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J'irai marcher par-delà les nuages
11 octobre 2020

Tectonique des plaques…

 

La redite, l’insistance, la persistance, les trois stades de la maladie d’écrire. Plus on avance dans cette maladie mortelle, moins elle pèse. Plus elle est grave, plus elle se déploie dans le sang, dans les jours, plus elle s’agrippe à chaque fibre, à chaque respiration, plus elle est mordante aux jointures du rêve, plus elle nous éloigne, plus elle nous épuise et moins l’on voudrait en guérir.
La redite, l’insistance, la persistance constituent les autres formes païennes, de la litanie, de la prière, de l’oraison, car il s’agit d’atteindre la chair, jusqu’à l’au-delà de la chair.
Atteindre la dimension de sa mort. Être dans la juste dimension de sa mort. Celle qui viendra. Celle pour laquelle on est là.
Passer de la fatalité, au don à recevoir, pour finir à l’offrande gracieuse.
La littérature nait d’un frottement, comme les plaques tectoniques. Deux mouvements lents qui s’opposent, pierre contre pierre, temps contre temps, puissance contre puissance, usure contre usure. Le résultat, c’est le volcan, le tremblement de terre, la vague scélérate. La littérature est le lieu impossible, le lieu d’une précieuse brulure, inhabitable, invivable. Inachevable. Car dans le même mouvement, se mêle le renouveau avec la fin. Les plaques tectoniques de notre vie bougent la grande masse de nos souvenirs, de nos illusions, de l’accumulation répétée de nos regards, de ce magma informe, tremblotant comme de la gélatine peureuse. Toutes ces plaques bougent, s’incrustent, s’insinuent les unes dans les autres, s’engloutissent dans l’oubli, l’indifférence, le mépris et l’abjuration. Cela frotte, cela racle, cela cure, cela écrase. Des continents d’existence, qui à force de dériver, se choquent, se heurtent. Se brisent. C’est un fracas de douleur et d’extase
L’écriture se nourrit de notre disparition. Atteindre la dimension de sa mort. Être dans la juste dimension de sa mort, à force de redite, d’insistance, de persistance. Comme si la maladie de l’écriture effaçait nos vanités, nos prudences. Comme si la maladie de l’écriture tranchait dans le gras, le ventru, l’inutile. Pour qu’à la fin on puisse juste enfiler un voile d’ombre. La peau de l’ombre sur notre peau de chair. Sans plis, sans couture, ni ourlet.
Le corps de l’écriture est le lieu du frottement, des masses brassées, le lieu de l’imminente menace. La redite, l’insistance, la persistance. Le corps de l’écriture est toujours marqué des stigmates, du symptôme d’un temps pur.
Le temps pur est un temps vécu à sa juste proportion, à son juste poids. Un temps débarrassé. Il tient debout par sa seule force, sa seule volonté. Sa seule nécessité. C’est un temps qui n’est pas comptabilisé dans nos ans. Il est pur, parce qu’il n’a pas d’épaisseur. De la durée, il ne possède que la lumière. Il est éclat. Étincelle. Il est le chant.
La maladie de l’écriture possède trois stades : la redite, l’insistance, la persistance, plus cette maladie s’aggrave, plus elle vient en lieu et place de l’inconstance, de l’impermanence, de la précarité.
On connait alors les trois degrés de la puissance : la faiblesse faite de boue, d’ivresse, la fragilité faite de verre et obsidienne, la tremblance faite de silences consumés et d’éternité.
L’autre nom de l’abondance.

Franck.

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