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J'irai marcher par-delà les nuages
17 juin 2006

Nuit du ventre.....

Le jour replie sa lumière, tire le grand voile clair avec lenteur et faste, avec ce geste large et ample du crépuscule. Le jour se retire emportant dans sa ruine les lambeaux, et les hardes usées par le soleil et les images fatiguées et les paysages exténuées et toutes ces couleurs éreintés et ces nuances élimées par tant de regards frivoles, irréfléchis. Et la pauvreté de nos regards. Et l’insignifiance de nos croyances incertaines portées sur les lieux, le monde, les âmes. Capitulation du jour, défaites des vérités éphémères. Déroute de nos fraternités provisoires. Et nos amours qui s’effilochent, nos amours trop lourdes, impossibles à endurer, impossible à hisser, oriflammes froissés, chiffons délaissés.

La nuit.

J’ai une nuit sur le bord des paupières et jusqu’au fond de l’oeil. Une nuit entre mes mots. Au creux de ma parole. Une nuit ouverte comme une déchirure florissante. J’ai une nuit plantée dans le ventre, une nuit de viscères. Une nuit intestinale. Une nuit archaïque, séculaire. Une nuit d’avant les temps, d’avant les saisons. D’avant le jour. Nuit ouverte et sans fin. Et noire. Et Noire. Et noire. Flots noirs de ténèbres. Hémorragie d’ombres inquiétantes. Car c’est la nuit que les choses viennent, c’est la nuit que les choses naissent.

La nuit. Sans partage. Vaste lande de solitude et du dénuement. Nuit du ventre. Car nous venons de là. Du ventre et de la nuit. D’un ventre opaque et abondant et d’une nuit interminable. Nuit sans regard. Nuit du chaos décisif. Abyssal. Liquide de nuit. Flottement aveugle de nos peurs. Je suis de cette première nuit qui ne porte pas ne nom, de celle qui ne se dit pas, de celle qui s’invente elle-même, de celle qui se prolonge de sa propre épaisseur. Je suis de cette nuit qui s’arrache au néant, de celle d’avant la mort et d’après la mort. Temps cloaque. Temps du bercement. Temps sans mémoire, sans lendemain. Temps élémentaire, informe, brutal. Sans issue. Temps plat de mes premières noyades, de ce premier naufrage. Inondation des gestes, de la respiration dans cette mer saturée de nuit, dans ce débordement d’exigences sans forme, sans mot. Rien. Rien, que cette nuit et ce premier désir confus. Rien, que cette surenchère, que cette excroissance, que cette tumeur d’envie cellulaire. Je suis un débordement de chair, de néant, d’ombres flottantes, une simple exagération de la nuit, une outrance des ténèbres. Je suis la démesure de ce rien, qui s’épuise à s’ennuyer et à vouloir malgré tout. Vouloir comme une fatalité. Un vouloir sans grandeur et pourtant illimité. Monstrueux.

Nuit.

Je suis d’une nuit sans possible. Une nuit bordée d’aucun crépuscule, d’aucune aube. Une nuit sans étoile. Une nuit effarée. Affolée. Une nuit d’épouvante. Et de linceul. Une nuit sans rivage, sans continent. Une nuit faite de nuit. Sans autre recours qu’elle-même. Enfantement de nuit. Ombre sur ombre. Agonie sur agonie. Océan sur océan. Pierre sans visage. Pierre tremblante. Pierre recouverte de la peau d’un seul rêve. L’unique soie d’un rêve sans sommeil. Unique viatique pour passer de la nuit à la nuit. Toujours de la nuit à la nuit. L’unique muqueuse d’un rêve interminable. Membrane inquiète du désir.

L’écriture vient de cette nuit, de cette membrane, de cette inquiétude. Ecriture du ventre. Ecriture intestinale. Ecriture ouverte, béante. Ecriture qui n’a pas d’autre issue qu’elle-même. Ecriture de viscères et d’ombres. Ecriture du premier mouvement, qui s’exagère pour se survivre. Car juste après le chaos, il y a le premier mouvement, le premier mot, le seul, celui qui nous nomme, celui qui nous sacre, celui qu’on ne sait pas dire, celui qu’on cherchera tout au long du jour, celui qui s’effacera de nos encres. Mot trou. Mot néant. Mot nuit. Mot d’avant le silence. Mot creusé, excavé, évidé de son sens. Mot océan, au destin des marées infatigables. L’écriture vient de l’impossibilité de dire ce mot, de l’inventer même. Il est pourtant là, gisant dans le sang des veines, à l’affût de nos renoncements et de nos bandons. L’écriture est ce retour incessant au ventre, ce retour à cette première nuit sans forme. A cette première solitude débordante, comme un engloutissement. Et c’est un désastre. Et c’est une exaltation. Et c’est le seul chemin. De nuit. Toujours de nuit. Puisque c’est là que tout s’élabore. Puisque que c’est là que tout macère. Nuit, avec son suintement d’aurore. Nuit où les mots se vidangent, du cœur au sang et du sang aux premières lueurs du jour. Là où le rien s’effondre un peu plus pour laisser la place à la plus fragile des paroles, la plus faible, la plus vulnérable, celle naît de sa propre impuissance à se dire et de cette douleur qui accompagne les résurrections, et de ces chagrins accablants et de ces souvenirs poisseux.

 

Ecriture du néant posée sur la nuit, avec juste la peau d’un rêve autour des mots. Juste une membrane frissonnante dans la chair de la langue, juste ce désir comme la première étoile dans le tout premier ciel.

 

Franck.

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Commentaires
S
la nuit est un mirage immortel, comme un fleuve qui coulerait toujours,portant ainsi nos rêves vers le plus beau des pays...<br /> <br /> la nuit est un baiser volé: il effleure notre esprit et possède notre corps entier, il est éphémère et passionné. Mais au réveil, il n'est plus qu'un doux souvenir qui murmure à notre oreille...<br /> <br /> la nuit est gardienne du sommeil et de l'imagination sans limite que tu sembles avoir Franck! Crois en ces nuits, elles ne sont jamais inutiles, même les nuits douloureuses d'angoisse sont porteuses d'espoir et d'espérance...
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Y
Je connais ta nuit, elle ressemble à la mienne, nuit pas de répit, nuit qui nuit, nuit où je fuis dans le noir mais les yeux grands ouverts ... nuits blanches sur fond d'idées noires, nuits où l'on écrit, où les mots se délient, comme si d'autres les écrivaient à ma place ...
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O
Nuit je vois ton visage s’éclairer dans le ciel<br /> De milliers d’étoiles en forme d’étincelles<br /> Par la fenêtre ouverte qui laisse pénétrer<br /> Une abondance de sons semblables au chant des fées<br /> Les anges se promènent sur ta route d’argent<br /> Que la lune éclaire de reflets chatoyants<br /> Ils croisent en chemins les âmes tourmentées<br /> Recherchant le repos qu’elles ont mérité<br /> J’aime alors te rejoindre lorsque se couche le jour<br /> Pour glisser mes pensées lentement vers l’amour<br /> La douce fraîcheur du soir lèche ma peau qui frissonne<br /> Tout parait tellement beau que mon âme s’étonne<br /> Quand mon cœur plein de toi se met à déborder<br /> Noyant chaque partie de mon corps enfiévré<br /> Mon esprit qui s’évade sur un sourire coquin<br /> Navigue dans cette nuit en attente du matin<br /> <br /> <br /> Amitié poétique, Oasis...<br /> <br /> http://laudith.canalblog.com/
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O
Oh ! Nuit divine…<br /> Ton ciel est ton visage<br /> Les étoiles ton regard<br /> Et celles qui filent<br /> Ton sourire<br /> Des fins nuages<br /> Dessinent ta chevelure<br /> Et la lune est posée là<br /> Dans ta voûte céleste<br /> Tel un grain de beauté<br /> Mon cœur troublé<br /> Se gonfle d’allégresse<br /> Quand mon regard<br /> Se perd en toi<br /> De ma gorge s’échappe<br /> Un long soupir d’amour<br /> Qui file vers ton immensité<br /> Faisant alors vaciller<br /> Mille éclats de poussière d’or<br /> Puis quand lentement<br /> A l’aube naissante<br /> Mes yeux se ferment<br /> Les voiles de brumes<br /> Viennent t’emporter<br /> <br /> Amitié poètique<br /> <br /> Oasis<br /> <br /> http://laudith.canalblog.com/<br />
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C
Un crépuscule poétique où sous un nuage laineux les espoirs se fusionnent avec une pluie d'étoile et de désirs les plus secrets. Elle nous côtoient, nous innocent regard d'un avenir incertain mais immuable dans notre esprit .<br /> <br /> La noirceur de la nuit est la clarté de l'être humain à ce qu'il paraît....<br /> <br /> Tes proses sont très belles et j'aime ton style poétique rafiné et délicat <br /> <br /> Je me suis permise d'inscrire ton blog sur le mien<br /> poétiquement vôtre<br /> Christine B
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