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J'irai marcher par-delà les nuages
5 juillet 2017

Les métaphores du chant

Les métaphores du chant...

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3 juillet 2017

- 75 - L'espace inconnu...

Car le texte doit révéler l’inconnu. Non pas l’inconnu du savoir, mais le toujours innommé qui git en nous : le fou, le saint, le lumineux. L’inaccessible présence qui nous brasse. Écrire, c’est se défaire de nous. L’entêtement du geste. L’acharnement d’une répétition qui nous efface peu à peu. Labyrinthe de miroirs. Où se démêlent l’absent de l’écriture et le présent du texte. Où se dédoublent les voix. Se situer juste à cet endroit de l’âme où le retour du même n’est pas exactement le même. Comme si l’écho nous revenait prononcé par une autre bouche. Décalage. Contretemps. Contrepied. Esquive des présences qui toujours se dérobent, toujours surgissent. Là. Dans ce champ des défaites. Où les ruines ne sont plus le résultat de la décomposition du nouveau, mais où les ruines seraient toujours l’expression la plus nouvelle du futur.
La voix se superpose, puis efface le sens des mots. Ce qu’il y a de vacarme en eux. Les mots qui perdent leurs sens sont des mots aggravés. Des étoiles.
L’écriture avance vers les confins, vers les lieux du décollement du sens. Imprenable. Même par la main qui la produit. Surtout par cette main. Un cheminement, paume ouverte. Prête aux stigmates. Comme le signe d’un accomplissement. Lequel ?
L’accomplissement de la nuit. Même de jour, c’est la nuit que nous accomplissons en nous. Pour maintenir l’étrange. Décoller la lumière du réel. Être au repos du réel. Enfin accueillir ce qui vient. Ce qui vient. Œdipe. L’ermite. Anéantir toute explication. Engloutir toute signification. La grande nuit de la toute présence, celle qui nous rend à nous-mêmes et au monde. À la nudité. À la pauvreté. Passer du tremblement à la tremblance. Passer du feu à la flamme. L’œuvre.
Traverser.
Jusqu’à l’intense immobilité d’un silence. Le texte est habité d’une puissance vivante qui m’écrase chaque fois un peu plus.
Entre l’amour et le désir, il y a un espace.
Entre l’écriture et le texte, il y a un espace, le même.
La nuit. L’imprononçable nuit. Le lieu des grands gisants.
Entre mes lèvres et Tes lèvres. La nuit.
La nuit que je traverse à chaque mot, pour Te rejoindre, enjambant les gisants et les siècles.
Retraçant infatigablement le chemin qu’il Te faudra consacrer.

Franck.

1 juillet 2017

- 74 - L'entretemps...

Chaque texte nous laisse dans le passage. Un éternel passage. Sans rive. Être là. C’est tout. Toujours partir, et ne jamais arriver. Là. Dans le courant d’air de la vie. Les volets battent, les portes claquent, mais le texte nous laisse là. Entre. Pantelant dans le passage. Lourd. Sans aisance. Estropié du désir.
Les textes sont des orphelins. L’espace d’un instant, on a cru pouvoir leur offrir une famille… Puis ils nous quittent, alors on reste dans le passage. C’est désormais nous l’orphelin à secourir. Le texte nous a seulement accueillis un court instant dans sa famille de mots, sa famille turbulente, bruyante. Après, cette famille nous quitte.
Alors l’on reste là, dans le passage encombré de désordre, de silence.
On sait que l’on ne sera d’aucune famille, d’aucune fratrie.
On appartient déjà à la ruine, au désastre.
Le texte ne ment pas, il nous promet la solitude, il nous la donne. Comme une fleur rouge sang. Il l’incruste même. Il la grave, de peur que l’on oublie que c’est nous qui l’avons sollicité. Elle devient notre nom.
Alors, nous restons dans le passage. Entre les portes du désir. Coupé des horizons. Immobile entre deux mouvements, entre deux élans. C’est ainsi depuis la nuit des temps. Car la nuit des temps demeure le lieu du poème. Toujours. La nuit. Après le passage. L’entredeux.
L’attente.
L’inquiétude.
On ne ressort pas complètement indemne des mots. Avec cette double sensation. D’accroissement et de perte. La douceur, la violence. Comme dans le vertige. L’aggravation d’une pesanteur.
Pendant le texte, les atomes de la vie sont portés à incandescence comme dans l’amour quand les corps s’effleurent d’insouciance, d’oubli, ou quand ils se cognent l’un à l’autre dans l’abandon ou l’ivresse. Comme dans l’amour où brusquement on sait qu’il n’est plus question de douleur, mais de débordement où l’extase décide de ne plus descendre, mais au contraire de monter.
Le mascaret ride le fleuve comme un frisson de jouissance. Le texte nous a défaits du temps. Jeté hors des doutes, il nous a pris la main, le cœur, pour nous faire traverser l’infini à la perpendiculaire de nos passions, dans la diagonale de nos souvenirs. Le texte réinvente la géométrie de l’espace, du corps, et de son poids de chair tremblante. Dans les angles se trouvent l’ombre, le souffle. Les parallèles se rejoignent sur les lèvres des rêves. Les ellipses nous réchauffent de leurs foyers majestueux.
C’est un temps simplifié où les équations retrouvent leurs inconnues. Car les ondes ne vibrent plus. Elles ne font que chanceler, que frémir, elles n’oscillent plus. Elles ne font que se balancer comme les roseaux dans la brise d’été.
Le mascaret redresse le fleuve de sa langueur chagrine.
Juste après le texte, la droite se raidit, l’infini se relativise, les parallèles s’assagissent, se mettent à bonne distance l’une de l’autre, comme des inconnues qui se toiseraient de haut. Les perpendiculaires s’ennuient à nouveau, et l’ombre quitte les angles morts de la vie pour se répandre en obscurs savoirs.
Après le texte, c’est le temps des redites, des pensées sur la pensée, des constructions fragiles. Après le texte, c’est le temps des insectes. Temps mesuré, sans ambition, sans imagination, qui ne sait que finir.
L’entretemps des textes, avec le fleuve vautré dans sa lassitude féroce, gourmande. Ce sont des temps somnambules, nos actes ressemblent à des actes, mais ils n’en ont plus la vérité, comme si le rêve était clivé, ou troué par la lame du soleil. Ou de l’insomnie.
On reste dans le passage, dans les couloirs du jour avec des portes à l’infini, des portes closes. Et le fleuve qui coule dans son infinie indifférence hautaine. Notre maladresse importune les silences, car ici, dans le passage, ils ont changé de nature, d’humeur. Ils nous regardent, ils nous désignent. Certains nous accusent.
Après le passage. Un autre mascaret. Après… Un autre… Une autre encre…
La hache du texte coupe un peu plus mes amarres.
Je suis en partance pour l’exil.
Un jour, il n’y aura plus de retour possible.
Un jour, cela sera la disgrâce…

Franck.

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