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J'irai marcher par-delà les nuages
11 mai 2017

- 39 - Un chant introuvable...

Chaque mot est une porte étroite. Un passage dans un labyrinthe de miroirs étranges. Singuliers. Qui nous renvoie des images déformées. L’effrayante face qui rebondit dans une cascade d’images aplaties par les saisons révolues, l’usure. L’usure.
Chaque mot est une scarification, une chair de terre sur un temps de pierre. Sillon d’une parole qui creuse un sol raviné et sec. Chaque mot dissèque un peu plus l’autre côté de la peau, l’envers des gestes, cette part de retrait, l’incertain de la course, son enroulement autour du coquillage de la mémoire. Chaque mot est une porte étroite, un passage, un crépuscule, un glissement. C’est un endroit de chute, le lieu d’une avalanche. Un excès de néant ou de nuit. De nuit, surtout de nuit. Le kyste d’un désir impossible.
Car la parole raconte une autre histoire. Elle n’est que forme vide. Le mot vient boucher un silence mortel. Bâillon des rêves, couvercle insignifiant d’un sens inaccessible. Impudeur. Dénudation dérisoire. Négligeable. Un acte décomposé qui sent le renfermé, le rance. Qui dit la fin dans son premier élan.
Car rien n’est dit, ou si peu.
Car il nous faudra signifier au-delà de nos paroles, dans l’avant du dire, dans l’intention claire, dans le chant inaudible, murmurant, n’être que cantilène, n’être que berceuse.
Je cherche un chant introuvable. Je me perds dans des mélodies obscures. Je cherche la litanie cristalline de la vague, ce refrain qui ouvre droit sur l’aube et l’horizon. Je cherche la trajectoire du verbe, celle qui perce l’ombre, celle qui dénoue les sinuosités du temps, je cherche le mouvement sans détour, sans recoin, sans repli. Je cherche, je me perds infiniment. Mon balancier oscille sur l’abime de mes mers introuvables.
Alors, je cherche à rebours des marées sur un océan désert, comme un radeau empêché, désorienté au large de mes souvenirs. Navigation hasardeuse dans les reflets éblouissants des amours inanimées.

Franck.

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Commentaires
F
Bonjour Iman, difficile de décortiquer une image, on a toujours peur de l’affaiblir, de lui faire perde son mystère ou sa force d’interrogation. J’avais en tête ces peuples, qui marquent leurs visages ou leurs corps de scarifications, qui sont là pour signifier, pour dire, qui ils sont, d’où ils viennent, pour signifier leur place, leur rang, leur être-au-monde, toutes ces choses si importantes quelles nécessitent d’être visibles et douloureuse, d’être immuable et éternelles. Écrire, c’est un peu cela aussi… C’est tenter de laisser une trace sur le visage de la vie, et notre corps est une terre si fragile face au temps si implacable… nous sommes toujours dans des luttes perdues d’avance… néanmoins nous espérons, c’est là que nous retrouvons le mouvement des vagues, ce creusement qui se déploie pour aller un peu plus loin, toujours un peu plus loin… pour former ces grandes marées de l’âme… vague après vague, chacune dépassant l’autre de quelques centimètres, imaginez Iman, la puissance des marées, leur fracas, leur volonté d’aller au-delà, de creusement en creusement, de déferlement en déferlement, de bouillonnement, d’écume, d’embruns, de souffle… une marée c’est toujours l’histoire d’une vie… ce que j’aime à penser, c’est à l’ultime vague, la dernière lorsque les eaux sont hautes, il existe bien cette dernière poussée, cette dernière avancée, et cette avancée semble si fragile, on la reconnaît à peine et pourtant c’est pour elle que les eaux ont déferlées, cette ultime eau dénudée de tout semble avoir tirée un océan entier… l’écriture ressemble peut-être à cette dernière vague, l’ultime signification des scarifications que nous portons à l’âme.<br /> <br /> Franck.
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I
Comment écrire avec des mots limpides qui disent tout avec le peu? Il faut être en manque pour le faire. Un manque criard et translucide. Ce manque n'est autre qu'un malaise, un mal-être si intense, si incompris et profond que les mots paraissent pauvres, livides, sans effet. Il faut souffrir beaucoup pour que ce ressenti blessant et torturant remonte en surface et prend forme. Alors, entre larmes, rages et soupirs (rires aussi) naissent finalement les mots adéquats. Douloureuse gestation. Délivrance d'un moment.<br /> <br /> Sinon, il faut être envahi par un bonheur subite ou foi nouvelle (tt type de foi) qui succède une longue abjuration. C'est comme une oisis dans un désert, une clairière, un mirador. On se sent si rajeuni, rempli de bonté avec l'envie d'aimer et de répandre cet amour lumineux partout. Alors, tout le silence des mots se verse en chant. Douceur exquise. Espoir nouveau.<br /> <br /> Mais, comment écrire si on veut aller par-delà le bien et le mal, par-delà les remords et les plaisirs scélérats, par-delà le dit et le non-dit pour aboutir à l'oeuvre de silence, "l'aube" nouvelle? Vous avez constaté sans doute que la vague se fait par l'élan. Un élan qu'elle retrouve dans la liberté du mouvement dans l'immensité bleue. Sans cela, peut-on vraiment parler d'une mer, d'une vague et toutes les beautés qui en découlent? Qu'est-ce une "mer" barricadée? Une piscine. Et en piscine (espace aquatique artificiel) point de vague. Alors, peut-être que c'est dans la liberté du mouvement( re-née d'une nouvelle foi en l'acte d'écrire) que viendra s'inscrire les premiers mots de rencontre avec cette aube, mots vrais et sincères.<br /> <br /> Au reste, je me suis longtemps arrêtée devant votre expression "Chaque mot est une sacrification, une chair de terre sur un temps de pierre". Est-ce de la chair du texte lui-même(corps) que vous parlez?
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