Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
19 mai 2019

Lettre sans numéro - Elle ne fut pas postée...

Mon Amour,

Il y a seulement des temps d'abandon où un poids immense pèse sur chaque heure, où l'on sent qu'elles ont un mal fou à finir, où le sans fin ressemble à une nuit immobile.
Dans la paume de ma main, je regarde l'agonie des saisons.
L'œil se fixe, effaré, pris dans l'épaisseur d'une ombre menaçante. Se taire n'est plus consentir au silence, se taire c'est mordre dans l'obscur, c'est mordre dans le gras de la mort.
Il y a seulement ces temps d'abandon où un poids immense pèse sur chaque heure et l'homme en nous fait porter tout le poids à l'enfant, tout le poids du renoncement, des défaites. Cet homme vain qui n'en finit pas de tuer l'enfant qu’il fut.

Dans la paume de ma main, je regarde l'agonie de l'enfance dans les ronciers du temps, et les restes d'un désir ravagé. La disgrâce est une chanson douce, la dernière aventure, le dernier pont à franchir. Décollement des chairs de l'enfance.
La fin procède toujours avec méthode, comme si l'ordre était sa seule réponse. Comme si la défaite méritait cette organisation, cette certitude. Le sacre du chaos est bien cette discipline des fatalités. La lumière n'est qu'un accident des ténèbres, un imprévu, presque un contre temps. Une erreur. Une divagation des dieux.
Le lieu du monde est une nuit lourde, immobile. Lente.
Et l'enfant s'ébranle et succombe de l'exubérance du noir. Et l'enfant n'en finit pas de téter les mamelles d'une nuit sans fin. L'attente a défait un à un ses rêves, et jusqu'à oublier les raisons mêmes de l'attente.
Et l'attente s'est oubliée elle-même. Et l'attente est bien la chose qui meurt en dernier.
Ce qui souffle dans le dernier souffle, c'est l'extase de l'attente, l’inaccompli à jamais.
Dans la paume de ma main, je regarde l'agonie des saisons.
La disgrâce est une chanson douce, la dernière aventure, le dernier pont à franchir.
La disgrâce c'est la chanson douce du désastre.

Franck.

 

Publicité
Publicité
12 mai 2019

Lettre N° 102 - La paume ouverte...

Mon Amour,

Il faut blanchir beaucoup d'heures pour n'en sauver que quelques essentielles.

Des aubes bleues, presque violines.
Il faut recommencer souvent le même poème pour se dire que rien ne s'achèvera.
Il faut balayer beaucoup de souvenirs pour faire entrer dans sa maison l'envie de demain

Pour alléger ta langue, la soulager de l'ombre, tu écris tes poèmes au dos des ailes des papillons.
Peu de mots, beaucoup de couleurs. Et cette précision pour ne jamais rien froisser.
Et cette poudre d'or dans le soleil du cœur.
Et tes baisers sur les lèvres du temps.

Dans le creux de tes mains, tu m'as fait boire l'eau de l'enfance.
Ainsi tu m'as rendu le temps de l'infini.
Et des folies.
De ton regard brûlé, tu sais effacer mes ténèbres.

Tu m'as rendu le temps des vagues et des embruns.
Tu m'as tendu ta paume dénudée, m'offrant l'ardeur d'un feu nouveau.

Nous écrire est ce chemin d'orphelins, nous le parcourons en silence pour consoler la mort de nos étourderies.

Franck

5 mai 2019

Lettre N° 4 – L’infime...

Mon Amour,

 

Chaque jour qui passe nous rassemble un peu plus. Un mélange d’urgence et de lenteur. J’ai aimé notre promenade. Ta main dans la mienne. J’ai aimé notre silence, notre peur d’abîmer l’instant.
Nos mains qui semblaient contenir toutes les promesses. Nos mains qui s’appliquaient à leur chaleur, comme si tout était là, fragile, définitif.
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

L'infime est la demeure de l'univers. Et la parcimonie, le grand fleuve de l'abondance.
Ce qui sauve la cathédrale de sa démesure, c'est la flamme minuscule d'une bougie.
Par son feu dérisoire, la prière consumée regagne les cieux.
Et le fleuve n'est rien sans l'irréductible joie d'une source. Son rire d'enfance s'entend toujours dans la majesté de l'estuaire.
La fascination vient de ce que le signe qui nous saisit le fait par le fil fragile de l'attention flottante. L'étonnement. La surprise. Le consentement à cette surprise. Par une volonté désarmée. Le contre point inouï à une évidence écrasante et vaine.
Ce qui nous touche c'est l'endroit le plus délicat, le plus frêle, tellement délicat et frêle que la mort semble l'oublier. Que l'éternité tient tout entière dans cette fêlure du vivant. C'est un instant blotti. Une heure tremblante.
C'est le balancement délicieux des coquelicots dans les chaumes d'un grand champ de blé juste moissonné, cette goutte de sang joyeuse dans cette hécatombe d'or.
Ce qui nous sauve de l'horreur c'est un simple chant murmuré.
Ce qui nous rend la lumière c'est une simple luciole dans la nuit.
Ce qui nous rend à l'amour c'est un simple regard au détour du soleil.
Il y a dans une île, si petite soit-elle, la puissance d'un continent.
L'infime de tes mots a pour moi l'abondance d'un grand fleuve.
Et les grands fleuves ne meurent jamais.
Il y a dans tes yeux assez de miséricorde pour étancher ma soif.
Il y a dans le chaos, assez de failles pour y cacher un poème.

Franck.

Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
J'irai marcher par-delà les nuages
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 167 982
Catégories
Pages
Publicité