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J'irai marcher par-delà les nuages
18 juin 2017

- 66 - Les deux pays de l'écriture...

Il y a quelque temps, j’écrivais la frontière. Ce lieu où l’écriture s’inscrit. Cet espace tranchant sans épaisseur. Limite ou passage. Lieu des métamorphoses, d’espace, de temps, d’abandon et d’espoir.
Il faut revenir sur les noms des deux pays séparés par cette frontière de l’écriture. L’un s’appelle la bonté, l’autre la fureur. Si j’étais théoricien, je les aurais nommés le bien et le mal. Je ne suis pas théoricien, j’expérimente, je laisse monter dans le sang la profusion du silence, tente de saisir au vol l’oiseau prêt à s’envoler. Dans la lenteur, les mains tendues, j’approche l’oiseau qui picore, toujours plus près. L’écriture vient de cette approche, lente, silencieuse, de cette attente, de cette patience, dans l’oubli de tout, dans une tension insensée, jusqu’à l’envol qui signe l’impossibilité de toute capture, qui nous dévaste, qui nous laisse les mains vides, défait, dépeuplé.
Alors, j’appelle ces deux pays, la bonté et la fureur. L’écriture surgit du probable envahissement d’un pays par l’autre. Nous savons qu’il n’y a pas d’écriture sans la présence de l’un, sans la présence de l’autre. L’écriture de la seule bonté n’est qu’un corps mou, fait de complaisance, la pure bonté reste inaudible, en tant que telle, elle ne dit rien, n’arrache rien, ne promet rien. Il n’existe pas plus d’écriture de la fureur. Les mots s’y dérobent, la langue se défait. La rage ne dit pas la rage, elle ne fait que se dévorer elle-même.
Il y a deux pays : l’un s’appelle la bonté, l’autre la fureur. Entre les deux, l’écriture qui se nourrit des deux. La frontière n’est pas un lieu neutre, il est la confrontation. Écrire, revient à accepter cette guerre dont on ne connait jamais l’issue. La seule bonté ne nous sauve pas, la seule fureur ne nous apaise pas. Écrire, c’est accueillir les deux en même temps. Le texte nait d’une violence absolue qui porte en elle une rémission non moins absolue. Ce qui nous guide vers l’écriture n’est jamais aussi clair que nous voulons le dire, il y a des forces obscures qui nous traversent, mais il existe toujours au cœur de la nuit la plus sombre la possibilité d’une aurore. Ce qui tient l’écriture, c’est la lutte intérieure entre ce qui nous détruit, et ce qui nous pardonne. La seule miséricorde s’étouffe au fond de la nuit d’un couvent, car nos crimes sont impuissants, sans force, pour maintenir au plus haut le poème.
Sans doute que la beauté de l’œuvre n’est qu’une tentative de réconciliation, toujours renouvelée, de nos puissances de destructions, confrontées à notre générosité la plus nue.
Ce qui nous fascine dans l’écriture, ce qui nous y ramène, c’est l’inextricable. C’est la présence vivante, en nous, de deux passions mortelles, inséparables. Inévitables.
Écrire ne nous sauve ni de l’une ni de l’autre.
La frontière ne nous protège pas, elle dit seulement la limite entre deux pays, leurs fragilités et la nécessité de vivre à l’endroit le plus dangereux de nous-mêmes.
Je suis un fantôme qui avance sur les décombres d’un royaume d’ombres. J’ai dans le cœur un abime qui bruisse… Je vais sur un fil, guidé par des chuchotements jaillis du silence.

Franck.

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