Déluge...
Il y a toujours eu la mer, et le mouvement, et le souffle, et le regard qui s'abîme. Dans la contemplation des flots il y a le souvenir d'un déluge, d'un engloutissement, d'une catastrophe incommensurable. La mer nous menace toujours d'un trop long silence, d'une trop longue absence, et d'une mémoire tragique. Quand elle monte ses marées, quand elle revient vers nous, c'est pour nous désigner, c'est nos plaintes qu'on entend, dans les vagues qui meurent à nos pieds, elles redisent sans cesse le châtiment toujours possible, et que les dieux ne sont pas indulgents. Puis, lorsque la mer reflux, elle emporte avec elle nos lambeaux de vie défaite. Nos paroles s'ensevelissent, nos rêves se décomposent, il nous reste alors l'oubli comme seule innocence, et l'ennui comme seule liturgie. Avec le reflux revient la nuit.
Nous n'écrivons jamais nos pensées, il y a si peu d'idées, si peu de pensées... nous écrivons nos peurs, et cette mémoire, et ce déluge d'avant. Écrire c'est faire pénitence d'un drame crépusculaire qui nous a précédé, et dont nous ne savons rien. Écrire c'est entendre l'océan traverser nos âmes, et unir un cri au lent mouvement des flots qui agitent nos chairs inquiètes. La mémoire de l'écrire nous menace toujours d'un trop long silence, d'une trop longue absence, et d'un déluge, d'un engloutissement, d'une catastrophe incommensurable. Écrire, c'est dire l'exil qui nous guette, et les tempêtes, et les vagues, et les cieux qui s'y noient.....
Franck