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J'irai marcher par-delà les nuages
21 août 2017

- 108 - Une éponge...

Au départ, tout est loin. Le désir tisse des distances, et le rêve les survole. Comme l’oiseau. De haut. Nous ne sommes que des mythes. Des histoires à dormir debout. D’ailleurs, nous dormons la plupart du temps.
Nous ne nous rencontrons jamais. Car si cela se produisait, nous en serions terrifiés. Notre corps est le lieu d’une histoire qui nous échappe. Nous nous présentons de face et nous vivons de dos. Des mythes. Nous ne sommes que des mythes. Et le temps nous traverse malgré nos prières.
Nous absorbons le temps comme une éponge. Il remonte dans l’espace des tissus de l’âme. Il s’insinue dans toutes nos absences, il suinte, transpire. L’eau du temps s’infiltre. Eau douloureuse, écrasante et saumâtre. Notre vie d’éponge s’alourdit. Nos chairs se flétrissent. Notre sang se dilue.
Écrire, c’est presser l’éponge. Pas plus. Pas moins. Mais c’est un geste qui se dérobe. C’est un geste qui se refuse. C’est vouloir mesurer ou arpenter le néant. Tout au plus nous confirmera-t-il notre qualité d’éponge. Peut-être un peu plus léger. D’autant plus léger que le geste d’écriture est net, fort, et qu’il vient de loin. Qu’il est obstiné, acharné, résolu.
Il n’y a rien à découvrir. L’univers est composé de temps. Nous sommes les grains de sable d’un gigantesque sablier. Nous coulons, passant d’un néant à un autre néant. Nous naissons et mourons dans le resserrement. Dans la contraction. Dans ce hoquet du temps. Nous naissons d’un rétrécissement. Écrire, c’est ce dégorgement d’éponge, pour boucher le sablier du temps. C’est un rêve fou. Impossible. Nous le savons, mais nous le tentons. Chaque texte est une victoire. Une victoire sur qui ? Sur quoi ?
Écrire, c’est presser l’éponge, évacuer l’eau du temps pour faire entrer dans les fibres de l’âme le silence. L’éponge est plus légère, mais elle reste toujours une éponge.
Au départ, tout est loin. À la fin, tout est loin. C’est un désespoir. Le désir a tissé des distances irrémédiables, insurmontables, et le rêve a épuisé son vol.
Nous ne nous rencontrerons jamais, malgré nos efforts, puisque nous n’avons pas de rive. Nous ne sommes que des mythes qui gardent leurs secrets. Nos piètres confidences ne dévoilent rien. Nous sommes bien trop loin de nous pour nous atteindre. Nos ombres nous survivront : elles ont bien plus d’élan vital que nous ; elles ont bien plus d’acharnement que nous. Elles ont la patience pour elle. Elles guettent nos défaillances. Nous en avons tant.
Alors, l’écriture part de là, de ce rétrécissement des possibles, de cet empêchement des espérances, de cette simple et évidente fatalité. Le geste part de là, il est sans illusion. C’est ce qui lui donne sa couleur. Sa lumière. Un peu de lumière dans l’infini du néant. Quelques braises pour réchauffer les cieux.

Franck.

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