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J'irai marcher par-delà les nuages
23 juin 2019

Infiniment.... (berceuse mélancolique)

Rester dans l'axe du centre. L'axe de tension. Ne pas dévier. Se faire sourd aux rumeurs du monde. À la fois, ne pas être dans le mouvement, et être dans le mouvement.
C'est l'heure des marées qui montent avec leurs souffles de nuit. C'est l'heure des marées lancinantes, des marées blanches et bouillonnantes, c'est l'heure de l'eau souveraine. Un autre mouvement. Comme la mer. La mer et la perdition dans l'immense. Dans le même. Ce même jamais pareil. Du même qui se change en même. Du même qui s'enroule en vague à lame successif. L'infini ruissellement du même. Comme si la tension de se survivre était là. Dans cette répétition qui se dépasse un peu plus à chaque fois. Cette sursomption des actes et des jours, et des conséquences. Totalisation.
La marée n'est pas grosse, avant. Avant elle est une simple écume, un reste de houle. A peine l'ébauche d'une vague. Elle est un souvenir ancien qui s'est épuisé, elle est une mémoire fatiguée. Au bout du rouleau. Avant c'est une simple écume blanche. Blanche. Pas encore une dentelle bouillonnante. Blanche. Simplement l'idée du blanc, avant qu'il soit blanc. Au départ il y a tout un ciel étalé sur la mer avec les étoiles qui scintillent et qui flottent. Noces de la transparence, qui fait le blanc de l'écume, comme après la mort. Le corps saigné à blanc. Bercement infini du ciel dans les bras de la mer. Berceuse du temps qui passe « Do.. dinn, do... dan, il est mort Bertrand, qui lo tùa c'est lo limaço, quo faÿ sa caisso c'est l'homo d'aixe, son tro lou maigro, sa prièra quatre bergèra... do dinn, do dan.... » Dors petit bonhomme ! Dors dans le blanc de la mère. Dors dans sa berceuse triste et blanche. Et Blanche. Comme l'écume de l'océan. Dors de ton sommeil d'écume. Dors dans le sein blanc et la parole blanche du lait. Dors dans l'écume des heures, dors ! Dans le lait de la mer. Infiniment naissante, infiniment mourante. Comme la mère. Mourante et blanche. Posée comme Ophélie dans le lit blanc. Blanc de mort. Dors... Avant elle c’est une simple écume. Après c'est un tonnerre, la mer qui s'offre l'abondance illimitée des possibles. Toujours identique et jamais pareil. Ne pas dévier, rester dans l'axe de la marée. Ne pas dévier de l'axe du désir. Comme lorsqu'on marche sur les eaux. Irréfutable et fragile. Comme l'enfant qui dort. Là, dans le bruit des vagues. Sur la peau blanche de la mère morte.
Je suis la source qui rêve d'océan, un océan qui s'essoufflerait à tirer ses marées. Je suis dans le mouvement de l'eau. Je flotte. Je me noie. Je dérive. Je déluge. Je cascade de mots. Je déferle. Je reflux. Je larme. Même ma terre est de l'eau. Même mon sable s'écoule. Je suis une île entourée d'îles. Je suis une eau entourée d'eau. Je vague, imprécis et confus. Vague comme une brume lascive. Et je pluie, et j'orage, et je source. Ruisselant, coulant, ravinant. Mon univers c'est l'eau, mon ciel est d'averses, mes nuages sont gorgés de torrents de tristesses et mes jours s'évaporent comme l'eau des étangs. Je suis un océan dans l'axe de mes marées, en mon centre une source.
Si mes rêves se condensent, c'est l'Amazone qui passe saturé de boues grasses et fertiles où l'opaque et l'obscure s'accouplent aux puissances invincibles du courant. Monte ta marée, petit bonhomme. Une de plus. Courage ! Vas donc chercher ces rouleaux de mémoire, et déploie-les, va plus profond racler le fond de l'océan, vas, n'hésites pas, prends les plus lourds s'il le faut ! prends les plus tristes, n'oublie pas les plus beaux ! Va chercher ta marée dans le fond de ton ventre ! Dans le fond de son ventre. Va ! Tu es l'infiniment vivant, l'infiniment mourant, tu es dans le bercement des mers qui se disent et se redisent jusqu'à l'ultime bord où le ciel agonise dans les flots. Qui a-t-il sous les eaux des mères mourantes si ce n'est de grands pans de ciel ornés de quelques étoiles ? Qui a-t-il au fond des mères si ce n'est le sommeil d'un enfant ? Qui a-t-il dans mon balancement si ce n'est un appel ou un cri, le triste mouvement, infiniment vivant, infiniment mourant, infiniment pleurant dans les os de sa mère ? C'est l'heure de la marée blanche et écumante. C'est l'heure d'appeler la nuit et ses mystères, c'est l'heure de vouloir un peu plus fort, un peu plus loin. C'est l'heure blanche des marées. Blanche comme les ailes déchirées d'un grand cygne mourant. Blanche comme les flammes qui brûlent ma prière. Blanche comme l'aveu d'un aveu. Blanche comme la peau avant l'amour dans le silence à peine froissé des caresses. Blanches caresses, et lente houle des chairs qui s'offrent au blanc du désir blanc. Monte-la ta marée ! Un peu plus de courage ! Dans chaque mouvement, c'est du temps qui déferle, dans chaque éclatement c'est l'amour qui se dresse, dans chaque écoulement c'est ton corps qui réclame, dans chaque déchaînement c'est des liens que tu brises. Et se dire, oui se dire, tout au bout, tout au bout des marées, je suis un homme vivant qui montent ses marées, infiniment vivant, infiniment mourant, et qui le soir venu, pose son front au sol et peut dormir en paix.

Franck

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16 juin 2019

Lettre N° 200 - C'est un point d'infini…

Mon Amour,

Nos lettres deviennent une urne. Nos phrases y tombent et s'y rassemblent pour raconter une autre histoire que la nôtre. Une urne où s’entassent, l’attente, l’oubli, nos cendres. Poussières de vie brûlées. Calcinées. Une autre histoire. La même, pourtant si différente. La même. Comme une vie dans la vie. De l'eau sur de l'eau. Du temps sur du temps. Du désespoir sur nos larmes. Nos vies vécues à l'intérieur de nos vies. En cachette de nos vies.  Des vies puissantes, inconnue de nous. Des vies silencieuses, brutales, et cruelles. Sauvages.
Dans nos lettres quelque chose est à l'œuvre et s'oppose. S'oppose à nous, et, aveugles, nous nous y déployons.  Un espace qui se dresse. Implacablement se dresse. Un espace pour les marionnettes que nous sommes devenus.
Seuls nos mots de cendres disent les restes de cette vie que nous avons vécu. Nos lettres racontent derrière le vacarme des sons, une autre histoire. La vraie. Celle qu’on ne sait pas se dire. Celle qui se déroule derrière nos gestes, celle qui tapisse les murs de nos pensées colorant d'étranges façons les heures, les jours, les saisons.
Nos mots, nos pensées, nos élans tombent au fond de l'urne funéraire du sens. Dans le vrac de nos existences. Dans l'indécence de leurs postures obscènes. Textes bribes. En morceaux. En éclats. Je voudrais brûler nos cendres. Mais elles ne peuvent plus brûler. Elles sont froides ou tièdes. Ce sont des cendres. Les cendres ne brûlent pas. Éclats poudreux d'un reste d'incendie.
Mes lettres racontent désormais autre chose que je ne comprends pas. Il faudrait tout ressortir, tout étaler, là. Devant moi, les yeux ouverts, dans l'ombre et le silence. Vider la vie consumée, calcinée. Il faudrait tout étaler pour t’interroger à nouveau, interroger sans cesse l'autre histoire, l'autre vie. Dans le silence.  Épeler à nouveau chaque mot comme si nous devions renommer chaque objet de la création, comme si nous fallait rappeler chaque objet, chaque visage. Longue litanie. Mes mots me parlent et je ne les entends plus. Ils disent, mais je ne comprends plus. J'ai beau les mâcher, les réduire, je n'en trouve plus la saveur ni la destination. Mes lettres me savent, mais elles me taisent, elles me nient. Plus je t’écris, plus je me sépare, plus je m'éloigne. Du centre. Du sens. De nous. Même devant moi, les yeux ouverts, le thorax ouvert, je ne vois plus rien, je ne sens plus rien. Hormis le déchirant passage de la parole sur les parois du corps, comme un glacier raclant la roche.  Une glace qui garderait son mystère, sa langueur et son effroyable silence.
Cherche-t-on le secret dévoilé, ou la rémission ? Que vaut-il mieux, l'aveu ou la miséricorde ? Ou rien de tout cela. Ou tout à la fois.
L'urne de nos lettres est un tribunal silencieux, tout nous dénonce et rien ne nous nomme.

Chaque parole possède deux couleurs, deux sons, deux sens, deux poids, deux destins. Chaque mot porte en son sein un morceau de vie et une part de mort. Chaque mot est à la fois un cri et un murmure. Chaque mot nous attache et aussi nous délie. Chaque mot est son propre contraire, il nous appelle et nous dénie, il nous frappe et nous caresse. Chaque mot nous dit pour mieux nous trahir, il nous espère pour mieux nous désespérer. Il nous accompagne pour mieux nous perdre et nous séduit pour mieux nous tromper. Le sang des mots est noir tout chargé de cendre qu'il est. C'est le poids des faiblesses qui lui donne cette couleur. Et les mots nous accusent sans nous dénoncer. Ils nous désignent sans nous révéler.
Pourtant je veux croire encore que chaque mot renferme un silence, que le cœur de la brûlure recèle un silence intact. Il serait un point minuscule, plus petit qu'un diamant. Chaque mot est percé d'un silence, c'est pour cela que l'on ne s'entend plus.
Chaque mot, comme chaque vie, est percé d'un silence, c'est par là que passent les constellations et les météores, c'est l'endroit de la parole qui ne peut être lésé, le seul endroit qui échappe à l'urne et aux cendres.
C'est un point d'infini brodé au cœur du mot.

Franck.

10 juin 2019

Lettre N° 217 – Comme un soleil qui monte…

Mon Amour,

 

Je t’ai vu arriver de loin. Un point dans la perspective du chemin. Un point sans forme précise. Un point qui se rapprochait. J'étais assis dans un creux d'existence. Alors j'ai vu ta silhouette de feu, qui avançait avec la détermination d’un tonnerre, sur ce chemin pavé de silences et de mots, ce chemin de désordre.
Je t’ai vu arriver de loin. Comme de derrière ma mémoire. Presque nue, vêtue de ta seule parole. J'ai vu la poussière que soulevaient tes mots à chacun de tes pas, j'ai bien vu cette poussière se transformer en poudre d'or à chacun de tes mots. J'ai vu dans ton approche souveraine mille ans d'histoire s'effriter sous ses pas, trente siècles se répandre comme une rosée de cristal. J'ai vu au loin les dieux fermer les yeux et se mettre à genoux, et prier, et pleurer, et les saintes arracher des soupirs aux cendres noires des cloîtres. J'ai vu le criminel embrasser la victime, et le bourreau se pendre à sa corde. J'ai vu le sage perdre sa raison et le fou enseigner aux enfants, j'ai vu les mères offrir leurs seins pour sauver les malades, et les vierges chanter dans le vent les prières du matin. J'ai vu les saisons défiler et les heures danser, et les guerriers brandir leurs cœurs ensanglantés empalés sur leurs glaives. Oui, je t'ai vu approcher comme un tonnerre de dieu, même ton ombre t'avait désertée, seul le soleil pouvait te résister.

Quand tu fus près de moi, tu n'as pas ralenti, tu as simplement tendu la main, pour montrer le chemin. Et je me suis levé.
Moi aussi j'ai marché.
Quand tu fus près de moi, j'ai vu sur ton visage le souvenir des pages blanches, la trace des paroles écrites à l'encre rouge, celles à inventer à l'encre bleue, j'ai vu la forme que prennent les rêves brisés, j'ai senti dans ton souffle la profondeur des exils, sur le bord de tes lèvres le murmure des aveux. Ta voix sonnait comme un cor blessé. Un cor immense, profond et lourd. Un cor mortifié.

Sur ta peau dénudée se dessinaient les mondes engloutis, les mers déchaînées, les naufrages humains. Chaque cassure du temps était transcrite avec une précision infinie à l'endroit de douleur, à l'endroit du mystère, à l'endroit meurtri, fracturé, éventré, gravé en lettre blanchie à la chaux, en lettres pleurées, en lettres stridentes.

Tu marchais vite et droit. Droit et longtemps. Je t’ai suivi un temps. L'espace de trois printemps. À chaque étape un pays. À chaque pays une misère. A chaque misère un soleil. Et demain, et toujours, et sans cesse refaire le même souvenir avec des mots nouveaux, venus de la même chair, sortis du même sang, du même cri.
Tu marchais dans tes mots comme une guerrière, sans te retourner puisque le passé était là, devant, comme un baiser mortel, comme une urgence impossible. Là. Seulement là.
Avec ce goût de la vie, et ce goût de la mort, et ce rire étranglé. Et cet or sur la route à chacun de tes pas. Et les morts à convaincre de respirer encore, une dernière fois. Et l'amour qui hurlait.
Tu marchais vite et droit, sans baisser ton regard, sans trembler. Mot après mot. Mort après mort. Nuit après nuit. Des sanglots dans les rires. Oui, je t’ai vu traîner l'univers pour le faire plier et l'obliger à rendre l'âme des hommes, des femmes, des enfants, des errants, des perdus. Les âmes volées. Les âmes souillées. Les âmes oubliées. Oui, j'ai vu l'écriture s'engendrer pour désigner plus fort chaque lâcheté. Pour éclairer et dire autrement les parures du vrai. J'ai vu les galaxies à l'envers, s'excuser pour leurs indifférences. Et les puissants rougir de leurs indécences. J'ai vu les riches brûler leurs richesses. Et les pauvres embrasser ton sourire.
Tu marchais vite et droit.
Je t’ai vu t'éloigner sur le chemin des mots. Comme une guerrière, sans te retourner. Simplement l'amour qui gueulait, qui gueulait, qui gueulait. Laissant tomber son or, d'une langue souveraine.

Tu n'es plus qu'un point au bout du chemin. Il n'y a plus que l'or au bout du chemin. Et ce point si proche du ciel, qu'on l’y croirait déjà. Comme un soleil qui monte à l'horizon. Étincelant d'une infinie miséricorde.

Franck.

2 juin 2019

Lettre inachevée…

 

Mon Amour,

Parfois, dans écrire, on finit.
Jamais on n’atteint.
…..

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