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J'irai marcher par-delà les nuages
25 octobre 2020

Ce grand champ de neige…

 

Recherche du lieu. Géographie impossible. Cartographie de nos vies, de nos actes. Impossible chemin qui s’enroule en forme de destin. Impossible traversée du sens. Besoin de nommer, de dire ce qui n’a pas de nom, ce qui n’a jamais été dit. Relevé cadastral dans le champ vacant des rêves, des désirs, du temps qui se déploie. Resituer les mots dans un espace, une localisation. Il faut les ancrer dans la chair vivante. Encrer le désossement de la parole.
Jamais rien n’est dit. Il faut s’en convaincre. Puisque la vérité se trouve dans l’entre-mot, dans l’entre-texte, dans cet élan de nous qui nous échappe, et qui, pourtant, nous révèle. Sans nous. Dans notre absence même. Qui nous condense.
Qui nous recouvre du linceul de la langue.
Hors lieu qui s’agrippe aux parois vertigineuses de la mémoire.
Frottements des lieux impossibles sur l’arête d’un temps impossible. La déchirure, reste le premier lieu, grand vortex pour cette traversée impossible.
Impossible comme l’ultime forme de notre devenir. Notre dé-présence. Notre dé-naissance.
Quand il n’y a plus rien, il reste le mouvement. Le seul mouvement. L’invisible mouvement. Comme la vague qui résume l’océan. Insaisissable vague que rien ne fixe. Qui est là, sans être là. Qui est déjà ailleurs. Mouvement incessant de retour, de redéploiement. Déséquilibre du vivant à la recherche de son centre, de son lieu fictif. Centre de gravité. Gravité. Grave. Comme la pesanteur de la joie.
L’écriture dessine les contours de ma peau. En creux. Par défaut. Le vivant se révèle là, dans le silence. Un silence pochoir. Qui cache, mais révèle. Qui tait, mais donne à entendre.
Oppositions des formes pochoir qui se répondent à l’inverse d’elles-mêmes. Là, dans la béance. Lieu de suture, lieu de coupure.
Ici, il n’y a pas de vérité. Seulement une résonance. Le corps qui résonne avec la chair des mots. Avec le mouvement. Le balancement des vagues dans le corps. Lent. Comme un labour profond qui trace les dessins de la cicatrice. Un labour qui va chercher la terre d’en bas. La terre maudite. La terre noire. Celle des moissons futures.
Jamais rien n’est dit. Hormis le mouvement, l’élan vers une forme qui nous échappe toujours.
Mes textes chuchotent entre eux. Ils se répondent dans un espace inconnu de moi. Textes. Sous-textes. L’espace de la déchirure. Lieu des métamorphoses. Les textes construisent une forme que je ne vois pas encore. Une matrice invisible. Forme pure du mouvement. Comme si les bords de l’infini s’agrandissaient, dévoilant des étendues nouvelles, des profondeurs étranges. Je ne peux que m’accrocher au mouvement, au seul rythme. Au brassage des eaux. À la scansion. À la stridence.
Sortir du ventre des mots, de leur chaleur, accoucher d’une autre respiration. Une autre chair. La déchirure, comme la forme pure de l’avènement.
Je suis sur la coupure. Juste là. À l’endroit où tous les mots ont été épuisés. Accepter cet épuisement. Consentir, à ce grand champ de neige et aux cendres. Consentir à l’hémorragie. Lent cheminement du renouvèlement. Marche vers l’aube. L’aube qui sacre la fin de l’épanchement de nuit. L’enfin de la fin.
L’aurore arrache ses derniers lambeaux de nuit, sa parole vivante ouvre sur un nouveau baptême, l’alliance rayonnante de la lumière, du printemps, noce du jour et du consentement.
J’ai traversé ce grand champ de neige, ni vivant ni mort… Autre…
J’ai traversé ce grand champ de neige afin que s’épuise le passé.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour que chaque mort trouve sa place. Sa juste place.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour rejoindre la rive des vivants.
Innocent de rien, mais le pas plus pesant. Comme la joie : grave. J’ai devant moi un océan avec cette lumière qui troue les vagues, et ce mouvement vers l’aurore calme, comme un premier matin.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour blanchir ma parole, pour l’offrir lavée, nettoyée, purifiée.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour changer de saison.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour ouvrir la déchirure. Pour la bénir aussi. L’aimer, puisque c’est le sens de demain. Puisque c’est le seul endroit habitable. Puisque c’est mon lieu. Le lieu des résurrections. La déchirure comme seule naissance possible.
J’ai traversé ce grand champ de neige enfonçant mes mots jusqu’à la perte du sens, grelotant d’effroi, glissant d’un vide à l’autre.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour voir fleurir un grand champ de blé, piqué de rouge par le frissonnement des coquelicots, bruissant de bleu par une source d’eau claire…
Quelle que soit l’histoire, nous n’écrivons toujours qu’au présent.

Franck.

 

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17 octobre 2020

Frontière…

 

Nous ne respirons que dans les passages, dans l’entredeux. Nous ne vivions qu’à l’approche du crépuscule ou de l’aurore, dans ces temps défaits, dans l’attente des franchissements.
Écrire, c’est être sur la ligne de faille, toujours au bord d’une invocation, toujours sous la menace d’une imprécation. Nous sommes maudits, nous le savons, et nous puisons là toute notre bonté, toute notre joie. Nous sommes maudits, mais l’écrire allume un ciel étoilé.
Écrire invente un langage où il n’y a plus de lieu, où il n’existe que la peur, l’effroi, l’inconcevable, mais d’où jaillissent le feu et la lumière.
Écrire, c’est tracer une peau dans l’entredeux inhabitable. Ce qui nous sauve, c’est l’oubli… Alors, nous recommençons, toujours naissants… Toujours naissant… Infiniment… Toujours aimant.

Franck…

11 octobre 2020

Tectonique des plaques…

 

La redite, l’insistance, la persistance, les trois stades de la maladie d’écrire. Plus on avance dans cette maladie mortelle, moins elle pèse. Plus elle est grave, plus elle se déploie dans le sang, dans les jours, plus elle s’agrippe à chaque fibre, à chaque respiration, plus elle est mordante aux jointures du rêve, plus elle nous éloigne, plus elle nous épuise et moins l’on voudrait en guérir.
La redite, l’insistance, la persistance constituent les autres formes païennes, de la litanie, de la prière, de l’oraison, car il s’agit d’atteindre la chair, jusqu’à l’au-delà de la chair.
Atteindre la dimension de sa mort. Être dans la juste dimension de sa mort. Celle qui viendra. Celle pour laquelle on est là.
Passer de la fatalité, au don à recevoir, pour finir à l’offrande gracieuse.
La littérature nait d’un frottement, comme les plaques tectoniques. Deux mouvements lents qui s’opposent, pierre contre pierre, temps contre temps, puissance contre puissance, usure contre usure. Le résultat, c’est le volcan, le tremblement de terre, la vague scélérate. La littérature est le lieu impossible, le lieu d’une précieuse brulure, inhabitable, invivable. Inachevable. Car dans le même mouvement, se mêle le renouveau avec la fin. Les plaques tectoniques de notre vie bougent la grande masse de nos souvenirs, de nos illusions, de l’accumulation répétée de nos regards, de ce magma informe, tremblotant comme de la gélatine peureuse. Toutes ces plaques bougent, s’incrustent, s’insinuent les unes dans les autres, s’engloutissent dans l’oubli, l’indifférence, le mépris et l’abjuration. Cela frotte, cela racle, cela cure, cela écrase. Des continents d’existence, qui à force de dériver, se choquent, se heurtent. Se brisent. C’est un fracas de douleur et d’extase
L’écriture se nourrit de notre disparition. Atteindre la dimension de sa mort. Être dans la juste dimension de sa mort, à force de redite, d’insistance, de persistance. Comme si la maladie de l’écriture effaçait nos vanités, nos prudences. Comme si la maladie de l’écriture tranchait dans le gras, le ventru, l’inutile. Pour qu’à la fin on puisse juste enfiler un voile d’ombre. La peau de l’ombre sur notre peau de chair. Sans plis, sans couture, ni ourlet.
Le corps de l’écriture est le lieu du frottement, des masses brassées, le lieu de l’imminente menace. La redite, l’insistance, la persistance. Le corps de l’écriture est toujours marqué des stigmates, du symptôme d’un temps pur.
Le temps pur est un temps vécu à sa juste proportion, à son juste poids. Un temps débarrassé. Il tient debout par sa seule force, sa seule volonté. Sa seule nécessité. C’est un temps qui n’est pas comptabilisé dans nos ans. Il est pur, parce qu’il n’a pas d’épaisseur. De la durée, il ne possède que la lumière. Il est éclat. Étincelle. Il est le chant.
La maladie de l’écriture possède trois stades : la redite, l’insistance, la persistance, plus cette maladie s’aggrave, plus elle vient en lieu et place de l’inconstance, de l’impermanence, de la précarité.
On connait alors les trois degrés de la puissance : la faiblesse faite de boue, d’ivresse, la fragilité faite de verre et obsidienne, la tremblance faite de silences consumés et d’éternité.
L’autre nom de l’abondance.

Franck.

4 octobre 2020

Une crique...

 

Alors, écrire, c’est encore s’égarer dans une enclave de temps. Une sorte de crique. On y accèderait que par le chemin escarpé de parole, par une voix transgressée, une voix méconnue, une voix étrangère à notre voix, par la muqueuse d’un monde que nous ne savons pas habiter. Écrire serait appartenir à la terre sans y appartenir. Une crique ou une ile sauvage. Quels sont les lieux inhabités en moi ? Quels sont les lieux escarpés ? Quelles sont les étendues dévastées ? On vient tous d’une humanité fracassée. Écrire est sans issue. Peut-être quitter la crique par la mer, quitter l’ile. La seule brèche se trouve dans le bercement de l’horizon. La solitude exténuante, caniculaire. Il y a là un désir mortel. Inexplicablement mortel. Un point de violence abrupte, que l’écriture délie dans la coïncidence des temps. La brulure des chairs. La brulante patience des constellations. Écrire, c’est déjà la mort. On vit dans un temps écrasé. On écrit dans un temps sans limites. Puisque c’est déjà la mort.
Écrire est sans savoir, c’est ce qui défait les livres, ce renoncement à toute explication, cette patience d’une parole crucifiée, béante. Une parole de nuit, avec le retour de l’abandon. Sans cesse le retour de l’abandon.
Écrire est sans savoir. Un cri, avec la face effarée par une peur qui ne dit pas son nom. Un silence l’accompagne, un long silence prémonitoire…

Franck.

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