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J'irai marcher par-delà les nuages
1 mars 2008

Que deviennent nos cris qui ne sont pas criés ?.....

Nous sommes des revenants. Nos yeux connaissent déjà le paysage sans fin de la mort. Nulle frayeur dans le regard. Seulement une grande lassitude. Le retour est toujours plus éreintant. Le déjà vu épuise le sang. Ce perpétuel retour constitue est la forme la plus aboutie de notre aller simple. C’est pour cela les miroirs. Nous sommes en marche vers un en-deça de nous même. Un déjà vécu sans conséquence. D’ailleurs il ne faut tirer aucune conséquence. Les conséquences sont les pires des illusions, elles tiennent nos heures dans la prison des temps clos.

 

Le difficile c'est l'enfermement dans propre demeure. C'est l'impossibilité d'ouvrir les portes de sa maison. On est à l'intérieur. Et rien ne pénètre. Ni lumière, ni voix. Rien. Et rien ne sort. Les verrous sont tirés. Ni la nuit, ni le jour, rien ne pénètre.
Ne plus écrire. Trop simple.
Tout a été écrit, ça veut dire que rien n'a été dit. Que tout est à formuler. Une autre fois. Jusqu'au bout. Jusqu'à la fin. Psalmodier jusqu'à l'ivresse. Même si c'est inutile. Surtout parce que c'est inutile. La mélopée n'est plus sacrée, elle n'atteint plus les cieux. Les a-t-elle atteint un jour ? Est-ce important ?
Respirer. Faire entrer l'air. Profondément. Sentir l'échange des gaz dans le sang, dilater les poumons. Respirer. Seulement ça.
Ecrire que l'on respire. Ecrire que l'on sent l'air se mélanger, que c'est la seule chose que l'on maintient. Que tout est organique. Qu'il n'y a qu'une chimie. Qu'une organisation de molécule. Un échafaudage de particules. Et que c'est ça qu'on écrit. Jamais rien de plus. Que tout le reste n'est qu'une boursouflure. Qu'une triste illusion.

Il faut repartir du début. Du cri. Reformuler le cri. L'équation du cri. Un cri débarrassé de sa douleur, de sa peur. Un cri pur, net. A l'état brut. Un cri sans chagrin puisqu'il les contient tous. Sans cause. Le cri comme le premier mot. Le seul audible, le seul compréhensible.
L'enfant qui naît sait déjà tout. Il crie. Après il passe sa vie à oublier le cri. Il passe sa vie à oublier qu'il savait. Derrière chaque geste, derrière chaque parole, ce qui compte c'est le cri. Faire entrer l'air dans ses poumons. Déployer le cri. L'épaissir. L'aggraver. Lui redonner sa nécessité. Son immédiateté. Et son acharnement. Appeler le cri. D'abord dans ses poumon, à l'endroit des échanges des molécules, à l'endroit où le dehors devient du dedans. Quand le dehors devient du dedans, il devient un cri. Toujours. On ne le ais pas, parce qu'on a oubliée le moment du naître. Le premier échange des molécules qui devient un cri. La première vérité, sans doute la seule qu'on ne dira jamais. L'originelle affirmation. Car le sourire n'est qu'un cri dévoyé, un cri qui s'est déjà compromis, un cri qui a déjà vendu son âme. Et le rire, n'est qu'un cri prostitué. Une forfaiture. Ecrire la signe.
Que deviennent nos cris qui ne sont pas criés ? Sont-ils musique ou poésie ? Sont-ils torrents ? Bourrasques ? Sources ou plaintes dans les landes de bruyères ? Supplique ? Oraison ?
Que venons-nous, nous qui ne crions pas ? Que pèse notre vie sans cri pour l'alourdir, pour l'enraciner ?

Alors remonter le fil du souffle. Respirer intensément. Sentir le froid de l'air passer dans l'incendie du sang. Et n'écrire que ça, l'effondrement du dehors dans le dedans. L'écrasement des molécules dans les chairs vivantes, respirantes. L'écrasement devenir pulsations, vibrations. Et jusqu'à la convulsion. Psalmodier jusqu'à l'ivresse. Du souffle sur du souffle, et le cri qui se déploie dans une extirpation somptueuse. Du souffle qui frotte sur du souffle. Du sang noir pour du sang rouge, élévation lente, cène sanglante et hurlante. Cérémonie solennelle du cri initial, annonciateur, prédicateur. L'engramme. L'ordalie.

 

C’est après qu’arrive le chant.
Le chant... D'abord la voix. Le texte doit tenir dans sa voix. Tenir en entier. L'œil seul est muet et il n'entend rien au chant. Beethoven est sourd, mais il continue de jouer. L'œil n'est pas suffisant il a besoin de ses doigts pour entendre.

 

Le chant relie la chair au verbe

 

Que le chant... L'exhalaison de la matière du mot. Le dépassement du mot dans sa traversée. Chopin jusqu'à la dissonance. Aller jusqu'au bout de l'audible, juste avant que l'harmonie se casse. Il y a cet instant juste avant la brisure. Dans Chopin, il y a toujours un point d'effondrement, une note par où passe la lumière.

 

C'est l'accident dans la parole qui la révèle.
L'impact.
Le trou juste avant le mot. Juste après.

 

Décider d'écrire dans les trous, dans les manques. Se donner une chance de mourir. Là.
Inventer de l'éternité pas parce que c'est beau. Parce qu'il le faut.

 

L'arbre ne fait pas du beau, il fait de l'arbre. Il fait de la puissance d'arbre. Il est constant dans son désir d'arbre. Il est constant dans sa chair d'arbre.
Il s'efforce. Autour du nœud. Autour de la folie qui durcie sa mémoire. Il invente ses branches dans les saisons à venir. Autour du nœud ligneux. Et il appelle le vent et la tempête. Et il appelle ce qui peut le briser. Ce qui doit le briser. L'arbre écrit.

 

On le sait à cause du chant. Et de ses renaissances perpétuelles. Et la bûche dans le feu dit son poème, raconte sa légende. Les amoureux qui s'y chauffent le savent. Ils entendent, ils écoutent la voix de l'arbre, la chair de l'arbre. Et le feu est l'âme de l'arbre. Et quand le bois craque c'est un silence qui se contracte, c'est le chant de la puissance de l'arbre. C'est la chaleur des étés, c'est les neiges d'hiver, c'est le vol des oiseaux. Et jusqu'aux cendres.

 

Nous sommes des revenants. Nos yeux connaissent déjà le paysage sans fin de la mort. Nulle frayeur dans le regard. Seulement une grande lassitude. Le retour est toujours plus éreintant. Le déjà vu épuise le sang. Ce perpétuel retour constitue est la forme la plus aboutie de notre aller simple. C’est pour cela les miroirs. Nous sommes en marche vers un en-deça de nous même. Un déjà vécu sans conséquence. D’ailleurs il ne faut tirer aucune conséquence. Les
conséquences sont les pires des illusions, elles tiennent nos heures dans la prison des temps clos.

Ecrire efface ma trace. Me retranche de l’avalanche des peurs. Je suis dans un reflet de silence. Ecrire délimite un bord. Une ligne franche, brutale, presque coupante. L’en-deça et l’au-delà. Il y a le bord et il n’y a rien. Plus rien n’existe, pas même le vide. Rien. Des lieux et des temps qui n’ont pas la force d’exister, ou alors qui ne l’on plus.

Les miroirs sont autistes. Et cela afflige leurs voix. Ils ne diront rien des temps de la fin.

 

Franck.

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Commentaires
F
En fait Danielle cela s'adressait plustôt à moi, une pensée qui me poursuit...<br /> D'une part la répétion de nos thèmes de prédilections, souvent je ré-écris...<br /> Et le fait aussi, que l'on invente rien, au cours des siècles tout à été dit, et cela nous oblige, nous qui essayons d'écrire, à une évidente humilité...<br /> Soyez assurée que je ne me serait jamais permis de sous entendre quoi que ce soit. Mais cette phrase de Shakespeare collait si bien à mon texte, qu'elle a ouvert ma rêverie....<br /> Merci Danielle,<br /> <br /> Amitié.
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O
Franck, vous êtes d'une délicatesse infinie.<br /> Je radote, je me répète !<br /> Merci de me le dire si élégammant.<br /> <br /> Amicalement.
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F
Je vous remercie de votre passage Danielle, et de cette trace laissée là...<br /> Je suis toujours étonné, et ravi, de voir combien tout a tellement été dit, et depuis tellement longtemps... au fond c'est rassurant cette constance dans le si grand désordre humain. Redire c'est porter un peu plus loin la flamme...à chaque instant la flamme se renouvelle. C'est toujours le même feu, jamais la même flamme...<br /> Amitiés et à bientôt...
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F
Oui, B, ce sont avec des petits riens qu'on panse les blessures du ciel, avec des petits riens qu'on fleurit nos balcons de misères...<br /> Tous ces petits riens, si lourds à porter, si difficile, parfois, à offrir....
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O
"Le chagrin qui ne parle pas murmure au coeur gonflé l'injonction de se briser" <br /> Shakespeare<br /> <br /> Amitié à vous, Franck
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