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J'irai marcher par-delà les nuages
11 juillet 2005

Le goût de la vanille.....

Arrivés à Abidjan les choses devinrent plus compliquées. Nous n’avions pratiquement plus d’argent. Mais un hasard heureux nous a mis sur le chemin d’une société de courtage vendant des encyclopédies. Notre petite aventure a plu à ses gens et nos voilà embauchés, pour vendre des encyclopédies. Il faut dire que la société en question ne prenait aucun risque puisqu’il n’y avait pas de rémunération fixe, nous étions payés uniquement à la commission. Dix pour cent au premier versement du client, dix pour cent au dernier versement du client. Le lendemain de notre embauche l’ami avec qui j’avais entrepris cette traversée de l’Afrique, s’est réveillé couleur marron foncé : hépatite virale. Le jour même il fut rapatrié sanitaire. Me voilà seul. Mais avec un travail. Un commencement de travail. J’ai fait mes premières armes dans les administrations d’Abidjan. Dur. Ma nature plutôt réservée s’accommodait mal de ce travail de bateleur. Toujours a la limite du mensonge. Et puis vendre des encyclopédies à des personnes qui manifestement avaient des besoins plus urgents me laissait un goût amer. Je n’avais pas le choix. On a toujours le choix mais là, je me suis senti en situation de survie. Après une huitaine de jours d’entraînement, je fus prêt. Prêt à partir en brousse, c’est comme cela qu’on appelait les villes de l’intérieur du pays. C’est là que j’ai fait la connaissance de Christophe et de Georgette, ils étaient camerounais et cousins. Le travail consistait à écumer systématiquement une localité et sa périphérie et de progresser ainsi de localité en localité. Nous ne devions vendre uniquement au africains possédant un compte en banque (pour les traites), donc nous cantonnions exclusivement aux fonctionnaires : instituteurs, professeurs, policiers, gendarmes et autres représentant de ministères. Les employés de banques aussi pouvaient faire l’affaire. Partir en brousse s’était partir pour trois semaines, c’est pourquoi on partait à deux. J’adorais partir avec Georgette. Elle était gaie, bavarde, rigolote et belle comme un mirage. Son sourire était une merveille et son rire une cascade d’eau claire. Georgette était une charmeuse, elle se savait belle, et jouait souvent de ses avantages physiques pour conclure une vente. Elle me disait " Franck, celui là je le sens bien… " je comprenais ce que cela voulait dire, alors je la laissais seule avec sa proie. Quand elle vendait Georgette mentait, j’en avais honte souvent. Elle roulait des yeux. Elle s’asseyait sur le bureau des instituteurs. Faisait rire toute la classe. Oui, parce qu’on vendait pendant les heures de cours, ça marchait mieux. Georgette s’approchait, Georgette minaudait, elle faisait ses yeux de biches, jouait la timide, ça n’allait jamais plus loin, cela suffisait amplement. Georgette vendait plus que moi. Durant ces trois semaines de brousse, nous logions dans les petits hôtels locaux. Pas de climatiseur, seulement des moustiquaires qu’il fallait soigneusement inspecter pour en boucher les trous. Georgette m’aimait bien, à l’époque j’avais dix neuf ans et elle avec ses vingt cinq ans jouait ma grande sœur. A chaque fois qu’elle réussissait une vente elle me la racontait dans les détails en riant et en tapant dans ses mains. Qu’elle était belle Georgette ! Je crois que j’en suis tombé amoureux tout de suite. Alors c’était une fête lorsque nous partions pour trois semaines en brousse. Pour l’hôtel nous avions droit à une petite avance sur commission. Petite. Pour manger, il fallait se débrouiller. La seule façon s’était de vendre des dictionnaires au comptant. Tout cela était très précaire, mais exaltant. Georgette faisait tout avec enthousiasme et bonne humeur, pour ma nature plutôt sombre, elle était d’un dynamisme incroyable. Et puis Georgette était belle. Quand c’était à elle de conduire, je passais des heures à le regarder. Mais Georgette n’était pas une amoureuse. Elle avait des petites aventures d’un soir sur quant elle était de repos a Abidjan. Elle était en permanence dans la séduction, mais se réservait pour les moments qu’elle choisissait. Mes yeux énamourés ne l’impressionnaient absolument pas. Georgette riait. Souvent après avoir dîner nous nous retrouvions soit dans la chambre de l’un soit dans la chambre de l’autre pour bavarder, pour rire encore. J’adorais la voir dans son pagne multicolore qu’elle portait avec beaucoup de négligence. Elle s’allongeait sous la moustiquaire et prenait des poses lascives et éclatait de rire en voyant ma figure. Lascive mais jamais indécente. Elle avait de la mesure et des limites Georgette. Elle jouait les divas, mais son air coquin, désamorçait toutes tentatives déplacées. Et puis ma timidité ne me poussait pas à l’audace. Et puis, à dix neuf ans je n’étais pas très dégourdi. D’ailleurs je ne le suis toujours pas. Sa peau noire foncé et son sourire ravageur me bouleversaient. Quand elle sortait de la douche j’aimais sentir son parfum vanillé. Et elle, elle adorait se moquer de moi. " Toi, le blanc….. " Elle riait. En brousse le samedi soir elle voulait sortir. Nous allions dans les endroits qu’elle choisissait, des petites boites de nuit locale. Une masure en planche, un comptoir en bois, quelques chaises une ou deux tables, et un tourne-disque, sûr que comme DJ cela ne valait pas Guetta. Elle dansait jusqu’à s’étourdir, elle aimait ça, danser. Elle bougeait son corps jusqu'à la trans. Il arrivait que les mouvements soit très suggestifs. Mais Georgette dansait, et tout aurait pu s’écrouler autour. Les hommes bien sûr ne voyait qu’elle, elle adorait avoir une cour autour d’elle, ne cour qui se frottait à elle. Quand elle était épuisée nous rentrions comme deux amoureux. Sa transpiration et la vanille m’envoûtait. Devant sa porte de chambre elle déposait un baiser sur ma joue, et elle disparaissait.

Nous avions passé une semaine difficile, peu de contrats et la saison des pluies faisait tomber des trombes d’eau toutes les après-midi dans des orages grandioses. Nous étions fatigués, énervés ; nous nous sommes accrochés. Ce fut bref mais violent. Georgette était susceptible, et colérique parfois. Arrivés à l’hôtel en milieu d’après-midi, un hôtel minable, chacun est rentré dans sa chambre en claquant la porte. Je me suis allongé sous ma moustiquaire et j’ai dormi. J’ai entendu l’orage épouvantable. Avec ce bruit de tonnerre qui roule sur la forêt et vous éclate à la figure. Je me morfondait. Je ne savais pas comment faire pour nous réconcilier. Je n’osais pas aller taper à la porte de sa chambre. Et la nuit est venue. La pluie a cessé. J’ai entendu gratter à ma porte. Elle a ouvert. Et je l’ai vue penaude dans son pagne comme une petite fille prise en faute. Nous n’avons rien dit. Elle est venue se glisser sous le voile de tulle. Elle a rampée vers moi. On ne parlait pas. Elle s’est collée à mon corps. C’est elle qui m’a embrassé. Un baiser de vanille. Chaud, brûlant. Un baiser épais, à pleine bouche, à pleines dents. Sa langue était bonne, forte, exigeante, ses lèvres étaient puissantes, tyranniques, insatiables. Ce baiser n’en finissait pas, et j’aurais voulu qu’il ne finisse jamais. Dans l’agitation son pagne s’était défait, et dans la lumière électrique j’ai pu voir ce corps noir magnifique. Nous avions chauds. Elle m’a déshabillé. Elle riait, aux éclats. Ces choses là étaient légères pour elle. Georgette ne prenait rien au sérieux. Surtout pas l’amour. Georgette ne faisait pas de poésie. Elle préférait la fièvre, le feu, la friction des corps, la succion des chairs. Alors le noir et le blanc se sont mélangés. Mes mains ont touché sa peau. Partout. Ses seins, son ventre, ses cuisses, son sexe, ses fesses, la cambrure de son dos, ses épaules larges et douces. Je sentais ses muscles, et son incroyable ardeur. Il faisait chaud et sa peau était bonne, et son corps était gorgé de saveurs. Ses seins, ses fesses rondes, fermes, joyeuses incendiaient mes doigts. Et j’ai pris ses cheveux crépus à pleines mains pour la sentir plus proche. Instants d’ivresse. Elle m’a attiré sur elle. Ses cuisses était largement ouvertes. Elle m’a guidé. Je me souviens encore de la chaleur de ses chairs.

Ô Georgette, toute l’Afrique à pour moi ton odeur, et les cris de plaisirs que j’entendais dans la demi conscience où j’étais. Irréel. Tout me semblait irréel. Tes mains sur mes reins, tes lèvres invincibles, l’appétit de ta bouche et de ton souffle et ce noir et blanc. Ton sexe ouvert disait le rouge du soleil qui se couche dans les herbes hautes et sauvages, le sang de l’antilope, disait la source où les animaux s’abreuvent, disait l’humidité chaude de ton pays. Dans ton extase généreuse, tu m’as fait buffle, Georgette, tu m’as fait lion, tu m’as fait roi. Toute l’Afrique en cadeau, tu m’as donné Georgette. Et plus encore. Ta sève avait la rage d’une lionne, ta chair la profondeur des forêts, et ta bouche tous les parfums de la brousse. Nos chairs sont restées longtemps liées. Et nous nous sommes endormis dans les bras l’un de l’autre. Ton souffle dans mon cou, nos cuisses entremêlées. Quand j’ai éteins la lumière j’ai bien vu que c’est moi qui faisait tache, dans le noir de la nuit. Ö Georgette, ta peau était noire mais à l’intérieur c’était un arc-en-ciel. Et ce goût de vanille Georgette ! Ce goût de vanille…
Au matin Georgette riait….parce que la vie était belle pour Georgette. Moi, j’étais amoureux et le noir m’habitait.

Franck

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Commentaires
S
C'est peut-être très injuste mais c'est assez vrai : quand on porte le noir en soi , on a tendance à trouver dégoûtants tous ceux qui portent en eux d'autres couleurs , surtout quand ils cherchent à nous violer avec .
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F
Oui, Alix un peu plus apaisé... vos messages à tous me sont précieux... mais au fond toujours aussi las....<br /> Bises<br /> Franck
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F
Merci Nobody par cette belle pensée de Bobin... il est inépuisable<br /> Bises<br /> Franck
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F
Peut-être Angeline... je voudrais que tu es raison
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A
Vraiment contente de te retrouver ici aujourd'hui.<br /> J'espère que tu as trouvé l'apaisement.<br /> Bonne fin de journée, Franck, je t'embrasse.<br /> Alix
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