(3) Le Flux...... (Fin)
Seulement un peu d’eau.
Le moment où l’univers reflue.
L’eau suce à nouveau la terre.
La terre aspire.
J’aspire
Comme un trop plein de vide.
Jusqu’à l’écœurement.
Tout d’abord il y un bruit imperceptible. Un peu de mousse qui se forme. Quelques bulles, un peu comme de la bave qui viendrait blanchir le sable. A nouveau. Quelque chose à nouveau s’accroche.
Entêtement fatal.
Avant le mouvement il y a l’intention du mouvement. Un désir, un rien. L’écume baveuse qui vient mouiller un peu plus loin le sable. On pourrait croire que cette mouillure tente de surgir du sable. Une mouillure de l’intérieur du sable.
Avant le mouvement il y a cette impression de suintement de l’intérieur.
La respiration vient après.
Du silence sort un souffle.
Il est diffus. Il est là : lent, profond, inévitable.
Inévitable.
C’est vraiment un souffle. Une respiration vivante.
L’infini qui respire.
Un trouble. Une ivresse.
Sensation troublante, comme est troublante l’apparition de cette mouillure venue de l’intérieur. Quelque chose de vivant. Trop vivant.
Cette respiration, cette succion, cette bave.
Rien n’est coordonné. Je ne perçois ces éléments que séparément. Pas d’unité.
Il n’y a pas d’unité.
Au début il n’y a jamais d’unité.
Que ce souffle. A l’intérieur. Plus d’eau. Seulement le souffle. La mémoire de l’eau qui berce.
Quand la mère se retire.
Quand la mère se retire il y a l’effroi. L’abandon à l’effroi. Bercé dans l’effroi. Je crie.
Rien que du cri. Pas les mêmes cris. D’autres. J’en ai plein la gueule. Ils me submergent, m’envahissent.
Maintenant la mer est à l’intérieur. La mère. Je crois. Son mouvement. Tout remue à l’intérieur avec cette respiration. Une vague moussue m’enveloppe, mais en dedans. Elle clapote insignifiante et têtue.
C’est quoi le néant ? La mère peut-être ? Sans doute. L’extase des ténèbres. La mère c’est toujours l’extase des ténèbres. Elle est là dedans. A jamais. Fascinante comme la mort, ou quelque chose qui y ressemble. La seule chose vivante ici c’est la mort.
Elle monte à l’intérieur comme une marée naissante. Le flux de la mort. Le reflux de la mère.
Maintenant la mer est là, qui monte comme une désespérante envie. Inexorable attraction du désir. Douloureux dans la chair. Plus profond encore que la chair. Dans le ventre. J’ai un océan dans le ventre. Un océan de désir douloureux dans le ventre. Quelque chose qui grossi, qui déferle. Vague après vague. Toujours plus haut. Plus fort. Impitoyable avalanche de la mer qui monte du plus profond du ventre.
Tout s’agite. Maintenant. L’univers bouillonne. Plus bas que le ventre, à l’endroit ultime d’où la marée remonte. Le seul endroit. Le lieu. D’où se dressent les vagues. Le trou obscur de l’univers.
J’entends les bruits de la mère. La mer s’arque boute sur un désir convulsif pour enrouler ses vagues toujours plus loin dans le ventre, vers une plage inaccessible.
Inaccessible. Voilà, c’est tout. Inaccessible. Le reste, tout le reste est un perpétuel recommencement.
La seule réalité se sont ces marées inutiles dans un univers inutile.
Il y a quelque chose de vain dans les marées. Pendant un instant, pendant que la nature pousse on se prend à espérer. Puis elle reflue. Se recroqueville.
Les marées n’accouchent de rien. La mer n’accouche de rien. La mère aussi.
Sûr d’une chose. L’invincible douleur. Le mal absolu de la déchirure.
Rien d’autre.
Se taire.
Regarder la mer jusqu’à l’ultime marée.
Tout est dans ce mouvement qui donne l’illusion de la vie. Va et vient. Apparition. Disparition. On croit naître de ce mouvement. Illusion.
J’existe depuis avant. Avant la déchirure. Avant le mouvement.
Comme la méduse.
Je suis né d’un va et viens. Du frottement des chairs. De l’usure désespérée des chairs entre elles. Rien de plus. Rien de moins.
Rien de beau là-dedans. L’usure inéluctable du va et vient des chairs. De la mer. De la mère. Né d’un épuisement de l’eau.
Illusion d’amour ou croire à la nécessité des choses. Rien n’est nécessaire. Au mieux il y a l’usure.
Danse macabre de l’usure des chairs. Deux méduses aussi vaines l’une que l’autre. Rien de nécessaire là-dedans.
L’amour. L’absence. Illusion de l’autre. C’est toujours le même vide, à cause de la même déchirure. La mer se contemple seul.
La mère aussi.
La seule réalité c’est le va et vient de la mer, ces marées qui montent et qui descendent, cette usure des chairs. Il n’y a rien à trouver, pas le moindre sursit.
Au mieux expier des illusions. Pris dans un jeu de reflets.
Jouet des transparences.
Pourtant la jouissances se dit dans des hurlements de bête.
La naissance aussi.
Les mêmes cris. Je viens de cette usure des chairs et d’un désir douloureux.
D’un reste.
D’un surcroît de tristesse au bout d’une plage désertée.
D’un épuisement.
Ne l’oublie jamais. Jamais. Méduse abandonnée. Rien de plus.
Le reste d’un combat obscène et douloureux. Des corps qui s’entremêlent dans le désordre d’un désir brutal. Des corps qui mugissent, se tordent. Des corps violents. Des chairs offertes.
L’extase. Comme un effondrement. Comme à l’heure incertaine du soir. Heure incertaine…. Plus tout à fait le jour…. Pas encore les ténèbres. L’effondrement progressif de la lumière. Extase où la mort bave ses poisseuses secrétions.
Extase. Torpeur des frottements. Usure des chairs. Du temps.
Quant au reste c’est l’histoire d’une marée. Perpétuelle ignominie.
Vacuité insoutenable.
Franck