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J'irai marcher par-delà les nuages
25 juillet 2021

La vie tremblante…

 

Écrire, c’est passer du côté de la nuit. Chaque mot est un lambeau d’ombre, un épuisement, un reste, le balbutiement du néant. Aucun soleil ne se lève aux aurores d’écriture. Rien. Il n’y a que la nuit, celle qui annonce une nuit plus grande encore, celle de nos tombeaux, de nos morts quand le noir s’effondre sur le noir, quand la fin est là, dressée dans le miroir des yeux comme cette ombre plus sombre encore, qui veille sur nous, son aile noire posée sur nos yeux et ses griffes accrochées à nos entrailles.
L’écriture nait d’un singulier mariage, celui de la nuit et du silence.
Écrire nait d’un terrible paradoxe, la mort la plus sauvage au cœur de la vie la plus tremblante.

Franck.

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18 juillet 2021

Dire toujours la fin…

 

Écrire, revient toujours à dire la fin du monde. C’est mettre le passé comme horizon, mettre la mort à sa table avec la disparition dans chaque temps du souffle. Écrire, c’est finir, c’est toujours finir, avec assez de joie pour recommencer, inlassablement, dire la fin avant la fin, dire l’insoutenable avec assez d’espoir. Déployer son regard sur la lande, sans frayeur, regarder le désert de la lande, des brumes, du vent, du froid, puis aller, aller sans cesse plus loin, plus au froid, plus au vent, toujours plus vivant.

Franck.

11 juillet 2021

Trois grains…

 

L’écriture trace au large de nous-mêmes les frontières d’une liberté inatteignable. L’enjeu demeure là. Insupportable et jubilatoire. Écrire définit une liberté que nos gestes répudient. Écrire dépasse notre liberté. C’est ce qui vient après. Écrire advient après la traversée du désert, dans un pays qui outrepasse nos gestes, nos jours. On a connu l’esclave, l’homme libérable, l’homme libéré, l’homme libre, seulement bien après, le poète. Le poète nait des mirages du désert. Il nait dans le tremblement de la lumière. D’un étourdissement. Il nait dans ces océans bleus qui surgissent au-delà des sables. Il nait de cette marche insensée vers ce froissement de l’horizon. Il nait d’une folie.
L’œuvre reste dans un temps qui nous est étranger, d’un regard effaré par l’incessante perte. L’œuvre est toujours dans le deuil d’elle-même, elle se déploie sur un linceul.
Les lectures sont de grandes funérailles.
L’incessante perte. Écrire, c’est le mouvement que l’on fait pour se saisir d’un oiseau. Juste le mouvement. L’élan. L’oiseau s’envole à chaque fois. Ce que l’on a voulu saisir s’envole à chaque fois, il reste à peine la trace du geste dans l’air, la trace de ce désir fulgurant, insensé. L’éclat du poème. La perte. Toujours la perte. Un élan qui efface un mystère, qui en ouvre un nouveau. Comme si le geste toujours vain réveillait l’éternité.
Le poème est toujours en retard du prochain. L’écriture trace au large de nous-mêmes les frontières d’une liberté inatteignable.
Le savant demandait : « Que gagnes-tu à écrire des poèmes ? » Le monde des savants est un monde simple. Il est fait de réponses apparemment justes à des questions apparemment importantes. Contrairement au monde des poètes qui lui est fait de réponses apparemment fausses à des questions apparemment sans importance. Le savant ne saura jamais que dans le poème si rien n’est juste tout y est vrai. Le savant demandait : « Que gagnes-tu à écrire des poèmes ? » La vraie question aurait pu être : « Que perds-tu à écrire des poèmes ? »
Que perds-tu à provoquer les gargouilles de la mémoire ? Que perds-tu dans ce cortège de phrases nuptiales ? Que perds-tu dans cette langue constellée de féroces désinvoltures, dans ces soubresauts démesurés, dans ces dévotions infidèles ? Que perds-tu dans ce vagabondage de crucifié, qui longe les lisières craquelées de l’innommé ? Que perds-tu à cette plainte sourde et furieuse ? Que perds-tu à vider ces grandes charrettes d’envoutements ? Que perds-tu dans ces conjurations fracassées, brisées, fendues, dévorées de boues vaincues ? Que perds-tu dans ces fabuleuses absolutions aux coroles béantes et poussiéreuses ? Que perds-tu dans ces danses qui s’abiment dans la soie, à l’ombre des profondeurs béantes ? Que perds-tu… ? Que perds-tu, nom de Dieu ?
Je voudrais tout perdre, même encore plus. Je voudrais tout perdre, qu’il ne me reste rien, hormis trois grains de tendresse au creux de ma paume ouverte, que je tendrai vers Elle. Trois grains de soleil pour éclairer sa part absente. Trois sourires. Trois baisers. Trois aurores buissonnières. Trois calices de caresses. Trois soupirs. Trois silences. Trois fois rien, en somme.

Franck.

4 juillet 2021

Ignorance…

 

Il fallait bien en convenir, le mouvement s’était détaché. Le geste s’était défait. La sidération venait de l’impossibilité à reprendre son souffle. Lente dérive inévitable. L’éloignement de soi à soi. La séparation. Séparé de soi, du geste, du mouvement.
Nous passons une vie à couver l’œuf de la solitude. Nous ne le voyons pas. Il se tient là au creux de chacun de nos jours. Gestation sans naissance. Éventration.
Écrire désigne notre solitude, lui donne un nom. Quel est le nom de ma solitude ? Consentement ? Peut-être.
Nous n’avons que notre mémoire, et la voix qui la dit ne nous appartient déjà plus.
Je flotte sur mon passé, comme un bouchon de liège désespéré. Un passé sans ancrage. L’incessant mouvement des jours qui sombrent chaque jour un peu plus. Je flotte, bousculé par l’écume.
Il fallait bien en convenir, le geste s’était défait.
Quelque chose en soi se refuse à soi. Un rejet, une répudiation. Une nuit qui monte. Noire, toujours plus noire. Une disgrâce.
Un chagrin pèse, mais on ne le connait pas. Jamais.
On est inconsolable, mais on ne sait pas de quoi. Jamais.
Alors, un jour on écrit. Pour parfaire cette ignorance.

Franck.

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