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J'irai marcher par-delà les nuages
10 février 2008

Comme une langueur désolée....

Parce que la vague est un envoûtement. Et que sa puissance vient de loin. D’un ailleurs. D'un autre temps. Parce qu’elle a commencée bien avant notre regard, comme la lumière des étoiles. Comme un long écho du temps. Comme une langueur désolée.

 

 

 

Les vagues naissent d'un endroit secret de l'océan. Nul n'en sait le lieu. Tous le redoutent. C'est un lieu de puissance et d'effondrement. C'est le lieu de la mer qui invente les naufrages. Là, au centre de ce lieu, il a un point, un point minuscule, si petit qu'il n'a pas d'espace, c'est sans doute un point d'orgue. On sait qu'il existe, mais nul ne l'a vu, et nul ne pourra jamais le voir, c'est là que naissent les vagues. Toutes les vagues.

 

 

 

Elles naissent d'une inquiétude de la terre et d'une résonance, une sorte de vibration, elles naissent d'un murmure des dieux, elles naissent d'un désenchantement, d'une affliction, comme ces mères qui accouchent, et au moment de l'apparition de l'enfant hésitent entre la joie et le désespoir. Comme une langueur désolée.
Il y a dans la naissance des vagues comme un haussement d'épaule de l'océan. A peine. Mais suffisant, comme un désintérêt, une sorte de dédain ou d'indifférence, comme si l'océan était déçu par les rêves de l'humanité, comme s'il s'en retournait chez lui au centre des abîmes, et que le haussement d'épaule, ce tremblement de colère rentrée fasse naître les vagues. Un long frissonnement venu des âges de l'univers. Comme une langueur désolée.
Dans l'envoûtement de la vague il y a cette mémoire douloureuse et cette oscillation, et cet ébranlement des eaux du dédain, et le rappel incessant de notre indigence, cette espèce d'absence, cette perpétuelle défaillance.

 

 

 

L'écriture de l'eau qui roule, tente de reprendre le mouvement d'avant, celui dont on vient. Reprendre la main sur le tangage des rêves et la vacillation de la raison. Comme la danse du chamane, comme s'il s'agissait de rappeler les forces premières, celles du sang ancestral, de retrouver le pur, le non corrompu. L'inaltérable. Appeler la démence et l'ivresse du balancement, et les faire rentrer sous sa peau, et les faire glisser le long des os, tendre ses viscères à ce brassement monotone jusqu'à l'écœurement, jusqu'au vomissement. Comme une langueur désolée.

 

 

 

C'est une écriture de la mémoire et de l'oubli, de l'amour impossible, et de la mort trop lente et trop loin, c'est une écriture qui s'aveugle sur l'horizon, et qui tremble, et qui s'essouffle. L'écriture de la mer ce n'est pas l'écriture du voyage, elle n'a pas cette tension secrète et sourde, ce n'est pas l'écriture de l'ailleurs, du partir, elle a trop de retour dans sa langue, trop de langueur dans sa perte, trop de folie dans son ignorance. L'écriture de la mer ne porte pas l'espérance, elle n'est pas la bouteille qui contient le message, elle n'est qu'une vague. Que la vague. Une et innombrable. Elle n'est qu'une eau dans l'agitation de son errance, elle n'est qu'elle-même, dans cet au-delà d'elle-même toujours renouvelé. Elle n'est que simple extension de la clarté. Expansion de l'abandon. Elle n'est que son instant dilaté, sans autre volonté que de l'être pleinement. Infiniment perdue, infiniment retrouvée. Elle se contient, elle se résiste et si elle ploie parfois, si on l'entend se briser, c'est pour mieux se recomposer, mieux se concentrer. Aller de l'éclat du mot à l'esquille de la parole. Aller de l'identique défait de l'habitude, à l'identique enveloppé de sa propre recomposition. Embrun paradoxale de l'infime et de l'immense. Paradoxe de la plénitude et du doute. De la dérive. Et de l’oubli. Comme une langueur désolée.

 

 

 

Il y a dans l'écriture de la vague une sauvagerie insoupçonnée, née des profondeurs immobiles qu'elle recouvre, et de cette résignation à ne signifier rien d'autre que le mouvement, que la présence. Une présence débarrassée de l'ombre, car elle est l'égale du soleil. Elle porte sa propre lumière, c'est ce qui la rend si étrange. Si envoûtante.

Et le soleil si révérencieux à son égard.

 

 

 

Il y a dans la vague un envoûtement, venu de sa patience, et de son entêtement à reformuler sans cesse la mer dans totalité, et dans ce renouvellement de l’attente, et dans cette joie inquiète qui la fait se gonfler, et dans la résignation qui la fait s’éclater. Il y a dans cette respiration la forme d’un chant inhumain. Le chant de tout ce qu’il y avait avant et de tout ce qu’il y aura après.
Comme une langueur désolée.

 

 

 

 

 

 

Il y a sur le bord de la vague un rire d'enfant ou un rayon de lune, c'est ce qui la blanchit et lui donne la force d'aller au bout de son enroulement, d'aller au bout de son outrance dans la profusion du verbe, et dans cette démesure lancinante.

Le soleil dit : « Je suis... ». La Mer dit : « Je consens... ». Et la vague murmure : « Je m'efforce.... Comme la graine et la fleur, je m'efforce... comme l'arbre, je m'efforce. »
Que pourrais-je dire, moi l'insolent, moi le piètre, moi le vivant fragile ? Que pourrais-je dire, sinon, je m'efforce.

Dans l'écriture de la vague je m'efforce, comme dans une prière débarrassée de ses faux dieux. Une prière sans adresse, comme le rire d'un enfant qui perce la lumière.
Malgré cette langueur affligée.

Franck.

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Commentaires
F
Merci à toutes et à tous d'être venus déposer vos émotions ici.<br /> Vous savez comme elles m'importent.<br /> Pardonnez-moi de n'être pas aussi présent qu'il le faudrait.<br /> Alors mille gratitudes de ne pas vous lasser....
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C
Un baiser, juste un. <br /> <br /> Le mercantile voudrait que ce jour soit spécial, alors je te donne un baiser, juste un.
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C
l'écriture de la vague me fait aussi penser à la parole de l'analysant qui vient, s'approche, se retire, revient, se retient, s'étale et s'éclate .<br /> Cette parole comme cette écriture ne connaît pas le mot fin.<br /> Très très belle écriture .<br /> "Dans l'écriture de la vague je m'efforce..."<br /> Dans l'analyse, on se lâche ou... on s'efforce de se lâcher, de lâcher prise.
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E
Sublime écriture, je vais maintenant inscrire ton site sur ceux que je visite. Continue je me sens dans posé dans tes mots.<br /> <br /> Elie
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B
« Elles naissent d'une inquiétude de la terre… ». Et si elles naissaient d’une joie profonde, d’un enchantement, d’un émerveillement de la vie ? Un entêtement reformuler sans cesse pour témoigner que l’ondulation est l’approximation de la courbe, du cercle de nos pérégrinations pour rebondir inlassablement aux plaisirs d’exister ? Et si on s’efforcer à se réjouir ?
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