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J'irai marcher par-delà les nuages
30 septembre 2007

La hache.....

Lu cette phrase de Kafka : « Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée autour de nous. »

C’est exactement ça. Je rumine autour de l’idée du livre. J’en suis si loin. Mes textes dérivent, mais ce ne sont que des textes. Ils coupent mais ne pourraient trancher la mer gelée. Ils ont la pesanteur que je leur destine. Mais ce ne sont que des textes. Le livre c’est un autre continent, un autre acier.

 

Alors tenter de hisser la vie à la hauteur du livre. Mais le livre est toujours plus fort que l’écrivain qui le porte. C’est de l’inégalité de ce combat que le livre se développe. Les grands livres ont écrasés leurs auteurs.

Suis –je prêts à cet écrasement ? Suis-je prêts à le vouloir assez ?

 

Mon livre sera cataracte, ou ne sera pas.

Chaque texte précise peu à peu le lieu du combat. Ils marquent. Bornent. Resserrent l’espace.

Se dépouiller de toute indulgence. Encore. Revenir à l’essentiel, l’amour et sa brûlure. Et le désespoir, ne pas oublier le désespoir.

Chaque texte précise, mais il est encore un compromis, une façon d’accommoder des possibles.

Faire monter en soi les grands lacs de néant. Ces océans vides, tout en mesure. Tout en démesure. L’orgueil de la mélancolie. La respiration noire de la chair. Le cri.

 

Aurais-je la force de rassembler toute la gravité de l’enfant jouant ? Les grands livres sont écrits par des grands enfants. Il n’y a qu’eux qui pour avoir assez d’application dans la déraison, d’ascèse légère, de sérieux dans l’invention, de violence désinvolte. Ils ne connaissent de la beauté que la chair des mères. Ils n’inscrivent rien dans le temps, ils ne s’égaillent que dans l’éternité et dans les risées de lumière du jour. Ils sont dans une énergie brutale, sauvage, totale. Tyrans et mendiants à la fois, insupportables et étincelants.

Franck.

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29 septembre 2007

l'espace inconnu.....

Car le texte doit révéler l’inconnu. Non pas l’inconnu du savoir. Mais le toujours innommé qui git en nous. Le fou, le saint, le lumineux. L’inaccessible présence qui nous brasse. Ecrire c’est se défaire de nous. L’entêtement du geste. L’acharnement d’une répétition qui nous efface peu à peu. Labyrinthe de miroirs. Où se démêlent l’absent de l’écriture et le présent du texte. Où se dédoublent les voix. Se situer juste à cet endroit de l’âme où le retour du même n’est pas exactement le même. Comme si l’écho nous revenait prononcé par une autre bouche. Décalage. Contre temps. Contre pied. Esquive des présences qui toujours se dérobent et toujours surgissent. Là. Dans ce champ des défaites. Où les ruines ne sont plus le résultat de la décomposition du nouveau, mais où les ruines seraient l’expression toujours la plus nouvelle du futur.

 

Et la voix se superpose, puis efface le sens des mots. Ce qu’il y a de vacarme en eux. Les mots qui perdent leurs sens sont des mots aggravés. Des étoiles.

 

L’écriture avance vers les confins, vers les lieux du décollement du sens. Imprenable. Même par la main qui la produit. Surtout par cette main. Un cheminement paume ouverte. Prête aux stigmates. Comme le signe d’un accomplissement. Lequel ?

 

L’accomplissement de la nuit. Même de jour, c’est la nuit que nous accomplissons en nous. Pour maintenir l’étrange. Décoller la lumière du réel. Etre au repos du réel. Enfin accueillir ce qui vient. Ce qui vient. Œdipe. L’ermite. Anéantir toute explication. Engloutir toute signification. La grande nuit de la toute présence, celle qui nous rend à nous-mêmes et au monde. A la nudité. A la pauvreté. Passer du tremblement à la tremblance. Passer du feu à la flamme. L’œuvre.

 

Traverser.

 

Jusqu’à l’intense immobilité d’un silence. Le texte est habité d’une puissance vivante qui m’écrase à chaque fois un peu plus.

 

Entre l’amour et le désir il y a un espace

Entre l’écriture et le texte il y a un espace, le même.

La nuit. L’imprononçable nuit. Le lieu des grands gisants.

Entre mes lèvres et tes lèvres. La nuit.

La nuit que je traverse à chaque mot, pour te rejoindre, enjambant les gisants et les siècles.

Retraçant infatigablement le chemin qu’il te faudra consacrer.               

Franck.

23 septembre 2007

Des endroits singuliers........

Il y a dans le texte des endroits singuliers. Des sortes de trappes. Des passages qui ne sont reliés à rien de connu. A rien de reconnaissable. Comme s’ils étaient écrits en notre absence. Ou alors comme s’ils préexistaient à l’écriture elle-même. Comme s’ils avaient toujours été là. Comme s’ils nous attendaient, avec la patience des siècles. On a cette sensation que l’on pourrait être absorbé, là, tout d’un coup. Que tout pourrait s’arrêter. Et que ça n’aurait aucune importance. Que ça serait bien, ainsi. Il y a dans le texte des endroits singuliers, on ne peut les désigner, les nommer, pourtant on sait qu’ils sont là. Ils guettent. Ils pourraient être menaçants. Et pourtant sans leurs présences le texte s’effondrerait. On le sait. La voix du texte marche sur un fil grave et tranchant et la parole se dérobe, les mots manquent aux mots. Et l’océan recèle des terres singulières. Des terres qui n’appartiennent pas à la terre, des terres qui n’appartiennent à rien. Elles sont là. Comme un hoquet. Les hauts fonds du texte, de nos souvenirs. Lieux de naufrages. Lieux des présences, où les visages flottent comme des méduses. Lieux des possibles.

 

Souvent, le soir, j’allais m’assoir sur les rochers, tout près du bord. J’écoutais le sang de la mer battre. J’écoutais, comme si je cherchais mon propre sang. Il y a dans cette obstination marine les prémices d’une fatalité. Le premier chant. Le dernier. L’incessant retour des eaux, l’incessant battement. Le premier rythme. La première phrase. Qui s’enroule sur elle-même. Et qui bat. Qui vient frapper le cœur vide du temps. Il y avait dans ces instants les traces d’un ennui inquiet. Dans ce souffle sonore et nocturne, il y avait tout un futur qui se disait. Avec la colère sourde qui roulait sous mes jours comme des galets. Pas une colère franche, nette, bruyante, non, mais colère de fond marin, une colère des abîmes. Profonde et noire. Et qui venait juste là, écumer sur l’arête des rochers. Et j’écoutais le sang de la mer battre, à contre temps de mon sang. La tête vrillée d’un ennui insolite. Planté là, immobile et attentif. Et la mer nous renvoie toujours à l’impossible de nos désirs, on ne sait jamais décider si elle nous propose un départ ou une fin. Usant également le vivant et le mourant en nous. Toujours usant.

 

Il faut un long temps d’attente pour que le ressac use enfin l’ennui. Il faut un long temps d’attente pour sentir monter du plus profond de sa chair, le balancement, et puis le bercement.

 

Souvent, le soir, j’allais m’assoir sur les rochers, tout près des vagues, tout près de la bouche de la mer, et j’écoutais sa voix, jusqu’au balancement, jusqu’au bercement. Et il faut un long temps pour épuiser l’écume et sa colère. Et un long temps pour qu’enfin les larmes viennent, avec leur voile de silence. Et cette sorte trêve au milieu du chaos.

 

Il y a dans le chant de la mer des endroits singuliers. Des sortes d’arythmies. Des cadences, des souffles, qui ne sont reliés à rien. Comme s’ils préexistaient à la mer elle-même. Comme s’ils avaient toujours étaient là. Comme s’ils nous attendaient. Comme si le chagrin et les larmes les révélaient, une fois l’ennui usé.

 

Il y a dans le chant de la mer des espaces qui laissent passer la vie. Des endroits singuliers où l’on entend les plaintes des baleines. Et qui laissent entrevoir un possible à écrire.

Franck.

22 septembre 2007

Une crique......

Il y eut les landes sauvages, et puis il y eut le rivage, et puis il y eut l’océan. Partir toujours et n’arriver jamais. On quitte les lieux, on quitte les autres, après on se quitte soi-même. On ne se remet jamais de tous ces départs, de tous ces abandons. On vit dans un temps écrasé.

Ecrire est cette longue énumération de ce temps défait. La liste des noms des absents. La liste des silences. Dénombrement. Démembrement. Inscription vaine et lumineuse. Ravauder sa solitude, jusqu’à l’épuisement, ou jusqu’à l’ivresse. Mais nous sommes trop lâches pour être assez désespéré. Trop faible pour nous arrêter ou nous taire. Inconstant dans notre attente.

Le premier mot fut un cri. Et penser fut d’abord penser l’intolérable, l’inacceptable. Et le premier cri a suivi le premier effondrement. Et il est venu signer la première solitude. Et nous n’avons fait aucun progrès. Des petits désirs pantelants, des ambitions sans exigence, des caprices concupiscents et puis de longues indifférences. Et quelques dieux pour nous distraire.

Alors, écrire c’est encore s’égarer dans une enclave de temps. Une sorte de crique. On y accéderait que par le chemin escarpé de parole, que par une voix transgressée, une voix méconnue, une voix étrangère à notre voix, un monde que nous ne savons pas habiter. Ecrire serait appartenir à la terre sans y appartenir. Une crique. Une île sauvage. Quels sont les lieux inhabités en moi ? Quels sont les lieux escarpés ? On vient tous d’une humanité fracassée. Ecrire est sans issue. Uniquement quitter la crique par la mer. La seule issue se trouve dans le bercement et l’horizon. Et la solitude exténuante, caniculaire. Il y a là, un désir mortel. Inexplicablement mortel. Un point de violence abrupte, que l’écriture délie dans la coïncidence des temps. La brûlure des chairs. La brûlante patience des constellations. Ecrire c’est déjà la mort. On vit dans un temps écrasé. On écrit dans un temps sans limite. Puisque c’est déjà la mort.

Ecrire est sans savoir, et c’est ce qui défait les livres, ce renoncement à toute explication, et cette patience d’une parole crucifiée, béante. Une parole de nuit, avec le retour de l’abandon. Sans cesse le retour de l’abandon.

Franck

16 septembre 2007

Une chose que l'on ne sait pas faire......

C’est une chose que l’on ne sait pas faire, et pourtant on la fait. Et c’est déraisonnable. Et on la fait. Sans savoir vraiment ce que l’on fait. On sait seulement qu’on fait cette chose. Et que c’est important de faire cette chose qu’on ne sait pas faire. Parce qu’elle est impossible à faire. Mais que là, dans l’instant où l’on est, il faut la faire. Que si on ne la fait pas, iceberg_drydockcette chose, il pourrait advenir un irréparable. Ecrire se vit toujours dans l’annonce d’un avenir déjà révolu. Alors écrire c’est repousser la catastrophe ultime de la mémoire. La collision des temps contraire. D’où cette sensation d’écrasement. Et de jubilation enfantine. L’imminence tenue en respect. L’urgence comme viatique. La menace comme respiration. La nécessité comme sang.

C’est une chose que l’on ne sait pas faire. Jamais. Et pourtant on la fait. Comme vivre, comme aimer. Une ignorance brûlante, dangereuse, conquérante. Comme vivre, comme aimer. C’est pour ça qu’on la fait, cette chose d’écrire. Pour perpétuer l’ignorance. La prolonger. L’augmenter.

 

Alors, on consent à la dérive, comme ces glaces lourdes et majestueuses, dans les océans froids du nord. Ecrire, aimer, vivre, c’est toujours un peu dériver, se perdre avec lenteur et grâce. Avec constance. Passer d’un silence à l’autre, jusqu’à n’être plus que de l’eau dans de l’eau.

La fonte des glaces dans l’océan c’est la grande tragédie de la vie, de l’amour, et de l’écriture. Être de grands navires à iceberg_domedla dérive sur un océan sans horizon.

 

Et l’écriture fond à mesure qu’elle se dit.

Et la parole de l’écriture est une eau trop salée.

Et écrire c’est retrouver la voix de nos premières ignorances.

Et c’est une chose que l’on ne sait pas faire, et pourtant on la fait, cette chose.

Jusqu’aux larmes.

Et c’est extravagance.

Franck.

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15 septembre 2007

Avant le labour.....

90_003005Au pied de l’écriture on est comme le laboureur au pied de son champ avant le labour, avant la charrue, avant la fin des siècles. Avant, Il y a ce temps d’arrêt. Et le monde est contenu dans ce temps d’arrêt. Et le laboureur regarde l’étendue devant lui, et il la sent déjà dans ses mains, dans ses épaules. Déjà il est chair de terre. Là, dans l’avant. Et il n’a déjà plus famille, plus d’âge, plus de nom. Là, le laboureur ne sait plus rien de sa vie. Et il respire profondément, et déjà il cherche les sillons dans son sang, il appelle l’effort et la douleur, il appelle ses muscles. Alors il regarde l’horizon et il respire profondément au pied de champ, au pied de sa peine, au pied de sa misère et de sa gloire.

 

 

 

Et les senteurs remontent de la terre en attente, des odeurs de siècles, de vie et de mort.

Le laboureur au pied de son champ est seul. Toujours. Car c’est l’œuvre répétée de sa vie. Il est seul, sans personne, sans dieux. Il est simplement avec sa désespérance mêlé de singulière impatience. Il est seul, traversé par les violences et les révoltes, traversé par un océan instable, immense et pourtant incertain. Il respire profondément. C’est l’instant de la terre. Et les prières sont épuisées.

 

 

 

Dans l’avant, la terre est sans miséricorde. Elle est encore sans promesse, elle est là dans une absolue présente. Elle attend. Elle attend les larmes et la sueur, elle attend un sang qui la sacre, elle attend le geste assez droit, assez pur pour se90_003016 mettre à trembler. C’est le temps de l’avant. Le temps arrêté de l’avant. Un temps sans partage. Mais un temps découpé par le couteau d’une solitude étincelante et verticale. Le temps de l’avant est un temps sidéré. Un temps sauvage, qui précède le cri, qui précède la rage.

 

 

 

A chaque respiration le champ grandit. Alors le laboureur respire de plus en plus profondément pour que le champ qui grandit sans cesse puisse envahir sa poitrine. Et faire pénétrer chaque sillon, et chaque pierre.

Vaincre le champ, ou périr sous a terre.

 

 

 

Déjà, il ne peut échapper à son champ. Déjà, il n’y a plus de retour. Et si le laboureur se saisi d’un peut de terre pour la porter à ses lèvres c’est plus pour l’embrasser que pour l’éprouver, et s’il pleure c’est plus par débordement que par chagrin. Car le laboureur ne connaît du désir que le frottement âpre et rugueux du manque, il ne connait du destin que l’horizon de son champ.

 

 

 

Au pied de l’écriture on est comme le laboureur au pied de son champ avant le labour, avant la charrue, avant la fin des holbeinsiècles. Debout, droit sur sa terre comme le capitaine qui sait la tempête et sa cruauté inhumaine. Debout, droit, pesant déjà d’un surcroît de chair et d’os, d’un surcroît de vie. Lourd comme un titan et pourtant fragile comme un cristal.

 

 

 

Alors il y a ce temps de l’avant, ce temps débarrassé de toute intention, ce temps pur de l’amour.

Et le premier mot rentre dans la terre, ainsi le premier pas de danse.

Et le premier mot perce de la terre, avec le gout d’un sang nouveau.

Et le champ n’est plus un champ, il est supplique.

Et la terre n’est plus la terre, elle est voyage.

Et les heures brillent comme des constellations.

Franck.

 

9 septembre 2007

Accomplir la défaite....

L’inaccompli se prolonge indéfiniment. Dans une tension singulière. L’inaccompli du texte. L’inaccompli de l’amour. L’inaccompli est une marque. Notre sceau. Le poinçon qui perce nos chairs jusqu’aux os. L’inaccompli comme l’empreinte de l’éternité. Le sans fin chutera toujours. Et nous porterons le deuil de l’infini. Nos cercueils brillent haut dans le ciel. Et nous applaudissons au spectacle frémissant. Et le texte se déploie dans un espace de tragédie. Le temps nous attend au détour d’un baiser. Comme une vague scélérate. Le texte s’aggrave dans sa chute. Le renouveau, renouvèle toujours la fin. L’inaccompli. La blessure.

 

Il n’y a pas de sagesse, simplement un désespoir qui se renie. Chaque jour j’avance et je m’éloigne. En même temps. Chaque geste, chaque pensée, est imprégné par cette plaie, ce suintement de vie. Ce double mouvement impossible. Incompréhensible. Et le texte s’effondre, là, dans cet espace de misère. Le sans fond de cette misère.

 

De tout temps nous sommes séparés. Inachevable. Il manque toujours un morceau à l’histoire. Il manque toujours de la chair sur l’os. Il manque toujours un baiser à l’amour. Il manque toujours un jour à l’éternité.

Et vivre, c’est être dans le décalage, la non-coïncidence. Et écrire c’est prolonger cet espacement. C’est l’agrandir. C’est l’aggraver. Jusqu’à l’impossibilité de vivre. Il y a une tension singulière dans cet espacement. Comme ce tonnerre qui tarde à venir après l’éclair. L’espace, après l’éclair, est le lieu du langage. Dans cette synchronicité défaillante, perpétuellement défaillante, la parole trouve son chant. Dans cette tension du vide, dans cette brûlure du rien. Dans cet insupportable.

Je vis dans l’attente folle du tonnerre, et cette suspension me laisse sans signification.

Nous vivons des approximations. Tout se tient, mais rien n’est jointif dans nos vies.

Nous faisons des détours. Ecrire est le plus sacré de ces détours, mais c’est quand même un détour. Nous arriverons à Samarcande le jour venu, pour le sacre de l’inaccompli. Ecrire c’est danser sur ses propres ruines. C’est accomplir la défaite.

Franck

8 septembre 2007

En silence, au matin......

Au départ on est loin, on est dans l’inaccessible du temps et de l’espace. Mais les enfants savent d’instinct traverser les impossibles. Les âmes brûlées aussi.

Au départ on est loin, chacun dans sa parole, dans la maison de ses mots, au plus près de l’hémorragie qui épuise nos jours et nos heures. Au départ on est loin, chacun sur l’horizon de la langue, chacun à son pied d’arc-en-ciel, chacun dans sa couleur.
On est loin, séparé par le ciel, et par cette arche irisée.
Au départ on est loin, mais les incantations se répondent, parce que les murmures s’opposent au vacarme du monde et parce que les cris révèlent les silences. Au départ on est loin, mais peu à peu les portes du ciel s’entrouvrent. Pour agrandir l’espace, juste entre la chair est l’os. Juste entre fracas et prières.

Après, arrive le temps du chant et de la danse. Nos musiques s’entrelacent et se nouent pour nous aider à gravir l’échelle des couleurs. Chacun, à son bout d’arc-en-ciel, chemine vers l’autre sur le chemin de la langue, c’est le temps où la voix s’exalte de sa véhémence, de ses soleils, de ses éclairs. C’est le temps où les notes inventent la portée, où la cadence rythme les souvenirs, où l’espérance fleurie comme de larges bouquets, comme les grands cerisiers du printemps. C’est le temps océan, immense et grandiose qui berce nos embrasures, et change les clameurs en louanges fruitées. C’est le temps des flammes et des voyages univers, et des jardins célestes. C’est le temps des tendresses enfantines. La source des mots s’épanche vers l’affluent du cœur.

On est haut dans le ciel, si proche désormais qu’on pourrait se toucher. C’est le temps des soupirs et des apartés, c’est le temps des souffles, pas celui des regrets. C’est le temps des secrets et du sang partagé, des silences que l’on offre dans les mains que l’on tend.

 

C’est un temps éphémère, qui offense les dieux. C’est un temps majestueux, qu’il faudra redonner. Pour une heure enchantée, cent ans de misère. Pour un jour de délice, mil ans de repentir.

Au sommet des couleurs, nous nous sommes croisés. Au plus haut de cette arche de lumière, tendue entre nos deux étoiles. J’ai à peine eu le temps de caresser son ombre, qu’une araignée cruelle a tissé sur nos lèvres un rictus forcé.

Et dans un ciel de marbre durcit par les chagrins, c’est éteint une étoile, en silence, au matin.

Franck.

2 septembre 2007

Petite soeur......

Il y a bien une peur dans le désir qui se déploie. Les temps qui adviennent sont des temps terrifiant. L’amoureuse regarde l’amoureux. Leur présence est accrue du désir. De l’imminence. Ils sont menacés par la joie. Ils le savent. La jouissance signe la fin d’un monde. La fin du monde. Ce qui menace le feu, ce sont les cendres. Le rêveur devant la flamme les voit déjà, c’est pour cela que sa mélancolie s’accroche si bien à l’âtre. A cause des cendres. L’amoureuse regarde l’amoureux. Elle a dans sa chair un feu. Mais elle sait les cendres. Au moment des corps, les amoureux sont graves. Les gestes s’alourdissent, ils sont pris dans une sorte de pesanteur et d’épuisement. La jouissance ouvre la porte des enfers. Les amoureux le savent. C’est une traversée. Comme Orphée.

 

Les dieux immortels ne connaissent pas l’amour. Parfois ils forniquent, jamais ils n’aiment. L’amoureuse regarde l’amoureux, ils savent brusquement qu’ils devront aller plus loin que leur désir de chair, ils devront aller jusqu’à la cendre, jusqu’à la mort. Ils savent qu’il faudra tout effacer. Qu’il faudra tout oublier.

Les amoureux évitent les miroirs de peur que ceux-ci ne gardent le souvenir de leurs gestes. Qu’ils impriment le masque mortuaire de leur jouissance. Les amoureux sont sans image, puisqu’ils sont sans langage. Les amoureux sont sans mémoire, puisqu’ils sont sans langage. Puisqu’ils sont sans miroir. Les amoureux lorsqu’ils se regardent ne se voient pas. Ils se touchent. Se voir les tuerait. Alors ils se regardent et ne se voient pas. Ce regard sans vision, nous envoûte. Il est débarrassé de la mort encore quelques instants. On avait prévenu Orphée. « Ne te retourne pas !»

Dès que le regard se met à voir, c’est la mort qui surgit.

 

Mon amour, nos ombres sentinelles nous parlent à mi-voix. Nos ombres sentinelles se sont détachées de nous, pour vivre des frôlements que nous ignorons. Tu sais mon amour, nos ombres ont leurs exubérances, leurs sacrements. Leurs pénitences, aussi.

Nos ombres sentinelles, sont des ombres courageuses, sans orgueil, qui savent se relever après le trébuchement, qui savent se réchauffer après le tremblement. Nos ombres sont muettes, sans ornement, débarrassées de nos pudeurs frivoles. Elles vont sans nous. Défaites de nos corps, de nos peurs, de nos hésitions. Elles vont l’amble, nos ombres, profitant de nos rêves, elles ne craignent ni le feu, ni la nuit, ni nos deuils, elles vont comme des eaux tranquilles.

Nos ombres, loin de nous, s’entrelacent et s’unissent, elles n’ont que faire de nos apitoiements. Elles se bercent du roulement de la nuit, et elles n’ont pas de saisons, et elles n’ont pas de maison, et elles vont légères, sans corps pour les retenir, sans chaîne pour les accabler, sans jugement pour les opprimer. Elles vont, elles vont, passant d’un silence à l’autre, choisissant nos absences pour se rejoindre, et nos tristesses pour nous abandonner.

Petite sœur, petite sœur des mots, petite sœur des murmures, approches-toi, l’automne arrive avec ses détresses, et ses renoncements. Petite sœur du silence et de l’amour je pose sur tes paupières toutes mes Afriques, tous mes déserts. Je pose sur tes lèvres tous mes fleuves languissants, je pose dans le creux de ta main toutes mes ivresses, et sur ton ventre toutes mes nuits perdues.

Petite sœur, il est temps, approches-toi. Nos ombres nous attendent, elles réclament nos corps pour blanchir les linceuls de leurs fiançailles.

Petite sœur d’écriture, le vent se lève, et l’encre brûle nos derniers mots.

 

Il y a bien une peur dans le désir qui se déploie. Les temps qui adviennent sont des temps terrifiés.

Et l’amoureuse regarde l’amoureux. Et l’amoureux regarde l’amoureuse.

 

Petite sœur prends ma main, et allons !

 

Franck.

1 septembre 2007

L'île d'après......

Les amants dessinent, dans la tristesse des villes, de grands à-plats de silence, à contre jour, à contre soleil. Les amants s’absentent, et dans leurs traces nous y cueillons les songes. Les amants ne parlent plus, les mots ont déjà déserté leurs gestes. Ils se rapprochent des choses ou des êtres, simplement pour les éclairer et les abandonner.

 

Les amants passent, traversent, débordent, tanguent, et chavire. Ils s’effacent. Au bout de leurs regards désinvoltes, ils inventent l’ignorance et cette ivresse cruelle qui l’accompagne.

 

Les amants sont sans bagage, sans histoire, quelques baisers secrets au fond de leur poche, comme ces enfants qui remplissent les leurs de ficelles ou de petits cailloux. Ils sont dans l’angle du jour. Ils ont perdu leurs yeux, ils n’ont que leurs mains pour sculpter les heures, et leur peau pour créer d’autres langues, et leur chair pour fuir leurs peurs anciennes.

 

Les amants se cachent dans les ellipses des coquillages pour se dérober au temps, et au vacarme des villes. Ils se savent en danger. En sursit. Et le poème ne les a pas encore rattrapés. Ils sont dans l’impatience et pourtant sans attente. Demain est un continent lointain, une rive inabordable.

 

Les amants dessinent par étourderie les arabesques des sutures futures.

 

L’écriture est tapie dans la marge. Juste là, dans l’ombre.

Pour après.

Ecrire l’après qui est déjà advenu.

Ecrire est dans le contre temps, comme les amants sont dans le contre jour.

Ecrire c'est l’île d’après. Celle qui n’est pas habitée.

Et les amants chavirent, et l’écriture fait naufrage.

L’écriture est le chant désastreux des amants séparés.

L’usure prochaine des temps révolus.

Les amants n’ont que leur nudité, le poète que son dépouillement.

L’amour a sa nostalgie, le poète sa mélancolie.

 

Et le soleil brûle tous les déserts.

Et les amants ne connaissent pas la rhétorique.

Ils dansent.

Ils dansent.

Ils dansent.

Franck.

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