Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
3 mai 2017

- 30 - Du chaos dans l'azur...

Chaque mot du texte est un morceau de solitude. Il est un pays clos, un monde à lui tout seul, qui nous laisse souvent à l’extérieur, un peu démuni. Pantelant.
Chaque mot du texte charrie des âmes mortes. Nos âmes mortes.
Chaque mot du texte devient Charon qui nous fait payer cher la traversée du fleuve. L’oubli. Il réclame son dû, sa part de vie tremblante, sa part de chair écarlate.
Chaque texte est une nef vagabonde sur les eaux noires. Vacillante. Toujours au bord du naufrage.
On regarde l’écran avec la forme de la page blanche. Le clavier, avec les lettres. Un champ de bataille de lettres inanimées. Le chaos.
Au départ, c’est toujours un chaos. J’ai toujours ce sentiment de chaos. L’ordre du monde est une apparence, il suffit de souffler dessus pour que la confusion se révèle.
Écrire nous donne l’illusion d’une mise en ordre. Au chaos du monde, j’inscris mon propre chaos. Écrire est d’abord une désunion. Aux rumeurs du monde, ma voix étouffée s’ajoute. Du bruit sur du bruit. Du chaos sur du chaos.
La cathédrale de pierre s’élève. Les architectes voulaient le plus grand, le plus puissant pour dire la foi. Le plus haut pour la citadelle de prière. Vaste maison de pierres, de lumière, de lourd, d’impalpable. De pesanteur, de beauté. D’ordre. Tout autour de l’édifice, un peuple de statues, dressé dans la rigueur de la pierre taillée dans l’éternité. Un peuple de saints racontant l’histoire de l’humanité, les peurs, les faiblesses de l’homme, racontant l’enfer et le paradis. La grande arche, ce portique en ogive sous lequel la foule passe. Inépuisable cortège de misère, qui passe sous l’ordre de dieu. Puis la foule entre, baissant la tête, dans le grand livre de pierre. L’ordre de l’éternité.
Nous ne pensons que par ennui ou par peur. L’intelligence protège ou tue, c’est pour cela que l’on ne peut pas écrire avec de l’intelligence. Écrire, c’est le contrepoison.
L’intelligence est si peu amoureuse.
L’attente et le rêve. Le rêve qui s’enlise. La patience dans l’indifférence du ciel et des étoiles.
Écrire n’est rien, sinon le chant. Le chant passager. Écrire, reste le sourire de l’ange inscrit dans la pierre de la cathédrale de Reims.
Écrire est une désunion, une désolidarisation. C’est quitter l’ordre du monde pour rejoindre le chaos du vivant. Le chaos de l’azur.
L’ouragan de bleu dans la symphonie des étoiles.
Le sourire de l’ange n’efface pas la pierre, il la rend supportable. Il nous dit : rien n’est sérieux puisque tout est grave. Une tempête d’espérance pour ensevelir nos ombres.
Chaque mot du texte est un morceau de solitude. Il est un pays clos, un monde à lui tout seul, qui nous laisse souvent à l’extérieur, un peu démuni. Pantelant.
Chaque mot du texte charrie des âmes mortes. Nos âmes mortes.
Chaque mot du texte devient Charon qui nous fait payer cher la traversée du fleuve. L’oubli. Il réclame son dû, sa part de vie tremblante, sa part de chair écarlate.
Chaque texte est une nef vagabonde sur les eaux noires. Vacillante. Toujours au bord du naufrage.
Il y a des solitudes là-dedans.
Des tristesses dans la pliure des lettres, à l’articulation des mots. Les élans que l’on espère nous viennent du souffle de nos héros défunts.
Il y a des enfers dans les mots que l’on écrit. Des petits, des grands enfers. Car les mots ont le gout de la fin. C’est leur façon d’être en avance sur nous, d’une saison, d’une vie, d’une mort.
Les mots que l’on écrit ne sont pas des mots, ce sont des comètes. Derrière leur lumière, ils trainent une longue queue de misère. Des cataclysmes . Des mémoires. Le texte est un engloutissement. Il sacre une disparition.
Le sourire de l’ange n’efface pas la pierre, il la rend supportable. Il nous dit : rien n’est sérieux puisque tout est grave. Une tempête d’espérance pour ensevelir nos ombres… et passer à demain… et passer à demain…

Franck

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
J'irai marcher par-delà les nuages
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 167 992
Catégories
Pages
Publicité