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J'irai marcher par-delà les nuages
27 mai 2017

- 50 - La pierre...

Je sais que c’est là, maintenant, qu’il faut que je m’arcboute à l’écriture, que j’y applique mon corps tout entier, comme pour soutenir une falaise. Ou la faire sortir de ma poitrine.
Je sais que c’est là, maintenant que commence le temps de la pierre.
Le geste réclame la résistance. La rugosité. Se défaire de l’orgueil, de la prétention.
La pierre dans son silence immobile dicte sa leçon.
Briser le premier élan sur la roche. Puis revenir, plus lentement. Être défait de cet élan du début. Le premier lait tout en promesse, mais qui ne tient pas au corps.
Revenir au geste pur. L’épuiser de ce qui le déborde.
Faire monter dans le ventre, dans la poitrine, chaque mot, un à un, pour les poser sur la pierre pour en éprouver l’audace, le sens, la couleur. Surtout refaire, sans cesse. Sans exaltation.
D’abord trouver sa place dans le mot, au lieu de lui faire jouer un rôle.
Il n’y aura pas de réponse. Il n’y a jamais de réponse. Aurai-je le courage de maintenir la question ? Sans faiblir. Sans dévier. Accueillir la trajectoire nouvelle, le mouvement, que cette tension sans conflit fera naitre.
C’est le temps de la pierre. Je la pose au centre de mon grand champ de neige. Car la forme du texte doit naitre de cette absence de forme. Le mouvement juste sera sa propre fin, son propre accomplissement.
Le sens est une question secondaire. Au mieux, il est un surcroit. Le sens s’oppose aux rythmes, aux couleurs, à toutes les sensualités furtives et surgissantes qu’un geste dénudé d’intention préalable inspire ou provoque. Désarmer les forces pour leur rendre leurs puissances initiales. Préférer l’étonnement à la surprise. Le texte doit être traversé d’une forme simple, pure. Une ligne, un cercle, l’arabesque du vent. Faire son profit du vol des oiseaux ou de la ligne d’horizon. Observer longuement la montagne, l’arbre, la fleur, le printemps. Le texte n’est qu’un échange. Ce n’est pas moi qui évoque l’arbre, mais l’arbre en moi qui parle. J’ai un océan en moi. Sa voix est bien plus intéressante que toutes mes raisons ou déraisons. Si tu veux tracer un cercle, regarde la vague, son mouvement, regarde-la se creuser, se rétracter, regarde-la aspirer l’air pour déployer sa puissance dans ce mouvement d’enroulement. Inspiration, expiration. Respiration du cercle. Ligne pénétrée d’un souffle. L’océan recommence indéfiniment, comme pour parfaire sa nature d’océan.
Il y a dans la constance un défi serein fait à la mort.
Il y a dans l’effacement de soi une renaissance possible.
Il y a dans la prière assez d’abandons pour faire jaillir une source.
Il y a dans l’amour tous les printemps et leurs cerisiers en fleurs.
Il y a dans la solitude une humanité à sauver.
Il y a dans cette pierre la patience d’une étoile et la bonté fervente d’un silence.

Franck.

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