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J'irai marcher par-delà les nuages
28 juillet 2017

- 92 - L'Impossible patience amoureuse...

Pour écrire, il faut d’abord entendre une musique. Ce n’est pas vraiment « entendre » et ce n’est pas vraiment « une musique ». C’est une tonalité à l’intérieur. Notre ligne mélodique. C’est sans doute pour cela que nous écrivons toujours la même histoire. Parce que c’est la même musique. Toujours. Les mots sont différents, les situations varient, mais au bout du compte c’est la même histoire. Des étoiles différentes, pourtant c’est le même ciel. Les jours sont méconnaissables, mais c’est le même sang qui les traverse. Avant d’écrire, on est dans la dissonance, on demeure au seuil d’une aube de givre ; après, longtemps après, on ressent une sorte de résonance harmonieuse, quelque chose s’est ordonné. Entre temps, il faut traverser un orage. Ici, il faut ciseler, sculpter, raboter, enlever toutes les excroissances de chair, supprimer le trop-plein de vie. Là, au contraire, on colmate les trous de la langue en ajoutant des mots lumières, des mots cristal pour raviver chaque couleur. Ici, c’est un silence qu’il faut, et là, plutôt un soupir. Trouver le mot inévitable, irréprochable, l’accorder à l’émotion souveraine jusqu’à en être saisi. Ensuite, il faut mâcher la langue avec patience pour en ressentir tout le gout, y déceler les « trop » ou les « trop peu ». C’est en disant à haute voix que ces choses-là s’entendent, les mots dits doivent résonner avec la ligne mélodique de l’âme.
Il y a des jours où c’est un orchestre symphonique, des jours où c’est une simple flute, il y a des jours où c’est un piano virtuose, et d’autres jours où c’est un accordéon éventré. Peu importe : c’est toujours la même musique. Souvent, l’on se trompe, on espère expier au pied d’une rime définitive, ou bien on confond un silence avec l’absence vaine. Souvent, on est de trop dans ses propres mots. Il faudrait les quitter, les abandonner, faire un grand feu. D’autres jours, c’est un espoir rouge qui tisse le fil fragile d’une rêverie miraculeuse. On ne le sait pas assez, il existe en nous des sources magiques à l’eau blanchie par les prières, des sources bordées de fleurs d’oubli, de fleurs savantes. Boire cette eau, c’est blanchir sa voix avec les mots qui la transpercent, c’est marcher au milieu des champs déchirés par une foudre féroce.
Quand tout est fini, quand la parole écrite sonne ou tinte, c’est alors qu’il faut s’y remettre, tout bruler avec ce qui nous reste d’amour en accordant les deux rives du temps, défaire la nuit étoile par étoile, cueillir les seins de la sainte, ou boire aux lèvres de la morte. En fait, on ne trouve jamais : on ne fait que reconnaitre. Un peu comme Toi quand tu es passé devant mes yeux de cendres, je ne T’avais pas trouvé, mais seulement reconnu. Écrire, c’est un peu comme l’impossible patience amoureuse. Un feu sous l’orage.

Franck.

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