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J'irai marcher par-delà les nuages
19 avril 2013

Cartographier....

Texte après texte je tente de cartographier un pays inconnu, inconnaissable sans doute. J’en sais la vacuité, mais en ressent l’impérieuse nécessité. Cartographier c’est dessiner des lieux. Des lieux exacts, des lieux réels. Tracer des séparations là où il n’y avait que du blanc, que des terra incognita. Délimiter. Tracer des routes, des chemins, des possibles. Nommer, surtout. Donner des noms. Un lieu qui n’a pas de nom, n’existe pas, ou bien il n’est qu’un rêve. Nommer c’est faire sortir du néant. Sur la carte on place des signes, des symboles qu’on arrache au néant. Dans un coin de la carte on fait un petit rectangle, on l’appelle « légende ». Tout tient dans ce mot : légende. On ne peut pas lire une carte sans la légende. Cartographier c’est écrire une légende. Traduire, l’impénétrable. Dire du sens, créer un lien, donner une forme au rêve. C’est inscrire le temps dans l’espace. Raconter.

Texte après texte je tente de cartographier un pays de légende, je dessine les plaines, les mers, les déserts, les fleuves, les îles, je trace avec précaution

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les frontière, les passages, j’indique les puits et les labyrinthes de la langue, j’inscris l’illimité dans l’infime du signe.

 Au départ il a fallu arpenter la mémoire, puis aller au-delà de la mémoire, placer des jalons sur les lieux archaïques, sur les restes, les ruines, il a fallu
marcher, errer dans ses joies et ses douleurs, recueillir un à un les mots de la légende comme autant de trésors cachée.
Arpenter se fait avec une chaîne d’arpenteur. Là, c’est le mot chaîne qui est important, la chaîne, c’est ce qui tient deux choses solidement, les rendant inséparables, le réel et l’irréel, l’espace et le temps, la vie et la mort.

Lorsqu’on arpente, on est toujours dans un au-delà, on est toujours dans le lieu d’après, alourdi de tous les lieux déjà traversés. Car il faudra  enfanter le langage oublié de la légende. Comme si les mots étaient des enfants perdus. La chaîne est là qui tient la parole et l’empêche de s’effondrer.
Arpenter c’est charger un navire et tracer un horizon, c’est dessiner les lignes du temps, là où elles se égarent dans les méandres des souvenirs, c’est espérer ne plus s’oublier dans les angles du renoncement, de la fatigue. Arpenter, c’est écrire un lieu où la nuit aurait désertée les jours, mais dont l’ombre serait encore là, toujours menaçante, fascinante, comme l’ultime tentation.

Après, il y a la carte. Où l’on reporte chaque mot, chaque signe. On écrit la légende.

Dans chaque carte il y a l’appel d’une autre carte à venir, chaque légende appelle une autre légende, le connu appelle toujours la menace d’un inconnu. C’est souvent cette menace qui nous sauve. Puisque les cartes sont sans fin. Les cartes nous disent toujours celles qui manquent.
Les légendes ne disent pas tout.

Les terra incognita, sont des terres voilée, sous le blanc demeure la nuit, cartographier c’est entrer peu à peu dans la nuit. C’est la faire entrer dans la légende. Dévoiler une nuit, c’est en dire une autre plus profonde encore.
La nuit est immobile, c’est ce qui permet au rêve de se déployer, le songe est le seul mouvement qui s’oppose à la fatalité des jours. Ce qui nous relie à la carte c’est le rêve.

Le voyageur n’utilise jamais de cartes. Les cartes, sont des rouleaux de papier donnés à une humanité lointaine, indifférente. Parfois inquiète. Les cartes sont toujours inutiles, vaines, pourtant nécessaires.

Les légendes sont entre la vie et la mort. Elles sont à la frontière. Elles ont déjà le langage de la mort. C’est cela qui nous attire dans les contes. Comme si entre le déjà mort et le encore vivant il n’y avait que l’épaisseur d’une ombre, et que là se tiendrait la légende, dans cette langue qui va vers la nuit, et qui peut-être, s’y trouverait déjà.

Cartographier c’est refaire un voyage silencieusement, et en accepter la métamorphose. Les signes que l’on inscrit sont toujours illisibles, c’est pourquoi on les raconte sans cesse, comme les légendes. Comme si rien n’avait vraiment existé. Comme si le sens n’avait pas d’importance. Comme si rien n’avait vraiment d’importance. Hormis la patience à transcrire le long silence languissant qui accompagne les légendes.

 

Franck.

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