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J'irai marcher par-delà les nuages
25 novembre 2018

Lettre N° 48 – Le début de la folie…

Mon Amour,

Que répondre à tes questions ?
Ma solitude fut celle de ma mère. Ma mélancolie fut ma façon de l’aimer dans le retrait d’un silence brûlant et pudique.
Puis elle est morte, j’avais dix-sept ans. Je suis resté là, avec cet étrange héritage. Peut-être avec une sorte de colère, ou de tristesse, ou les deux. Les derniers mots qu’elle m’adressa lorsqu’elle fut au bout de son agonie : « Pardonne-moi… ! », des mots en forme d’énigme, que je n’ai jamais pu élucider avec certitude.
Mes passions sont restées ombreuses, incandescentes, mais ombreuses, avec ce voile de tulle noir, comme un deuil jamais fait, toujours reporté.
Ce voile que d’un seul regard tu as su effacer. Depuis toi, j’ai le cœur à vif, protégé d’aucune peau, d’aucune chair. C’est infiniment troublant.
Nous avons inventé deux temporalités. Celle de la réalité et celle de notre correspondance. Nous vivons des temps singuliers, empreints de mystères, nous écrire semble sublimer chaque jour et augmenter nos âmes de densités nouvelles.
…………..

Ce matin je t'ai vu dans les replis d'un nuage froissé par la brise
Ce matin un soleil effrayé éparpille sa lumière dans l'ombre agitée et inquiète des saules.
Je t'ai vu.
Ce matin, le matin se souvient d'une lune de sang sur la peau blême de la mémoire, et des rossignols de feu répercutent les plaintes de la nuit qui s'afflige.
Ce matin je t'ai vu.
Au hasard d'une aurore dérivante, je t'ai vu.
La cruauté du jour fige un vertige,
la vie manque à la vie,
ton jour manque à mon jour.
Sur les mots alignés du poème, sur le noir des silences un voile de rosée limpide est tombé.
Ce matin je t'ai vu comme un ange aux pétales chiffonnés par une Vénus fière, et triste.
Je t'ai vu comme un ange qui se balance dans les couleurs blessées du jour, grand lys blanc qui effleure ma phrase d'un souffle frais.
Ce matin je t'ai vu dans les reflets bleutés d'un papillon crucifié par l'éclat noir des restes de cette nuit.
Une nuit d'encre amère et monotone.
Je t'ai vu dans ce rêve lancinant, princesse inassouvie, fulgurante, ardente, prête à t'envoler sur l'aile d'un soupir.
Je t'ai vu, et j'ai senti en moi une barque chavirante alourdie de trop de chair morte.
Je suis comme un dieu taciturne et sombre sur le seuil du jour, immobile, délabré par cette indéchiffrable écorchure cristalline.
Suture obscure.
Et toi séraphin d'organdi nacré, divine souveraine, tu flottes irréelle et pure au plus haut d'une forteresse crénelée.
Future brûlure.
De la cassure du jour suinte une sorte de brume vaporeuse, une pluie, et quelques mots, et une belle présence.
Ce matin je t'ai vu, et j'aurais voulu briser les rayons de ce soleil impudique.
Je regarde le lit défait des mots où le corps de la parole épuisée par trop de lassitude déborde d'un songe défiguré.
Avec obstination j'invente ton visage. C'est une folie muette.
Infinie.
Ma perpétuelle insomnie.
Ce matin je t'ai vu au milieu des draps pourpres de la nuit déshabillée.

L'étreinte comme la forme accomplie du silence.
L'absence de l'étreinte comme la forme accomplie du dénuement.
La puissance d'un désir abandonné.

Franck.

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