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J'irai marcher par-delà les nuages
30 septembre 2006

L'écrivaine.......

La parole du matin n’efface jamais totalement la nuit. Dans la rosée des mots on décèle parfois quelques chagrins inconsolés.

Inconsolable.

Et chaque matin il nous appartient de réinventer la langue. Et chaque matin il nous faudrait renommer toute la création.

ÐÑ

Dans ce coin d’univers où elle est posée, elle nous dit l’attente sombre, et le monde qu’elle voit au balcon de sa mémoire. Ses jardins. Ses jachères.
Il faut imaginer, c’est une silhouette ballottée par les remous d’une onde fraîche, une forme frissonnante dans la marge transparente des jours frivoles, une figure dénudée et chaste, une figure d’horizon dans le reflux des saisons. Chaude icône aux cheveux de brouillards à la peau blanchie d’écume.
Et ses yeux ont cette brillance singulière, où dans le même mouvement des paupières apparaissent la joie gourmande de la vie et la tristesse, sans laquelle cette joie n’aurait aucun sens.
Des yeux ardents écarquillés sur l’envers du décor.
Un regard ruisselant qui donnent de la lumière au royaume qu’elle habite.

Un sourire la pare souvent, un sourire de perle dessiné avec un souvenir d’enfance, le sourire lunaire des consolations enfantines avec son infinie douceur, son infinie langueur. Oui, l’infini de l’amour fragile prêt à défaillir.
Un sourire la pare, à moins que cela soit des larmes d’une jeunesse arrachée au ciel.
Elle confectionne un paysage de textes avec une incomparable aisance, ainsi elle le ferait d’un bouquet tumultueux de fleurs sauvages. Fleur à fleur. Mots à mot.
Chez elle chaque texte est une chrysalide. Et de ses seuls doigts elle fait naître les papillons des mots. Et parfois sa main glisse sur le clavier, elle caresse les touches comme si elle traversait mille vies.
Chaque jour elle s’embarque pour un voyage qui pourrait la déposer sur les rivages brûlants des passions crépitantes. Navigation incertaine, presque hésitante, toujours au bord d’un naufrage. Les textes sont les nuages qui la guident. Qui la sauve, ils sont les alizés qui portent sa dérive, les albatros qui lui composent et saisissent l’âme.

Tout le jour elle est dans le mouvement des mots, dans leurs couleurs, leurs cendres, elle est dans le blanc de la page entre le noir des lettres, elle écoute leurs histoires.

Alors elle se sent pénétrée par un grand fleuve.

Chaque texte est fait de sa chair et de l’attente, de l’attente et de l’amour, de cet amour inachevable et son souffle se suspend lorsque survient des réponses inconnues, réponses de blessures ou de solitude claire. C’est un vertige enivrant, car elle connaît leurs folies désarmées, leur transparence secrète, cette part épuisée qu’ils charrient. Elle sait les secourir en les enchantant d’un regard d’amour, en leur prodiguant le geste d’abandon essentiel : ce baiser protecteur qui les éclairent.

Et lorsque le lecteur, ombre de passage, traverse son temple pour cueillir quelques mots, tel le promeneur absent dans un champ de coquelicot, elle n’oublie jamais un dernier frôlement comme elle le ferait sur la joue rose d’un enfant.

Quand vient la nuit dans l’obscurité religieuse de sa petite maison de mots, bien calée entre deux silences, elle entend laLady_20Writing_20a_20Letter_20_vermeer__jpg voix des textes, leurs chants. Et le chuchotement des heures. Elle est alors un port scintillant qui veille sur le balancement des barques, la sentinelle des mots, la gardienne d’un phare sur l’océan de la langue, une lueur de crépuscule sur nos chemins d’espérance. Elle est assise, attentive, et sa beauté est émouvante par l’évidence de son regard qui dit l’amour dans sa part de murmure, de don, dans sa part la plus effondrée, celle qui gît au plus profond, dans sa part d’enfance ressuscitée presque sauvée de la nuit, des blessures et des souillures, et des oublis, et des méprises.

Calme et douce, elle ressemble aux souvenirs comme une source, comme une eau gorgée de musique, de nuances étranges, une eau qui laverait le ciel de nos peurs, un baume de vie pour l’errance.

Chaque nuit elle chante, parfois elle vole, et la course des étoiles s’organise autour d’elle avec lenteur et mesure, car elle a le pouvoir d’arrêter le temps, de le suspendre. Elle n’est pas une ombre, son sang est rouge et il coule comme un torrent fier. Et elle ne dort jamais, parce qu’il faut veiller sur tous les fantômes de sa maison hantée, ils pourraient envahir la terre. Alors elle surveille. Armée de ses mots et ne laisse rien passer. Surtout pas nos faiblesses, nos complaisances. Elle est là, dans la nuit. Elle veille.

Elle écrit.

« Mon amour, tes plus longs silences sont mes plus beaux poèmes...

Mon amour sais-tu que l'étreinte est la forme la plus accomplie du langage.
Mon amour sais-tu que l'absence de l'étreinte est la forme la plus accomplie du dénuement.
La puissance d'un désir abandonné.

Mon amour crois-tu que c’est le début de la folie….

Mon amour que pourrais-je taire afin que tu m’entendes... »

ÐÑ

La parole du matin n’efface jamais totalement la nuit. Dans la rosée des mots on décèle parfois quelques chagrins inconsolés.

Inconsolables.

Et chaque matin il nous appartient de réinventer la langue. Et chaque matin il nous faudrait renommer toute la création.

La parole du matin

Se reconnaît à ce qu’elle n’a pas d’ombre,

Elle s’avance, nue,

Dans l’éclat éblouissant de la lumière,

C’est une parole qui brûle la langue

Et qui consume l’âme.

Franck

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Commentaires
0
Je me permets d'envoyer ce lien,qui me semble aller dans le sens du questionnement de Laure :<br /> <br /> http://parolesdesjours.free.fr/bataille.htm
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F
Oui, la question est compliquée Laure... et je ne suis pas certain de l'avoir résolu en totalté. Je m'y emploie. Et c'est difficile pour moi...<br /> Je te répondrais le plus complètement possible en privé.<br /> Ces raisons, tu verras, sont diverses, parfois triviales, parfois dues aux circonstances, au hasard...
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L
Je vais essayer de faire court, mais ta réponse serait importante pour moi.<br /> <br /> je crois que le truc sur la chair était une petite pique liée à mon irritation/culpabilité autour de l'écriture, notamment quand il s'agit de "belle écriture" (je ne développe pas, je suis sûre que tu vois à peu près bien).<br /> <br /> Je saisis bien, pourtant, le caractère VITAL (et pas du tout cabottin ) de ta démarche, qui te rapproche de ta juste place. Elle passe par l'acte d'écriture. <br /> <br /> Je voudrais savoir ce qui t'entravait auparavant pour DEVENIR toi, et qu'est-ce qui a fait que tu as, comme je l'ai lu, "lâché" ? Comment on se jette à l'eau de son existence, qu'on l'investit enfin, au lieu de rester sur le bord ? (oui oui, il y a des réminiscences personnelles ;).<br /> <br /> C'est une question compliquée sans doute, à la réponse intime. Si tu préférais me la faire en privé, je t'enverrais un mail valide. Le mien donne mon nom de famille et je ne le souhaite pas.<br /> <br /> Je pense que ta réponse pourrait m'aider. Je suis en grande réflexion, et souffrance, à ce sujet.
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F
En fait Laure, je ne sais pas.... ce n'est pas nous qui décidons de cela... la seule chose qui nous appartient c'est d'être à l'ouvrage, avec parfois la main qui tremble... et le coeur las...et d'autres fois avec une joie impossible à décrire...<br /> Mais, plus on sert de près un corps, quel qu'il soit, plus la parole s'efforce en nous...
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L
Est-on encore écri vain lorsqu'on étreint, nuit après nuit, une femme que l'on aime...
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