Un peu de la fin.....
J’ai repris la lecture des « Carnets » de Louis Calaferte. Encore un maudit. Ca commence par la censure, ça fini par l’ostracisme des intellectuels.
Puissance de la création. Evidence brutale.
Rédemption.
Au fond du couloir de l’écriture, tout au fond, il y a une porte. On ne sait pas que l’on va vers elle. C’est « la porte étroite ».
Je n’avais jamais relevé la véritable dimension religieuse de l’oeuvre de Calaferte. Plus précisément, mystique. Un Christianisme, débarrassé du catholicisme.
Au creux du poème gît l’absolu. Irréductible confrontation.
Et je sens mes défaillances, chaque fois que ne donne pas assez généreusement ce qui m’est demandé. Qui en soi, demande, exige ? A qui refusons-nous ?
Le texte exige tout. Tout et tout de suite. Que signifie : tout. Parfois, je sens le danger. Un vrai danger. Mais parfois seulement.
Accepter le mystère. L’idée d’un mystère.
D’un inconnaissable.
Avec son frère l’indicible.
« Ce qu’on appelle « inspiration » est capacité de s’introduire mentalement dans la zone de notre infra conscience, domaine des puissantes attaches cosmiques ; en même temps aussi, probablement, que d’un amalgame de lointains « existant », qui sont comme nos fondations psychiques. A condition d’être en disposition de l’utiliser, le coup de sonde est toujours récompensé. »
« Capacité de s’introduire mentalement »… j’aurais rajouté physiquement.
L’art du sorcier.
Sourcier.
Chercher le vivant dans l’inanimé. Ou l’inanimé dans le vivant. « Le coup de sonde… »
Il y a des jours de découragement. Et cette révolte contre soi. L’impossibilité de maintenir l’élan. Le geste.
Le texte déchire le présent. Parfois il l’efface.
Même la mémoire se dit au présent.
Ecrasement des temps.
« Le coup de sonde… »
Les fleurs blanches des grands acacias flottent dans l’air de l’automne qui s’avance. Fin de partie. Les branches lourdes des lumières de l’été font leurs révérences.
Obstination des saisons. Dans la rue, les femmes font encore danser leurs ombres dorées. Peaux dénudées. Poitrines solaires parfumée d’huile amoureuse. Regards étoilés de chairs. Dernières danses avant la blancheur des temps. Femmes acacias.
J’ai un hameçon fiché dans le présent. Qui peut bien tirer sur la ligne ?
J’ai des souvenirs plein les mains. Un humus odorant. Pétrissage vain.
Il y a un abîme. Sans fin.
Le manque. Et l’absence, et le silence que je tisse. Non, qui « me » tisse.
Il y a un abîme, qui pourtant finira bien.
En creux. L’existence au pochoir. Le silence suit les contours de ma parole. Il dégage des formes. L’abîme du silence, j’ai souvent l’impression que je n’en reviendrai pas. Vertige. Peur. Exaltation.
Violence. Absurde, mais nécessaire.
Le lyrisme comme une forme sublime de la violence. La volonté de dépasser. Redoublement de la vague. Explosion de l’écume. Joie brutale de l’exaltation. Comme dans le désespoir. Extase misérable.
Je suis d’un pays qui n’a pas de frontière.
Pas de roi, pas de sujets.
Quel est le sujet de l’écriture ?
Il manque lui aussi. Un grand vide.
Dans chaque mot. Une lande à traverser.
Claude Louis-Combet arpente les landes de la parole, accroche sa plume aux buissons ardant de la conscience : « Que sommes-nous hors des mots qui s’efforcent de dire ce que nous sommes. Cette conscience qui, dans l’écrit, prend conscience d’elle-même et se découvre soudain comme chose de texte parce que le texte est, tout entier chose d’humanité particulière, ne peut mener à bien son opération de métamorphose et de transsubstantation que dans l’immobile mouvement d’une adhésion toujours plus complète au silence qui la fonde (dans son origine) comme au silence qui l’attend (dans a fin). »
Je suis d’un pays qui n’a pas de frontière.
Aux terres désossées.
Les saisons en mourant emportent avec elles un peu plus que tu temps, un peu que des souvenirs. Un je ne sais quoi qui blesse.
Peut-être qu’elles tirent sur l’hameçon.
Le texte déchire le présent. Parfois il l’efface.
La question de la fin se pose toujours.
Ecrasement des temps.
Franck.