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J'irai marcher par-delà les nuages
7 avril 2006

Sahara......

La solitude saharienne est singulière. Surtout au lever du jour. Le soleil monte et semble dire : tu devras la gagner cette journée, tu devras en sortir vainqueur ou accepter ta défaite. Les aurores sont courtes et le soleil est dans sa simple évidence. Rien n’arrête ses rayons. La nuit s’efface comme si un dieu muni d’un chiffon nettoyait le ciel et la craie du matin. Et c’est le jour. J’ai toujours ressenti à cet instant une chute, presque un accablement. Comme si la lumière avait un poids, comme si l’on trébuchait dedans. Comme une fatalité. La solitude est totale. Elle vous désigne. Et le soleil l’éclaire encore un peu plus. Une solitude sans ombre. Crue. Nette. Incisive. Le Sahara ce n’est pas que des dunes exotiques, dans sa grande partie, il est plat. Sans rien pour accrocher le regard. Plat, vide. Immensément vide et plat. Avec des petits cailloux poser ici ou là, jamais très gros. Les milliers de kilomètres qui vous entourent sont identiques. Le même après le même. Le même aplati sur du même. C’est un lieu sans lieu. Le regard se perd sur l’horizon, fait un tour et vous revient à l’œil. Dans l’œil. A l’intérieur. Au fond de la tête. Dans toutes les fibres. Le matin, au lever du jour, c’est là qu’il faut croire, car tout ce que l’on verra au cours de la journée est là, quelque soit vos pas, quelque soit la direction. Tout est là, comme après une catastrophe. Ce n’est pas un début. Là, dans ce plat infini, c’est une fin. Plus exactement c’est un reste. Le matin au lever du jour on peut ressentir un accablement ou un découragement. Au sol, il n’y a pas de chemin, pas de talus, même nos pas ont du mal à froisser le sable. On est sans trace. On vient de nulle part. On ne va nulle part. On ne sait qu’être là, comme un reste, ou une méprise, ou un égarement. On ne peut que se rassembler encore plus pour offrir le moins possible de prise au destin, aux menaces, aux heures. Et rien ne nous sépare vraiment de ses petites pierres. Rien. Aucune raison ne tient ici, aucune intelligence, la plus subtile qui soit, ne résiste ici. La pensée s’effrite, s’émiette comme ce sable, là, sous nos pas. Hors tout. Le matin, au lever du jour, dans le Sahara africain, c’est un nouveau naufrage qu’il faudra vivre, sans noyade, sans vent, sans tempête. Mais un naufrage, avec cette peur d’étouffement par ce vide. Voilà étouffer de vide. Trop de rien. Saturation de néant. De silence. Car les paroles sont inutiles ici, puisque tout a été dit, et que se taire s’est encore pouvoir résister. Un peu. Hors tout. Hors de toute signification. La banalité des mots est indécente, déplacée, seul l’instinct, seul l’instinct et la prière peuvent regarder le soleil qui monte. Car il y a, dans chaque lever du jour, dans le Sahara plat et vide, comme une impression de sacrifice, et le goût du sang colle au palais. Le matin, dans le Sahara Africain on est à l’aube du monde, sans famille, sans parents, sans amis. Ici, il n’y a pas de possibilité de racines qui plongeraient vers une mémoire profitable, il n’y a pas de ramures qui monterait au ciel, dans l’espoir de nous sauver, puisqu’ici le ciel n’existe plus, ou si peu, et qu’on ne redoute même plus l’enfer puisqu’on y est, noyé dans ce débordement, dans cet excès d’abandon, de distance, de manque, d’infinité. Rien, aucune image, aucun poème, aucune musique n’est secourable, rien n’interrompt ce trait strident qui perce les chair, rien ne protège, ni la lucidité, ni le rêve, rien, hormis l’hébétude et l’entêtement. Même aimer n’a plus de sens. Car ici, aimer, n’en a jamais eu. Aimer qui ? Aimer quoi ? Car les chagrins sont morts au lever du jour, et les tumultes se calcinent, se sclérosent, et tout s’assèche, se parchemine. Au-delà de la mélancolie, au-delà des larmes et de la pitié, il y cette étendue plate que nul vent ne traverse, qu’aucun son ne fait vibrer, seul le battement du cœur, seul le gonflement des poumons, vous signale ce qui vous reste de vie. Et même cela c’est encore de l’orgueil. Car aimer, ici, n’a plus de sens, et l’élan du sang se resserre jusqu’à n’être qu’un point perdu dans les veines l’infime reste du passée ou de l’espérance.
La solitude saharienne est bien singulière, comme une guerre sans ennemi. Ni le cri ne peut la dire, ni la larme ne saurait où couler tant l’étendue effare l’œil. Et l’ocre sale du sable tapisse la vue, et l’âme est lisse comme l’indifférence. Etre le grain, être poussière, être la pierre, ou le ciel, n’être rien, infiniment rien, sans peur, sans désir, n’être que le pur mouvement qui doit se survivre. Et pas une parcelle de soi ne retient l’ombre. Que de la lumière, que de la lumière brûlante, pas un seul contre jour, pas un seul flottement de l’air, seul l’éclat brutal et sauvage du jour qui s’affirme contre votre souffle, contre votre vie. Il y a dans le jour qui se lève, dans le Sahara Africain, comme défi, et comme un déni. Ici, dans ce temps de l’aurore, aucune forme de peut naître, aucune danse ne peut s’exercer, aucun chant ne peut monter, seul l’instinct et la prière contestent l’inévitable. Seul le murmure contredit le silence, seul l’acquiescement rassemble assez de force pour conserver le vertical besoin d’exister.

Et renouveler le pacte tacite du sixième jour. Il y a, dans le jour qui se lève, dans le Sahara Africain un enjeu qui concerne la grâce, l’extraordinaire puissance de la grâce, celle qui épuise tout, qui précipite tout, la chair et le sang, et qui terrasse et ruine tout orgueil et toute vanité. Ici, et seulement ici, chaque être est au-delà du péché.
Les solitudes sahariennes sont bien singulières, car ce qui sauve le jour c’est le crépuscule et ce qui le sacre, c’est la nuit. Si la constance et l’obstination vous soutiennent jusqu’au bout du soleil, jusqu’au bout de l’immensité plate et vide, alors le crépuscule vous guidera vers la nuit. Car ici, c’est la nuit qui délivre, qui défend et souvent guérit. Car c’est la nuit, et la nuit seulement, une fois que le jour est vaincu, que l’œil et l’âme se reposent du vide et du néant. La nuit du désert est une nuit vivante, et est, et seulement ici, à taille humaine, à la taille des rêves et la certitude. La nuit dans le Sahara Africain, il y a comme une bataille gagnée, et le sang peut battre à nouveau. Dans les nuits du déserts il n’y a pas de fantôme, pas de spectre pour nous hanter, les étoiles sont là et chacune est un mot qui n’a pas été dit, est chacune est une femme aimée, et chacune bat la mesure du temps, et chacune est prière exhaussée, promesse à venir. La nuit, dans la lente respiration du ciel, le regard enfin borné par la multitude innombrable des étoiles tremblantes, on peut enfin pleurer et vivre, et même mourir devient possible.
La nuit est là, ardente, presque blanche, elle est belle et franche et charitable comme une miséricorde. Et c’est enfin le temps du chant, fragile et invincible…

Les solitudes sahariennes sont singulières…
Ainsi de l’écriture et de sa solitude comme seule maison…..
Franck

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Commentaires
J
Cet après-midi, j'étais chez mon père, entre deux rendez-vous.<br /> Nous parlâmes du désert, il y a passé de nombreux mois, il m'a dit avoir aimé ce temps. Il m'a décrit l'arrivée brusque des nuits, sans crépuscule, et celle des matins sans aurore.<br /> Il m'a parlé des points d'eau gelés au petit matin, mais dont le soleil avait vite fait de faire fondre la glace une fois le soleil levé, avec tout ce quartz qui réléchissait et diffusait la chaleur partout. Il m'a parlé des petits serpents et d'autres animaux qui l'importunaient.<br /> C'était la première fois qu'il me racontait ses souvenirs à ce sujet!<br /> <br /> Solitude, oui de l'écriture<br /> solitude du lecteur qui prend le texte à bras le corps, et le reçoit en plein coeur, parfois comme décharges de chevrotine.<br /> <br /> Et ne peut dire pourquoi ça lui fait tant de mal ou de peine à recevoir.<br /> <br /> Bonne continuation Frank
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P
haie, dans le désert, la soif à franchir, et satisfaire, la belle Satis, et ses yeux marmorréens, et le domaine du sable qui prend place sous les yeux du silence, car dans les yeux il y a silence dans cet horizon sans fin, et il n'y a que la soif, pas la faim, la soif du désert qui brûle comme elle attise, nos regards poussés au néant sous le souffle vagabond de l'air surchauffé, et ses multiples sables et erg qui roches au sec ne font que faire encore parler nos coeurs et s'extraire nos désirs, et de là à nous pousser comme le palmier dans les bras de l'oasis vision de nul part qui s'impose au néons des surfaces, le peut-être.
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L
il se pourrait qu'il y ait doublet, mais il me semble que le précédent commentaire n'est pas passé.<br /> je disais donc que d'une poussière d'etoile, nait, ici, sous mes yeux un bien âpre désert...et me voici transposée d'un univers à l'autres. Les mots désertent ma pensée, devant cet écrit de l'âme.<br /> J'ai lu et je reviendrai. Tes mots parlent en mon esprit.<br /> Il est bien curieux ce voyage fait ce soir.
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L
d'une poussière d'étoile nait, ici, sous mes yeux, ce bien âpre désert...me voici transportée d'un univers à l'autre...mes mots désertent ma pensée tant ce que je lis , est "écrit" de l'âme. J'ai lu et reviendrai dans cet univers qui est le tien, parce qu'il parle à mon âme.
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