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J'irai marcher par-delà les nuages
18 août 2018

Lettre N° 36 - La chambre d’écriture…

Mon Amour,

J’ai profondément été ému de nos instants partagés hier. À l’abri de la chaleur trop intense, à l’ombre des persiennes closes, dans cette chambre qui ne sait plus se passer de toi. J’ai aimé ton doux entêtement à vouloir parfaire l’instant, à t’appliquer à polir chaque geste, chaque parole. Féline et douce et tendre comme si le bonheur devait être surpris, presque saisi au vol, débusqué ou démasqué. Tout semblait si léger, si proche de l’évidence, la moiteur de nos corps, nos murmures et les bruits de la ville qui nous parvenaient parfois portés par quelque rafale de vent.
Aujourd’hui, cette même chambre devient ma chambre d’écriture. Je sens ta présence. Tu as laissé quelques affaires. J’aime infiniment le désordre que tu crées, en fait, ce n’est pas vraiment du désordre ce sont juste des traces, d’infimes empreintes, une autre forme de ta grâce et de ton élégance.
La chambre d’écriture est lieu de nos rencontres. Lieu de pénombre. Tu ne marches pas. Tu glisses. T’appuyant sur l’ourlet des silences. Avec des gestes mesurés. Lente. Comme au ralenti. Prise dans le temps de la langue. Tu es vêtue de chuchotements si légers qu’en transparence ta parole s’y dévoile dans une nudité innocente, et simple.
Tu sais, j’aime cet instant où tu pénètres le texte sans précipitation, comme soulagée, adoucie. Ta voix enroulée à ma voix. Revenir au texte c’est revenir à toi. Car chaque mot est gorgé de ta chair. Du mystère de ta chair.
La chambre d’écriture est le lieu de tes baisers, ils ont le goût d’une eau de source ; clairs, décisifs. Ils amènent la brûlure et l’apaisement de la brûlure, comme ces mots longtemps attendus, qui se révèlent brutalement, raclant les entrailles du texte.
La chambre d’écriture est le lieu de nos caresses. Ta peau épouse ma peau, comme tes mots répondent aux miens. Ton ventre s’inscrit sur mon ventre. L’effleurement des phrases. La résonance des sons. Le frottement. Le frôlement. La chambre d’écriture est le lieu de ton cri ajouté à mon cri. Des aurores de rémission.
La chambre d’écriture est le lieu qui déborde ta pudeur. J’aime cette pudeur submergée, saturée de désir. Le texte s’enfonce un peu plus dans l’abandon qu’il te réclame. Tu n’es ni docile ni rétive, tu déploies une fraîcheur primitive, sage, infiniment fragile.
Je pose chaque mot sur tes lèvres pour que tu leur donnes ton souffle dans l’éclat d’un murmure.
Écrire et t’aimer, c’est la même chose, c’est enraciner la parole au cœur d’un silence partagé.
Écrire et t’aimer, c’est recomposer un ciel, c’est chanter ce ciel mieux qu’une prière.

La chambre d’écriture est le lieu de l’attente déshabillé de l’attente. Sur ta peau blanchie, j’écris en lettres rouges tes soupirs, ta joie, tes larmes, et mes larmes. J’écris l’espace renouvelé de nos ravissements, ce frisson étrange de la lumière, ce tremblement singulier, lorsque le grave à l’extase se mêle.

Franck.

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11 août 2018

Lettre N° 17 - Regard...

Mon Amour,

Tes yeux et ton regard me fascinent, ils inventent un espace étrange. Ton regard ne fait pas que  regarder. Il apporte avec lui un lieu pour habiter. Ta maison s’ouvre en grand, et m’invite à entrer. Souvent les regards créent des distances, le tien  m’entoure, me recueille, avec une infinie douceur. Ces yeux-là ont vu, ils en gardent les brûlures. Ils en racontent le voyage. Ils vont à l’essentiel. Regard généreux qui me rend ma vie, me fait exister dans l’instant. Il n’est pas un miroir, il est un chemin. Il ne reflète rien, il propose un chant, il engage au murmure, à la tendresse. Une intense lueur voilée. C’est un regard de nuit, de nuit obscure. C’est pour cela qu’il apaise, qu’il réconforte, qu’il soigne mes blessures. C’est un regard nu. D’une absolue nudité. L’épaisseur d’une âme se révèle dans les yeux. La grâce, dans les éclats de lumière qu’ils nous offrent.
Tes yeux ont pleuré, ils ont su prier aussi, ils ont lu tous les livres, même les plus sacrés. Ils ont pu être durs, glaçants, mais de cela ils n’en gardent qu’une humble indulgence. La miséricorde infinie des reines.  
Il y a dans tes yeux une fulgurance, qui en sait long sur la lenteur des grands voyages et des épopées lointaines, ils ont la profondeur des cieux avec quelques morceaux d’étoiles accrochés dans leurs reflets.
A l’entrée de tes yeux on pourrait y déposer nos siècles d’attente, de patience, d’existence, nos peurs, nos absences, nos lâchetés. Alors mon enfance me revient, pour déborder mes souvenirs. Tes yeux me prennent la main, et la serre, et m’emportent. Tu as des yeux de source, des yeux d’eau claire, d’eau fraîche. Des yeux de lendemain. Des yeux de toujours.

De quelle attente suis-je ? De la plus longue. Celle des pierres
De quelle passion suis-je ? De la plus longue. Celle des pierres.
De quelle solitude suis-je ? De la plus longue. Celle des pierres.
De quel silence suis-je ? Du plus long des silences. Celui des pierres.
Et la joie ? Je suis de la plus longue joie. Celle des pierres.

Désormais, je suis de ton regard. Je ne serais plus pierre.

J’étais une montagne dressée tout d’un bloc, dépassant les nuages, touchant les cieux. J’étais une montagne et me voilà cailloux. Demain je serais sable, grain de poussière. Demain je serais univers.
Avec tout au fond… tes yeux amoureux, ardent, qui m’espèrent…

Franck.

5 août 2018

Lettre N° 3 - Ouvre les yeux...

Mon Amour,

Plus nous nous voyons, plus nos baisers métamorphosent nos promesses. Celles que l’on n’ose pas prononcer, celles qu’on espère pourtant. Les animaux blessés sont craintifs.
Mon amour, il nous faut bien réinventer l’acte. Redéployer nos corps dans leurs chairs. Il nous faut bien oublier, effacer toute la mémoire, et tous les gestes vains, si peu secourables. Réinventer la présence. Réinventer le lieu, le souffle, la pénombre, l’horizon. Avec les astres qui le défient. 

Se retirer définitivement de soi.
Sans force, sans faiblesse. Revenir à l’unique. À cette chose première. À cette chose dernière. Se préparer à toucher les deux extrêmes de la joie et de la douleur. À condenser chaque respiration dans le ralentissement du temps, à condenser le désir en lenteur pure.
Car chaque caresse devra atteindre la profondeur des océans, chaque soupir devra porter un peu plus loin la soif. C’est le temps, mon amour, des corps nus. C’est le temps des grandes moussons, et de nos pertes souveraines.

Le temps est venu d’accueillir mes étreintes, quelles te rendent ta substance, te rendent à tes premiers tremblements. Que mes baisers te lavent de tous les baisers déjà donnés, ou pris, ou volés, ou arrachés, ou déterrés.

Je te veux nue comme tu ne l’as jamais été.
Pas ouverte, pas éventrée. Non. Nue. Pudiquement nue, et droite, et fière, et digne, et immensément forte, et immensément nue. Que vaudraient mes baisers parmi tous les baisers passés, que vaudrait mon offrande, à toi qui fus dérobée.  Que vaudrait la pureté de mon regard sur ta chair trop souvent désolée. Que valent mes serments, pour toi qui fus si profondément trahie.
Comment réinventer la nudité pour toi qui fus si souvent dénudée.
Comment te dire ou te tendre mon désir, à toi qui fus si souvent désirée.
Comment avancer une caresse, toi qui fus tant caressée, si mal caressée.
Comment faire du nouveau avec toutes ces larmes anciennes, ces plaintes, ces gémissements.

Alors, ferme les yeux. Apprends mon silence. Laisse-le glisser sur ta peau. Laisse-le couvrir ta poitrine, s’arrondir sur ton ventre. Laisse-le glisser dans tes chairs. Apprends mon souffle sur ton cou, sur tes cuisses, sur tes reins, laisse-le courir au profond de ta vie, au bord de tes eaux…

Ferme les yeux, pour apprendre ma bouche, mes lèvres ; souviens-toi de chaque temps de la caresse, comme un piano se souvient des notes qui l’on fait sonner. Laisse venir ta peau à mes doigts, vague après vague, plaisir après plaisir, attente après attente. Comme une tentation longtemps refusée. Creuse, frémis, comme ces eaux des grands lacs qui s’irisent, se rident, se plissent, lorsque les vents du nord les pénètrent.

Ferme les yeux, respire ma clameur et la grâce d’un instant qui ne pourra pas finir. Gonfle ta chair de ma confiance. Devine ce mouvement qui t’enlace et t’espère, entends le froissement de nos murmures qui nous ajustent.
Sois le mouvement même de mon appel.
Sois la réponse à ma main qui t’interroge. Agrandis l’ombre de ton mystère pour le brûler de sa propre révélation.
Sois le corps avant le corps, la chair avant la chair, sois la source miraculeuse, sois l’amour de mon amour. Sois cathédrale, alors je serais prières. Pèlerin.

Ferme les yeux comme si tout était advenu. Comme si tout était là, enfin, dans cet espace clôt et pourtant sans borne. Comme si tout était là, dans l’espace incendié de mes doigts sur tes seins, de l’espace océan de mon ventre sur ton ventre. Comme si le feu naissait du mélange de nos eaux lustrales. Déploie ton corps, accepte la forme de mon vertige, de ma folie, de mon appel, de mon cri. Fais-moi naître maintenant, puisque j’accepte de mourir maintenant.

Ferme les yeux, guide-moi vers toi. Apprivoise mon geste. Donne-lui l’élan de ta joie. Donne-lui la direction de ton étoile, de ton ciel. Non je ne pleure pas. Non, il ne faut pas pleurer, ou alors si peu, comme une neige de novembre.
Défais-moi du froid glacé de mon enfance, défais-moi des pluies, défais-moi de tous ces jours où je t’ai attendu, de tous ces jours de peur, de mélancolie. Défais-toi de tous ces regards qui t’ont percé, de tous ces mots qui t’ont souvent souillé. Défais-toi de ton nom. Défais-toi de tous ces lambeaux de cauchemars.

Ferme les yeux, défais-toi, comme moi je suis défait.
Ferme les yeux, accepte que je puisse être ton offrande. Sacre-moi du bout de tes doigts. Accepte que nos corps puissent parler plus que nos mots. Deux corps dans le mouvement simple de leur vie, deux corps avant le dernier saut, avant l’envol, dans leur seule présence dépouillée.
Laisse-moi remonter les grands fleuves de tes jambes.
Laisse-moi rejoindre l’estuaire au plus haut de tes cuisses.
Laisse-moi brasser tes eaux et pousser dans tes chairs d’interminables mascarets.
Laisse-moi être au plus près de l’écume, accepte l’enlianement de nos membres, l’infinie pesanteur du sang qui ralentit, l’infinie douceur de l’abandon consenti.

Ferme les yeux, sens les astres te tirer par les épaules, laisse la terre remonter dans tes os. Respire ce temps d’avant, laisse-le entrer lentement dans tous tes soupirs, laisse la fièvre agir, accepte que la torpeur éclatante brise nos chaînes.
Mon amour c’est le temps où les chairs se traversent en remontant les sentiers du désir d’un pas sûr et conquérant.

Ouvre les yeux mon amour, c’est l’heure de cueillir la fleur sanglante de nos âmes tremblantes.

Franck.

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