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J'irai marcher par-delà les nuages
5 janvier 2008

L'océan glacé......

L’hiver, l’océan nous parle une langue inconnue. Il roule son indifférence hautaine. Il y a de l’arrogance dans sa houle. Du dédain. Il parle fort, d’une voix musculeuse, avec le détachement des dieux, la désinvolture des puissants. Et parfois de sourds ricanements.

 

 

 

L’hiver, l’océan est un défi. Une menace. Largement ouverte sur le froid. Une béance froide et mugissante. Et la menace vient qu’il n’y a pas d’interruption dans la virilité frontale de l’océan. L’hiver. Et le vent glace toute pensée. Glace et efface toute pensée. L’homme ne s’articule plus à l’espace, au mouvement. Droit sur la plage il est une écharde. Moins qu’un galet, moins qu’un coquillage. Et brusquement il le sait. Il est dans l’évidence. Aucune parole ne tient. Et il le sait. Alors il se tait. Et silence et vacarme vont du même pas, l’hiver, quand l’océan roule son indifférence hautaine.

 

 

 

Et les portes de l’exil sont ainsi. Bruyantes et muettes. Inconciliantes. Incommensurables. Il n’y a pas de méditation du froid. Là, toute pensée est d’abord résistance. Tenir l’affirmation d’une résistance. Il n’y a pas de poésie du froid. L’imaginaire du froid est un imaginaire séparé. Coupé. Tranché. C’est d’abord l’imaginaire d’un refus.

 

 

 

L’hiver, l’océan nous parle une langue inconnue et que l’on comprend parce qu’on l’a toujours su. Le vacarme et le silence de la mort. L’écrasement et le froid. Le vent et son murmure lancinant. Litanie d’une mémoire inaccessible. Comme la mer dans son avancée impossible et constante. Interruption des vagues, de la terre, de la mémoire. Invraisemblable mouvement en avant. Enroulement du temps qui nous lie en se déliant. Et la parole qui accompagne. Parole inaudible hormis la voix qui la porte et la pose, là, au bout des terres connues, à l’orée de l’hiver et de l’océan.

La voix chante, et c’est une plainte. On sait que c’est une plainte, même si l’on n’entend pas le sens. On sait que c’est une plainte. L’oubli est le râle de la mémoire, son chant plaintif. Quel est ce temps d’hiver ? Quel est ce temps dans le temps ? Cette vague dans la vague ? Cet océan qui bat en moi ? Et ce froid qui glace ma voix.

 

 

 

Je suis un égaré. Je n’ai pas trouvé ma question. Alors toutes les réponses sont fausses. Inadaptées.
Nous oscillons sur nos lignes de fuite, funambule de l’errance avec toujours une liberté de retard, à contre temps des marées, tâtonnant à travers nos phrases à la recherche des mots, des rythmes qui sauraient s’allier à notre voix. Adoucir la discordance. L’annuler. Effacer l’horizon. Tout recommencer. Ou tout finir. Bâcler la fin.
Car l’écriture ne nous rend pas la vue. Tout juste nous introduit-elle au silence. Et à l’absence. Tout juste nous pose-t-elle à un endroit de nous-même un peu plus supportable. Elle n’efface pas l’illusion. Peut-être, est-elle l’illusion suprême.
La seule qui vaille, ou la plus dérisoire.

 

 

 

Il n’y a pas d’écriture du bonheur. Et aucun savoir ne nous guette au bout de la phrase. Aucune rémission. Les mots s’effacent les uns les autres, les suivants renieront ceux qui précédent, et jusqu’à l’épuisement. Il n’y a pas d’accroissement de la parole, tout au plus une redite, une tentative toujours échouée. Une aggravation. Un enroulement. Un retour. Et un effondrement d’écume dans la voix.
L’océan n’a pas de centre. Il n’a que des rives perdues, des lieux de fin, des morts toujours recommencées, et jamais assouvies. Il est l’épuisement inépuisable. La permanence effrayante. La mort qui s’avance en nous comme une arabesque. Pleine. Dépourvue d’ombres. Pure présence, qui nous assigne à la notre, la suggère, parfois la révèle.

 

 

 

Il y a dans l’écriture comme le sacre des saisons, un surcroît de présence, un dévoilement, un océan patient. L’écriture dans son incessant retour, élève notre voix pour l’accorder à celle de l’océan. Il n’y a pas d’accroissement de la parole, simplement une élévation, une aggravation, le sens d’un redressement, sans doute pour que la mort nous frappe à l’endroit le plus haut. Juste à l’endroit de l’étonnement.
L’éblouissement des ténèbres.

Franck

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Commentaires
E
L'écriture, l'océan...le mystère du mouvement.
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B
N'en doute pas, ton écriture est le sang de tes mots, et ils ont la beauté de tes ressentis, là où brûle tes émotions les plus sincères de ce que tu es : soit un être merveilleux de sa fragilité... Persévère que je puisse encore me réjouir de ta lecture souple et ondulante comme une mer sans récifs apparents... Bien à toi.
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F
Merci B de passer ici, dans ces lieux si peu philosophiques, ta lecture précise, sensible et attentive est un encouragement....
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B
Un hymne à l’étourdissement… belle retranscription ! Merci de tes apothéoses.
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F
Merci Coumarine, de ton passage ici, et de ce petit clin d'oeil. Cela me touche, de te savoir fidèle, même de loin en loin. Le petit lien tient bon, fils ténus, mais je crois qu'ils sont les plus durables, parce que les plus sincères...<br /> Je te souhaite à mon tour le meilleur pour cette nouvelle année, et surtout de garder cet enthousiasme et cette tendresse que tu sais si bien dispenser à ceux qui s'essayent à l'écriture, l'acte le plus dérisoire et le plus miraculeux qu'il soit...<br /> Merci Coum....
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