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J'irai marcher par-delà les nuages
22 novembre 2020

L’œil… la main...

Comme si le texte était ce pont, cette arche entre les yeux et la main. Car voir n’est pas suffisant, voir n’épuise pas notre désir. Voir n’apaise pas assez nos peurs. Voir, parfois, les augmente. Voir propose un monde qui nous est sans nul doute étranger. Voir est déjà un exil. Toucher est alors le premier geste d’appropriation. D’incorporation. Faire rentrer dans le corps ce que l’œil a vu. Apprivoiser la distance, l’espace, les formes. À cause de l’horizon, voir nous suggère un temps d’après, une menace toujours possible à venir. Avec le voir, nous sommes toujours misérables, dépendants. Isolés. Relégués. Le monde du voir est sans limites. Sans arrêt. Éternellement passant. Insaisissable. Incompréhensible. Inhabitable. Car toucher est si pauvre. Ma main se pose sur si peu de choses. Si peu de peau. La main définit la frontière de mon étroite maison. La proximité rassurante. Le presque soi. Le dérisoire.
L’amoureuse et l’amoureux occupent cet espace sans épaisseur entre le voir et la main. L’incorporation. L’amoureuse et l’amoureux passent des yeux à la main, de l’image à la main. De l’infini du possible à ce baiser-là, à cette lèvre-là, à cette peau si blanche, si présente, si chaude, si souple. Là, dans la paume ouverte du désir.
Écrire refait le même chemin à rebours. La décorporation. L’écriture nait de la chair. C’est son premier mystère. Sa première révélation. Elle nait de la chair, de la voix de la chair. Elle nait de la consistance d’un toucher. De la contrainte des masses. De leur frottement. Au départ de l’écriture, se trouve le sang rouge, puis les caillots gluants. Au départ, il y a la main qui tremble. Il y a le geste. Le mouvement qui s’exhorte lui-même. Au départ, écrire, c’est extraire du vivant primitif.
Le cri est la première chair du mot. Il n’est pas encore vision. Il est la défenestration de notre prison, il n’a pas encore trouvé la main. C’est une chair décrochée. Écrire, c’est tenir ce cri assez longtemps pour en faire sortir les images, pour le faire passer au voir, pour le faire devenir monde, univers, constellation. L’offrande à l’œil.
L’amour dit ce premier cri à l’envers.
Tout se joue entre l’œil et la main. Dans ces allers-retours qui tentent de les relier. Écrire, aimer, le même chemin, l’aller et le retour d’une vie. L’un comme l’à rebours de l’autre.
Le texte est ce pont, cette arche. Le lieu des métamorphoses. Le mot est un geste qui voit.

Franck.

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Commentaires
B
Pour écrire, il faut ressentir<br /> <br /> Sans ressenti, il ne peut y avoir d'écrit.<br /> <br /> Très beau texte encore!<br /> <br /> Bon dimanche
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