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J'irai marcher par-delà les nuages
31 mai 2020

Las...

Il me faut remonter le temps des mots. Pas à pas. Pour retrouver le mouvement juste. Le juste balancement de la vague. Retrouver la marche sur le fil tendu entre mes rêves et la réalité. Il est temps de se séparer de l’inutile pour renouer avec l’essentiel. C’est-à-dire le pauvre. Le nu. L’évident. J’ai trop perdu de temps à suivre des routes qui n’étaient pas les miennes, ou des jupons trop courts sur des cuisses trop légères. Espérant l’impossible parce qu’il était impossible, en mettant du symptôme au cœur même du désir. Je suis las de moi, de mes errances vaines. De mes amours adolescentes, sans issue. Je suis las des anges, des diables, des saintes ou des catins, de ce cortège d’ombres qui traverse mes nuits. Je me suis tant perdu à vouloir l’impensable. Il est temps de laisser les morts aux morts, de souffler sur ce qui me reste de vie. Je suis las des trahisons, des promesses sans lendemain. Je suis las, infiniment las des bassesses, des veuleries, de ceux qui parlent trop fort, dans des écritures trop pleines, sans espaces, sans attente, sans espoir, sans silence.

Franck.

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23 mai 2020

Oratorio (2)...

Puis le jour est venu. Avec le jour, l’aube des temps. Alors la lumière a pâli les créations divines. Avec le jour, l’écriture. Avec le jour, la mémoire. Avec le jour : la peur. La peur du retour. La peur de la fin. Avec le jour, la fin des prières. Avec le jour, l’absence. Avec le jour, le silence changea de couleur et de destin. Le jour est venu et avec lui, l’aube des temps. Enfin l’écriture, avec les voix de l’écriture, les solitudes de l’écriture. Ses mémoires. Toutes les mémoires.
L’écriture porte en elle la tentation du retour, c’est pour cela qu’elle s’écrit à rebours du temps qui la dit.
Retour sur l’inaccompli.
Sur l’inaccompli des temps à venir. Sur l’inaccompli éternel. L’impossible accomplissement. L’impossible sacre.
La défaite.

L’écriture passe son temps à se suspendre, comme si dans ses stases successives se trouvait sa vérité ultime. La Vérité.
L’écriture cherche son silence, dans l’au-delà des mots ou dans leur accablement. L’accomplissement du dire dans le vide. Le vide d’après.
L’écriture est solaire, mais se souvient de la nuit, c’est ce qui en fait l’éternel chemin de croix, car l’écriture est la mémoire du désastre. Car l’écriture est solaire. C’est pourquoi elle a affaire aux ombres, aux empreintes qui s’effacent, aux rêves qui rattrapent nos gestes, à ce qui respire encore dans les coins  noircis de nos vies.
Comme si le geste de l’écriture avait besoin de s’arrêter pour s’accomplir. L’ultime appel à la vie. Avec le geste qui se resserre. Comme la matière dans l’atome. Resserrement de l’espace de l’écriture pour lui donner la puissance du cri. Le cri. Le mot dénué de parole. Le dire pur. La stridence de la vie dans la chair.
La révélation.
Rimbaud cesse d’écrire. Cesse-t-il d’être poète ? Ou bien commence-t-il à le devenir ? Ou bien l’a-t-il toujours été ?
Qu’importe, c’est toujours l’accomplissement dans l’inaccompli.
L’inachevable.
Le précaire comme horizon infini.
La peau vulnérable du poème se raidit jusqu’à la cassure, jusqu’à la faille d'une lumière brutale.
Écrire, c’est autre chose qu’écrire. C’est avant tout signifier le feu, et tout ce qui pourra détruire le feu.
Le feu. Le feu séparé de la chaleur. Le feu comme principe d’ascension et de disparition. Chemin de retour à la nuit.
Retour à la nuit lumineuse.

Franck.

17 mai 2020

Oratorio (1)...

 

Quelque chose se souvient. Quelque chose se souvient de la première nuit du monde. Épaisse, souveraine. La première nuit du monde. Une plénitude dans l’épaisseur. Grande nuit des dieux. Sans temps. Sans paroles. Toute en prière. Première nuit du monde, où l’homme parlait seulement aux dieux. Où les dieux répondaient à l’homme. C’était un dialogue silencieux. C’était la première nuit du monde. Chaque destin s’accomplissait, car il n’y avait pas d’évènement, pas de quotidien, seulement des jours et encore des jours, seulement des miracles ou des tragédies. Seulement de la rocaille, du vent.
Le laboureur levait sa face aux cieux, sa face de sillons lourds, sa face de glaise ravinée. Puis le laboureur baissait les yeux. Il s’attelait. A creuser sa vie. C’était la nuit du monde, la première, la seule, la grande. Un temps sans écriture. Seulement des signes, des marques, des traces, des stigmates. Puis des incantations sous les étoiles. C’était le temps de l’ordre, de l’éternelle présence. Les ombres avaient plus de vie que la chair. Temps fixe. Brulant sous le soleil et le regard accablé des dieux. C’était un temps sans écriture. Le temps des pierres, sans futur, sans passé, sans issue. Un temps habité, sans espace. Des matins, des soirs, avec la tragédie du vent entre les deux.

Franck

8 mai 2020

La voix...

 

Il y a une voix qui vit dans l’écriture. On reconnait l’écriture à cette voix singulière, étrange qui l’abrite. Lorsque nous lisons, nous entendons parfois cette
voix. Elle n’a rien à voir avec l’oralité. C’est une voix. Elle semble sortir d’un feu obscur, d’un feu sans âge. Écrire, c’est faire parler cette voix en nous, ou par nous, sans savoir si elle nous appartient, ou si elle vient d’un ailleurs mystérieux. Elle semble précéder le texte, sans jamais être tout à fait le texte. C’est dans cet à-peu-près, que la stridence se produit… Alors, le poème peut naitre…

Au moment de l’écrire, c’est elle que l’on appelle dans le dédale des souvenirs, des mots, des sonorités. Elle habite en nous, comme la trace d’un passé lointain, comme le témoignage d’une humanité révolue, ou d’une autre à venir… La voix en nous qui se fraye un souffle dans le chant du texte, nous inscrit dans l’ordre des générations. C’est l’humanité entière condensée dans un murmure immémorial.
Toutes les scansions, les ruptures, les silences, tout ce qui ponctue, tout ce qui construit le rythme, la couleur, n’est que la danse rituelle pour inviter la voix… Dans l’écriture, existe le partage d’un feu, d’une peur et d’un chant pour apaiser la peur… Dans écrire, résiste une offrande…
Avant le livre, avant l’écriture, d’où venait la voix ? Où se cachait-elle ? Écrire, c’est retrouver le chant du monde, la première grotte, le premier feu, les premiers tremblements, les premières prières…
La voix qui parle en nous ne nous appartient pas, elle nous traverse, nous devons la faire passer, la transmettre, comme un feu sacré…
Elle ne dit rien, elle ne dit que la mémoire des siècles…
Elle ne dit rien, elle ne dit que mon dénuement et mon déchirement…

Franck.

3 mai 2020

Ecrire....

IMG_E1308

Écrire, c’est labourer les champs du souvenir, pas pour dire le passé, mais se croire encore vivant.
C’est aussi consentir à l’inachevable. C’est poser là une lumière sur la margelle du vide, une étoile au bord du néant. 
Écrire, dit bien cet ourlet de tristesse cousu avec un fil d’or pur.
On est perdu, mais du perdu jaillit le feu qui coure sur l’océan, 
alors la houle nous emporte en même temps qu’elle nous ramène au ventre de nos mères.

Franck

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2 mai 2020

L'Innocence...

 

L’innocence ne cesse de nous rappeler son effacement.
Je suis sans savoir. Le geste se déploie, je ne sais rien de lui, je me suis défait des raisons, des causes, des paroles ou des pensées inutiles. Je me dénoue de moi, de mes histoires, de mes intrigues, de mes doutes, de mes certitudes. J’avance dans un geste dépouillé, nu, incompréhensible. Seulement la phrase, les mots, les sons, la cadence, le surgissement, toute cette folie de l’écriture.
Il y a dans toute innocence la puissance d’un diable qui veille.
L’innocence est peut-être cette marche infinie vers un lieu jamais atteint, un long chemin de purification, chaotique, dangereux, une longue mise à nu jamais achevée, une tentation plus qu’une tentative.
Nous n’écrivons que pour cela, pour cette folie qui nous fait croire que dans l’oubli de soi, dans la déraison, dans cette soif de l’impossible, dans le renoncement, une once de pureté nous serait rendue, qu’une once d’innocence pourrait être cueillie, nous ne sommes jamais assez fous pour être vraiment innocents.
L’innocence n’est pas un pays perdu. C’est un pays oublié, en contrepoint du réel.
Écrire en est la trace, l’empreinte, ou le point de fuite.
L’innocence ne cesse de nous rappeler son effacement. Sans doute, la raison pour laquelle écrire s’obstine pour en revivre le souvenir. Un souvenir absent ; son absence même, donnant au geste d’écrire son sens de pureté déchue.
Il y a dans toute innocence la puissance d’un diable qui veille.

Franck

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