’enfant, faite d’éclats de lumière, de l’innocence de la lumière qui ne sait pas qu’elle éclaire, qui brille, parce qu’elle ne sait que briller, comme le feu dans l’instant de la flamme.

Franck

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