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J'irai marcher par-delà les nuages
24 mars 2007

La porte de l'infime....

La plus grande place en soi pour que l’infime y entre. Seul le plus petit, le plus fragile, le plus éphémère nous éclaire. Parfois nous sauve. Les grands événements nous sont le plus souvent étrangers, et nous feignons de l’intérêt pour eux. Rien ne nous bouleverse tant qu’un éclat particulier de la lumière du jour, qu’un visage entre aperçu au détour d’une rue, que la pirouette de l’oiseau dans un ciel bleu. Rien ne nous ébranle comme ce saisissement brusque de nos chairs, prises dans le regard de bonté de l’amoureuse. Rien ne nous étreint comme le saugrenu qui surgit ou l’insolence du printemps.

Il n’y a pas de grands soirs, seulement de petits matins. Nos heures sont des fleurs de talus, et de minuscules lucioles parfois les éclairent.

Ecrire nous oblige, après l’exhumation de nos morts, à revenir aux instants pauvres. Nos moissons d’écriture sont laborieuses. Peu de grains, les épis sont mangés par l’oubli, et les rêves s’en vont avec l’été. Ecrire c’est marcher sur le chemin des saisons et se laisser surprendre par l’éclat d’un caillou, l’odeur des buissons ou de la terre mouillée après l’orage.

La plus grande place en soi pour que l’infime y entre. Car nous manquons d’attention, d’application, de vigilance. Nous sommes sans soin et nous dépensons le temps avec la désinvolture des nouveaux riches. Le monde pense à notre place et cela suffit à nos illusions.

Mes journées d’écriture sont vides. Intensément vides. Voluptueusement vides. Une place infinie pour chaque instant. Et l’attente dénudée, sans impatience. Et l’avancée lente et cadencée dans le texte. Avec ce sentiment d’une urgence sacrée.

Car dans ce temps il y a aussi des luttes cosmiques, c’est un temps ouvert. Vif.  Ardent. Brûlant. Fait d’absence totale. De déraison, aussi. Car dans ce temps il y a des douleurs, des douleurs accueillies. C’est le temps de l’infime. Du petit, du fragile. Du consentement. On s’offre à notre vie pour enfin l’inviter, et la reconnaître. La recevoir en retour.

A la jonction des mots, dans cet espace qui les sépare, des univers font leur révolution. Dans ces silences qui trouent le texte des arcs-en-ciel se faufilent. Et chaque texte pèse le poids des siècles lorsqu'il passe la porte de l'infime.

Franck.

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Commentaires
P
Cultiver intensément le vide en soi n'est-il pas le seul moyen de repousser le Néant, dans lequel on souhaiterait tant nous enfermer ? Le mot prend place en une écoute intense et dépouillée du monde. Alors les images prennent place …
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S
Dire comme ces lignes infimes portent les babages de l'écriture... son essentiel, son regard, la tenue de son corps tout entier... C'est bien peu dire.<br /> Dire alors, juste, comme je me sens proche de ce texte, Franck.
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