Couture.....
Un temps qui n’a pas de rive. Dans quel temps se passe l’écriture ? Dans quel présent je suis ? Là, maintenant. A découdre les ourlets de l’univers, comme si le temps faisait des plis, comme si l’on pouvait être prisonnier d’un bourrelet, ou d’un revers. Point de croix sur point de saignée. Ravaudage de la mémoire. L’aiguille des mots pique les bords du trou. Pique à l’endroit du débordement. De l’écoulement. L’aiguille des mots rapièce le temps défait. Alors on retient les bords de l’univers, on essaye à chaque texte de contenir la déroute, la disparition. Et on pique pour traverser au plus profond, on tire sur le fil des souvenirs, on tire sur le fil de nos jours, le fil de nos attentes. Et ça fait toujours un peu mal. Piquer le lieu fragile de notre vie effilochée. Les chairs peuvent se déchirer. Souvent elles se déchirent les chairs. Souvent le texte se coupe. Souvent c’est une catastrophe. Souvent on se dit que c’est une tâche impossible. Un point de croix sur un point de saignée. Chirurgie du désespoir. De la lenteur. De la constance. De l’oubli.
Ce temps qui échappe au temps. On tire sur les bords de l’univers pour les poser là, sur la page. Avec cette pauvreté des mots et notre pitoyable espérance. Bord à bord. Et piquer. Suturer cette béance, sous le regard moqueur de nos siècles. Avec cette aiguille trop grosse, avec cette aiguille qui emporte les morceaux de chair.
Pourquoi cette joie étrange à chaque piqûre des mots ? Pourquoi cette jubilation à tisser tout ce malheur, à broder ces motifs inconnus sur cette trame infini ? Pourquoi coudre cette robe de fête pour une silhouette incertaine ? Pourquoi… ?
Franck.