Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
26 mai 2005

Messaline..... (1)

J’ai toujours aimé les âmes brûlées. Sans doute parce qu’elles interrogent la vie avec véhémence et qu’elles touchent aux extrêmes du bien ou du mal. Parfois il est important d’aller brûler ses mots dans ces contrées obscures et d’affronter les eaux opaques qui gisent en nous. Dans ce qui suivra, tout n’est pas beau, tout n’est pas bon, mais il était important d’explorer des chairs incendiées, notre mémoire, et nos dragons. Et puis je me dis, si la beauté existe, il faut la traquer dans les endroits les plus sombres. La vérité, la pureté ne se nourrit pas que de beaux sentiments. Si je veux être vrai, il faut que j’aille user mes mots dans une parole inconnue, en accepter le trouble, l’ambiguïté ; bref, être sur le fil.

Messaline, je m’appelle Messaline. Je me souviens de mes premières escapades solitaires, la nuit. Toujours la nuit. Seule, toujours seule.

…Après mes ablutions, rapidement je me préparait : un peu de parfum, de poudre sur les joues, du rouge à lèvres, un coup de peigne…Avant quand je me remaquillais c’était pour être belle, pour séduire comme une douce ingénue prête à capturer un regard, un sourire, une reconnaissance, c’était de la coquetterie innocente, un jeu candide où le masque embelli la fête où la parure révèle plus une élégance qu’un aveu…

Ces jours là, il n’était plus question de parure, mais d’un grimage, d’une peinture de combat destinée à masquer la grimace qui gisait tout au fond de moi. J’enfilais une toge blanche telle une armure de soie, légère comme un péché mortel.

Et c’était le moment, d’entrer dans l’arène…

Une femelle, qui n’a rien à voir avec une femme, n’existe que par son sexe, et elle ne veut rien d’autre que le mâle, le rut, et par-dessus tout, la jouissance, cet effondrement des mondes dans lequel le corps et l’âme bouillonnent ensembles, l’instant suprême où l’on est plus rien à force d’être tout.

Petite j’avais une peur panique des serpents, cela ne m’empêchais pas de les rechercher dans trous des remparts de la ville, c’était de la fascination : on a peur, mais on ne s’appartient plus tout à fait. Il y a un vide qu’il faut combler. Fatalement combler. On sait que dans la chute on perdra quelque chose, mais on ne sais pas quoi, et l’on s’en fout d’ailleurs.

On croit que le désir, parce qu’il est une promesse de bonheur à un goût sucré : non, le désir, ça fait mal, c’est d’abord un arrachement du cœur. La volupté, c’est autre chose, elle vient après, pour faire la danse des sept voiles autour d’une dépouille pantelante. Vous comprenez, la volupté c’est les deniers de Judas. Il n’y a pas de volupté sans culpabilité et pas de culpabilité sans châtiment. Dans mon bain de lait et de roses en me caressant les seins, l’entrejambe, les reins bien cambrés, prenant à pleines mains mes fesses et les triturant jusqu’à la douleur, ce n’était pas le bonheur, non…non, loin de là ; je le faisais parce qu’il fallait que je le fasse, parce que mon corps le réclamait, je le faisais et puis c’est tout !

….L’au-delà du plaisir c’est une malédiction…

Je crois que chaque femme, quelle le veuille ou non, connaît assez son corps pour l’utiliser ; elle sait d’instinct l’impression qu’il donne, après c’est une question de nuance ou de talent. C’est vrai, que parfois, la frontière est mince entre la sensualité, l’érotisme et la pornographie. L’érotisme c’est sans doute davantage la promesse ; une femme joue sur le désir de l’autre, de l’homme. Dans la pornographie c’est le besoin qui demande d’être satisfait. L’érotisme met en jeu l’imaginaire des deux, dans la pornographie il n’est plus question d’imaginaire, mais de réel, rien n’est promis : tout est là, donné. Ce n’est plus de la nudité c’est un ventre béant, écorché. Chaque femme le sait, même la plus sage. L’érotisme se situe dans le désir de l’autre ; dans la pornographie l’autre et son désir sont niés, définitivement niés ; en fait anéantis. Au bout de l’érotisme l’amour peut surnager, au bout de la pornographie c’est le masque froid de la mort que l’on voit.

Quant à moi, depuis longtemps j’avais glissé de l’autre coté du miroir ; Janus à deux faces l’une avenante et douce, l’autre carnassière et avide de plaisir, j’aimais être prise, là, dans l’urgence, sans préparation, dans une étreinte brutale, cruelle, déchirante.

Déjà je n’étais plus moi, mais cette autre, avide, assoiffée de sexe, prête à toutes les déchéances, pourvue qu’elles fassent mal, prête à sentir l’inexorable vertige d’une chute sans fin. Une dégringolade vers les ténèbres brûlantes.

Je savais où je voulais en venir…Non, je savais où je voulais aller…

Et je savais que j’irai au bout de ma débauche et que j’en jouirai, je savais, aussi, qu’il y aurait d’autres débauches, que tout ceci serait sans fin. J’étais morte une fois, il ne me restait plus que l’éternité. Seule. Irrémédiablement seule.

Quand l’amour unit deux êtres, deux corps, chacun s’augmente de l’autre, mais quand il n’y a pas d’amour, quand c’est uniquement le sexe, la baise…ça se soustrait, chacun perds quelque chose en route… c’est l’autre que l’on perd, l’autre qui est en soi qui disparaît…c’est pour ça…la solitude…Baiser c’est jamais neutre…

Ce soldat avait de l’appétit, moi j’avait faim.

Cette bouche inconnue se mit à m’embrasser. Langue. Salive. Parodie d’amour. Abdication irréparable. Soupirs. Chocs de dents. Morsures. Sucions. Les mondes se renversent.  " Vas-y Messaline, donne tout ce que tu as, donnes tout se qui te reste : ta bouche, ton sexe béant, ta sève d’amour, ce jus de corps assoiffé, donnes toi, qu’il te bouffe, te lèche, qu’il te tète les seins et tout ce qu’il peut téter, jusqu’à ton sang, jusqu’à plus soif, jusqu’à plus rien. Qu’il tête ta vie jusqu’au dernier soupir, jusqu’au dernier sanglot, même ton âme est une mamelle pantelante : alors, suce soldat ! Téte-moi l’âme cette fumure d’enfer et qu’on en finisse ! "

Une main gaillarde cherchait à passer sous mes fesses, elle aussi voulait son trou. " Prends-le, mon cul ! Tu as raison il est fait pour ça, pour les bites, les doigts ; fouille partout, je suis à toi comme une damnée est à Satan avec le même désespoir et le même entêtement. Je suis une laborieuse de la baise, mieux, une consciencieuse ; ce qu’il y a de bien dans la baise c’est qu’il n’y a pas besoin d’esthétisme, on va droit à l’essentiel. Tu veux mon cul ? Prends-le ! De toute éternité il t’attend. Ne tournes pas autour, ne finasses pas ; enfonces ! Bourres !Non, ça fait pas mal, si tu savais où j’ai mal en ce moment tu irais te pendre à crochet de boucherie. Aller, enfonces-le ton putain de doigt. Dommage qu’il ne soit pas plus long, hein ? Oui quel dommage ! Si tu pouvais y mettre le bras tu le ferais, salopard ! Tu pourrais y mettre la tête, pendant que tu y es ! Et je te garderais dans mes boyaux pour aller te chier, plus tard sur la décharge monstrueuse des siècles passés et en même temps je pisserais des flots de larmes, celles qui n’ont jamais été versées : les caniveaux du ciel en sont pleins ! Il est bon mon cul, hein ? Profites-en ! Si je cris ce n’est pas important, ne t’arrêtes pas. Chaque déchirure m’est douce…si douce… "
Je flambais. Ces débordements de corps, de salives, de sueurs, ces palpations, ces pénétrations, m’emportaient autant que l’ivresse. Je ne contrôlais plus rien. Le vent soufflait dans ma tête. Je résistais, pourtant ; mais ma volonté me désertait comme un lent vol d’oiseau dans un ciel solide, lourd, consistant, plombé ; je vivais dans l’épaisseur ralentie d’un rêve dont on ne se réveille pas. Ecartelée, livrée, fendue, trouée par un soldat insatiable et stupéfait. Et je le voulais…de toutes mes forces…oh oui, je le voulais ! …

………………

Je mettrais la suite demain, enfin je l’espère. Il faut que je finisse de l’écrire. Il y à quelque chose d’éprouvant à écrire cela, d’éprouvant et de troublant. Gênant. Bon, j’ai commencé, il faut que je finisse.

Franck

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Franck, je l'avais fait aussi. J'aime bien cette idée de silence comme cadeau. Un silence bien rempli car partagé, et créateur de potentialité. J'aime bien cette idée. Bonne soirée à toi.
Répondre
F
Oui, Le chant du pain, un partage, d'espace de temps, mais certainement d'autre chose. Il y a toujours un mystère qui vient nouer, qui vient lier l'auteur au lecteur. D'abord le silence. Un partage de silence. L'auteur fait don d'un silence au lecteur, c'est un beau cadaux. En retour le lecteur poura jeter une émotion au hasard de sa vie...<br /> Merci de ton passage.<br /> j'ai trouvé ton blog, et je t'ai lié.<br /> Bonne fin de journée.<br /> Franck
Répondre
L
Merci Franck. Pour te répondre, à mon humble niveau, littérature est le partage de mots écrits. Ecrits et mis en forme par besoin, lus s'ils créent un ressenti. Un partage distant d'espace et de temps. Cela n'engage que moi :-) Sur certains de tes textes j'ai " ressenti" une émotion, je me suis laissé aller par tes mots. D'où le besoin pour moi de te laisser une trace en tant que lecteur. Un "auteur" a besoin d'encouragements pour ne pas que ses mots meurent. En tout cas c'est ce que je ressens. Bonne soirée à toi.
Répondre
F
Merci, Le Chantdu Pain d'être passé par là et d'avoir déposé un commentaire d'encouragement.<br /> Parmis les questions qui me tarabustent il y celle-là, que beaucoup se pose : c'est quoi la littérature ? a partir de quel moment quelques mots deviennent de la littérature ?<br /> Au plaisir de te revoir LeChantdu pain.<br /> Franck
Répondre
F
Oui, Coumarine, la violence... comment peut-on la dire, et au fond, est-ce qu'elle peut se dire vraiment. J'ai voulu me risquer à une sorte de gageure, à quelque chose d'impossible : dire la violence de l'intime et du sexe, parce c'est sans doute la plus générale, comme si toute les violences s'enracinaient là.<br /> Mon seul problème, en tant qu'écrivaillon, c'est la part de complaisance ou de résistance que l'on tisse avec ses propre mots, c'est trouver la distance acceptable.<br /> J'ai beaucoup douté pendant que j'écrivais ces lignes, j'ai beaucoup hésité avant de les mettre en ligne, et je m'interroge encore à savoir de quelle façon elles m'appartiennent. Qu'est-ce qu'il y a de moi là-dedans ? est-ce que l'on perd quelque chose dans cette écriture, ou agrandissons-mous la conscience ? Au bout du compte je n'ai pas de réponse. Je me suis senti tiraillé par des univers inconciliables. Est-ce que l'horreur et la lumière font bon ménages? Est-ce que c'est utile de les confronter ? Je ne sais pas. La seule chose que je sais, c'est que je suis soulagé d'avoir fini d'écrire ce texte. Pour passer à autre chose.<br /> Je te remercie Coumarine, de m'avoir fait ce commentaire. C'est important.<br /> Bonne journée.<br /> Franck
Répondre
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
J'irai marcher par-delà les nuages
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 168 003
Catégories
Pages
Publicité