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J'irai marcher par-delà les nuages
30 août 2020

Colère...

 

Nous naissons d’une colère, d’une vieille colère, d’une colère archaïque sans forme, sans fond, une sorte de stridence qui s’accroche à nos entrailles. Lorsque nous lâchons tout, elle résiste, elle ne nous quitte jamais. C’est elle qui nous tient rassemblés, unis, entiers. L’écriture nous vient d’une colère d’enfance. De l’envahissement, du saisissement de nos chairs par un afflux de sang. Elle est inapaisable, c’est ce qui nous sauve. Notre part divine nous vient de cette colère. Nous aimons pour l’oublier.

Franck.

« J’avais peu de chaleur. Peu de chair sur les os. Cette chair ne suffisait que pour la colère, l’ultime sentiment humain. Ce n’est pas l’indifférence, mais la colère qui demeure en dernier, elle est le sentiment le plus proche des os. » (Récits de la Kolyma, Varlam Chalamov Verdier)

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23 août 2020

Hormis l’horizon…

 

Écrire, c’est le moment où l’on n’écrit pas. L’instant qui sépare deux mots. Deux phrases. Deux chapitres. Deux textes. C’est l’élan qui cherche à se survivre. C’est cet élancement de tout le corps dans l’espace inconnu qui sépare les mots de leurs cortèges de sons, d’odeurs, avec le glissement du sens dans la recherche d’une couleur plus juste, un saut plus net dans le vide toujours recommencé. Toujours à inventer.
Avancer dans les mots, c’est comme avancer dans l’amour. Puisqu’écrire c’est déjà aimer, c’est encore aimer. Écrire, c’est cette hésitation brulante qui nous pousse comme une fatalité à rechercher le plus clair de notre eau, c’est faire la place à cet Autre de l’amour qui nous suit en silence dans l’ombre de nos gestes, sur la pente de nos actes, jusque dans la plus intime de nos pensées ou le plus secret de nos rêves. C’est la paume des heures.
Écrire, c’est accueillir, cet autre de nous. C’est cela consentir. Puisqu’il ne s’agit pas d’être sauvé, mais le plus souvent d’expier.
Puisque rien n’est donné hormis ce chemin sur lequel je marche, et qui me mène d’un mot à l’autre, de silence en silence, de peur en peur. De l’eau sur de l’eau jusqu’aux marées d’hiver. Puisque rien n’est donné hormis l’horizon…

Franck.

7 août 2020

L'ininspiration...

 

Ce n’est pas l’inspiration qui vient à nous manquer. Elle ne compte pour rien. Ce n’est pas l’inspiration, mais la volonté acharnée de vivre. Un vouloir. Un noir vouloir à vivre encore. Mourir un peu plus loin, un peu plus tard. On écrit toujours dans un après, non par inspiration, mais dans l’extension d’un temps inhabitable. Écrire commence lorsque les muses sont mortes. Sur l’octave supérieure de l’abime. Là où le révolu reste encore à vivre. L’accroissement d’un désastre. L’inévitable développement de la fin..

Franck.

3 août 2020

L'entretemps...

 

Chaque texte nous laisse dans le passage. Un éternel passage. Sans rive. Être là. C’est tout. Toujours partir, et ne jamais arriver. Là. Dans le courant d’air de la vie. Les volets battent, les portes claquent, mais le texte nous laisse là. Entre. Pantelant dans le passage. Lourd. Sans aisance. Estropié du désir.
Les textes sont des orphelins. L’espace d’un instant, on a cru pouvoir leur offrir une famille… Puis ils nous quittent, alors on reste dans le passage. C’est désormais nous l’orphelin à secourir. Le texte nous a seulement accueillis un court instant dans sa famille de mots, sa famille turbulente, bruyante. Après, cette famille nous quitte.
Alors l’on reste là, dans le passage encombré de désordre, de silence.
On sait que l’on ne sera d’aucune famille, d’aucune fratrie.
On appartient déjà à la ruine, au désastre.
Le texte ne ment pas, il nous promet la solitude, il nous la donne. Comme une fleur rouge sang. Il l’incruste même. Il la grave, de peur que l’on oublie que c’est nous qui l’avons sollicité. Elle devient notre nom.
Alors, nous restons dans le passage. Entre les portes du désir. Coupé des horizons. Immobile entre deux mouvements, entre deux élans. C’est ainsi depuis la nuit des temps. Car la nuit des temps demeure le lieu du poème. Toujours. La nuit. Après le passage. L’entredeux.
L’attente.
L’inquiétude.
On ne ressort pas complètement indemne des mots. Avec cette double sensation. D’accroissement et de perte. La douceur, la violence. Comme dans le vertige. L’aggravation d’une pesanteur.
Pendant le texte, les atomes de la vie sont portés à incandescence comme dans l’amour quand les corps s’effleurent d’insouciance, d’oubli, ou quand ils se cognent l’un à l’autre dans l’abandon ou l’ivresse. Comme dans l’amour où brusquement on sait qu’il n’est plus question de douleur, mais de débordement où l’extase décide de ne plus descendre, mais au contraire de monter.
Le mascaret ride le fleuve comme un frisson de jouissance. Le texte nous a défaits du temps. Jeté hors des doutes, il nous a pris la main, le cœur, pour nous faire traverser l’infini à la perpendiculaire de nos passions, dans la diagonale de nos souvenirs. Le texte réinvente la géométrie de l’espace, du corps, et de son poids de chair tremblante. Dans les angles se trouvent l’ombre, le souffle. Les parallèles se rejoignent sur les lèvres des rêves. Les ellipses nous réchauffent de leurs foyers majestueux.
C’est un temps simplifié où les équations retrouvent leurs inconnues. Car les ondes ne vibrent plus. Elles ne font que chanceler, que frémir, elles n’oscillent plus. Elles ne font que se balancer comme les roseaux dans la brise d’été.
Le mascaret redresse le fleuve de sa langueur chagrine.
Juste après le texte, la droite se raidit, l’infini se relativise, les parallèles s’assagissent, se mettent à bonne distance l’une de l’autre, comme des inconnues qui se toiseraient de haut. Les perpendiculaires s’ennuient à nouveau, et l’ombre quitte les angles morts de la vie pour se répandre en obscurs savoirs.
Après le texte, c’est le temps des redites, des pensées sur la pensée, des constructions fragiles. Après le texte, c’est le temps des insectes. Temps mesuré, sans ambition, sans imagination, qui ne sait que finir.
L’entretemps des textes, avec le fleuve vautré dans sa lassitude féroce, gourmande. Ce sont des temps somnambules, nos actes ressemblent à des actes, mais ils n’en ont plus la vérité, comme si le rêve était clivé, ou troué par la lame du soleil. Ou de l’insomnie.
On reste dans le passage, dans les couloirs du jour avec des portes à l’infini, des portes closes. Et le fleuve qui coule dans son infinie indifférence hautaine. Notre maladresse importune les silences, car ici, dans le passage, ils ont changé de nature, d’humeur. Ils nous regardent, ils nous désignent. Certains nous accusent.
Après le passage. Un autre mascaret. Après… Un autre… Une autre encre…
La hache du texte coupe un peu plus mes amarres.
Je suis en partance pour l’exil.
Un jour, il n’y aura plus de retour possible.
Un jour, cela sera la disgrâce…

Franck.

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