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J'irai marcher par-delà les nuages
18 mars 2017

- 5 - Lenteur...

On s’assoit pour retrouver la lenteur des temps. Alors, on respire. On puise au plus profond de l’intérieur du corps. Comme vers un continent neuf qui sortirait des eaux brumeuses. La lenteur appelle l’immobile.
Car seul l’immobile nous rendra la mesure des actes, et tracera les contours de leur gravité. On ne sait les choses importantes que dans ce mouvement de ralentissement. On ne connait les choses essentielles que dans l’immobilisation. La stase.
Le sens ne se révèle que dans l’atrophie du geste, dans l’engourdissement de la course. Dans l’agonie lente de l’impulsion. Alors, on s’assoit, pour mourir un peu plus fort. Un peu plus surement. Un peu plus loin. Avec la lumière qui se dégage de la disparition des fièvres, des grouillements, des effervescences. On ne connait le voyage qu’aux escales, on ne sait dire le désert qu’à l’ombre des oasis.
On s’assoit. On flotte. Lenteur épaisse des heures qui s’écoulent en raclant la blancheur des os. Curetage patient de nos insomnies, de nos attentes, de nos désolements. Ce vertige. La peur qui s’insinue. Temps étrange et singulier de la lenteur, comme si brusquement il devenait important de prendre avec précaution la vie, avec la mort qu’elle traine dans son ombre, et le souffle. Retenue du mouvement. Comme l’on va pieds nus sur les rochers tranchants. Parcimonie, pour échapper à l’écrasement. Puis défroisser le temps qui reste, à cause du temps perdu. Défroisser les souvenirs à cause des oublis. Lisser avec obstination la page écrite de trop de mots, de trop d’espoir, de trop de désirs inassouvis, de trop de manques. Ainsi, chaque instant, un crépuscule.
Il y a dans la lenteur du temps cette chose impalpable qui va vers la transparence. Vers l’éclat. L’étincèlement. Le reste improbable de l’usure. Il y a dans la lenteur un accroissement d’amour. Comme le murmure accroit la puissance de la parole. Il y a dans ce ralentissement une dilatation de l’âme. À cause du poids, de cette distance qui n’en finit plus pour atteindre l’immobilité fulgurante. L’irradiation.
Il y a dans la lenteur un accroissement d’amour, comme cette caravane qui progresse dans les sables. Plus le but approche, plus le pas ralentit. Lent cheminement de l’écorce qui rêve en secret au caillou.
On s’assoit. On laisse monter en soi l’océan vide des regards et des gestes. On élargit les bords du manque. On entre dans son corps, car il est temps d’habiter sa chair et d’ouvrir les bras à l’éternité. On s’assoit, on se laisse traverser par l’éclair d’une solitude grave, brillante. On s’assoit dans cette dévastation du temps inerte. On longe le gouffre de nos peurs. On parcourt encore une fois nos sentiers d’errances. Le souffle se ralentit. Tout est là, puisque rien ne tremble. Tout est là, puisque les premiers mots affleurent.

Franck

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