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J'irai marcher par-delà les nuages
10 juin 2017

- 60 - Frontière...

Ainsi, de la frontière. Nous sommes des êtres de frontières. Sur la ligne. Comme l’écriture. Nous sommes sans pays, seulement de passage. Il y aurait deux parts, comme deux pays. Nous n’habiterions ni l’un ni l’autre. Entre les deux, seulement entre les deux. Sans véritable lieu. L’écriture s’accompli sur la ligne, à la jointure. C’est l’extension invisible, invivable, de deux mondes qui s’affrontent. Comme dans les guerres, et l’éternelle menace, avec la tentation d’abolir le trait qui sépare, mais de le creuser toujours plus profond. Sur la ligne se joue la peur séculaire, là où l’on sait que tout peut s’effondrer. C’est pour cela que l’on écrit, pour se délivrer de cette peur, ou pour seulement l’apprivoiser.
Ainsi, de la frontière, car c’est le mot que l’on a inventés, on aurait pu dire : l’écriture, cet entre-deux mondes, ce lieu sans épaisseur de la déchirure, ce lieu vide de la douleur. Un jour on a dit la frontière, puis on l’a tracée. Brulante, définitive, absolue. Alors, on a pu enfin écrire sur cette brulure.
Tout nous sépare depuis le premier jour. Nous venons d’un ventre, d’une tristesse, nous sommes d’un passage étroit, d’un monde que l’on quitte et d’un autre que l’on n’atteindra jamais. C’est pour cela que nous crions, à cause de cette traversée insensée, de cet effroi.
Car le cri sera l’écho du monde.
Tout nous sépare : l’intérieur, l’extérieur, le jour, la nuit, l’avant, l’après. Vivre, c’est tenter d’abolir ces cassures, ces séparations… Aimer, écrire, c’est l’espoir fou d’effacer un cri, ou d’en faire un chant.
Nous ne respirons que dans les passages, dans l’entre-deux. Nous ne vivions qu’à l’approche du crépuscule ou de l’aurore, dans ces temps défaits, dans l’attente des franchissements.
Écrire, c’est être sur la ligne de faille, toujours au bord d’une invocation, toujours sous la menace d’une imprécation. Nous sommes maudits, nous le savons, et nous puisons là toute notre bonté, toute notre joie. Nous sommes maudits, mais l’écrire allume un ciel étoilé.
Écrire invente un langage où il n’y a plus de lieu, où il n’existe que la peur, l’effroi, l’inconcevable, mais d’où jaillissent le feu et la lumière.
Écrire, c’est tracer une peau dans l’entre-deux inhabitable. Ce qui nous sauve, c’est l’oubli… Alors, nous recommençons, toujours naissants… Toujours naissant… Infiniment… Toujours aimant…

Franck.

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