Trop.....
La juste mesure du contenu et du contenant. Et du geste qui porte le texte à nos lèvres. Est-ce cela écrire ?
La mesure m’ennuie.
Il n’y aurait pas de règle, pas de loi. Simplement la voix pleine au ventre les mots. Il n’y aurait rien de conforme dans l’écriture, et les mesures s’excèderaient elles-mêmes, se déborderaient sans cesse. L’écriture serait l’art du déséquilibre, et du trébuchement, et du sursaut qui suivrait pour éviter la chute.
Ou seulement le long soupir qui l’accompagnerait dans la chute.
C’est l’art des bâtisseurs de ponts. Relier des rives, des constellations. Tout ce qui nous habite, tout ce qui est éparpillé dans nos nuits. Tous nos continents démembrés.
Nous avons de drôles de cieux à l’envers du crâne et de singuliers fleuves circulent dans nos chairs. Et l’arche des mots repose sur un souffle. Et les pierres de la voûte s’adossent les unes aux autres sans rien pour les maintenir, que de vagues rêveries, et les souvenirs font office de ciment. Et chaque mot du texte pousse vers le suivant pour vaincre apesanteur, pour éviter la chute. Et cette poussée est parfois désespérée. « Fragile et robuste ». Comme l’arbre qui tient dans sa poussée et la terre et le ciel. Et la terre et le ciel. L’écriture est un arbre de porcelaine aux feuilles de cristal.
Et le vent se perd dans son propre reflet.
La juste démesure du contenu et du contenant. Les écritures qui portent, qui trouent, sont celles qui sont déportées, déviées. Celles qui dérivent. Les écritures à souffle sont celles qui sont essoufflées, consumées. Et je sais des écritures désaccordées qui rendraient Mozart jaloux. Le débordement. Le déluge. Voilà. Seul l’excès convient à la voix. Il faut bien que l’eau déborde pour faire naître les sources. Il faut bien de la démesure pour pénétrer la pierre. Il faut bien un excès de joie ou de tristesse ou de silence, pour que la vie se survive. Il faut bien submerger la chair.
Un océan au bout de la jetée.
Un baiser au bout du silence.
La funambule avance dans la fragilité de son pas. Ce qui la fait avancer, ce n’est pas son équilibre, mais l’excès de déséquilibre. Tant de déséquilibre, que l’on croit la voir danser, avec son ombrelle rouge au bout des doigts. Un pas de danse au dessus d’un cœur béant.
C’est bien lorsque le contenu épuise le contenant que l’écriture apparaît. Il en va de même lorsque le contenant outrepasse le contenu, où, à force de formes, des sens nouveaux et inconnus apparaissent. Dans un cas comme dans l’autre c’est l’excroissance qui signe. Il en va de même pour le silence.
Il va de même pour l’amour. Que serait un amour sans les débordements de printemps, sans ce temps devancé, inondé, sans les murmures qui appellent le cri ?
Et la solitude à profusion, comme un richesse inépuisable.
Le texte tient par l’expansion des mots qui le traversent. Par l’hémorragie qui les suscite.
Et même la pénurie doit être excessive. Même le manque. Surtout le manque. Le manque en abondance.
Franck.