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J'irai marcher par-delà les nuages
7 mars 2021

Dialogue de l’ange et de l’enfant…

 

Le texte est le labyrinthe obscur de la voix qui tente de le dire.
Le lieu du combat. Le lieu du serment et des dettes. Le lieu des ébranlements, des chaos.
Entre la voix et le texte, il existe toujours une distance. Une résistance définitive. Des temps antagoniques. Des univers irréductibles. La confrontation des points cardinaux.
La parole est une errance qui n’atteint jamais sa cible.
Le destin de l’écriture est un voyage sans fin. Traversée des sables ou des mers. Elle est sans chemin. Elle est en pure perte. C’est ce qui la rend invincible.
Parfois, le silence forme des iles, des portes dans l’océan infranchissable.
Parfois, persévère un reste, un surcroit qui déborde du texte. Parfois seulement. Des mots se décrochent, tombent, comme s’ils avaient trompé la vigilance du porteur de voix. Des mots débordés. Comme le coolie qui renverse l’eau du seau dans son transport. C’est l’eau rare. L’eau fertile. L’eau détournée. L’eau qui ne sera jamais bue. L’eau du retour. L’eau évadée. L’eau libre. L’eau qui fait fleurir les talus, celle qui inventera les routes futures. Des mots perdus. Comme de l’eau renversée.
Parfois, il y a un reste, un surcroit qui déborde du texte.
Parfois seulement.
Cela s’appelle la poésie.
Y a-t-il des paroles qui ne soient pas destinées ? Y a-t-il des paroles qui n’aient pas de direction ? Des paroles évadées, débarrassées des illusions, des sortilèges aussi bien que des grâces. Des paroles sans intention. Existe-t-il des paroles assez égarées, assez perdues ? Existe-t-il des paroles assez pures pour être assez pauvres ?
Coquelicot dans les chaumes d’un champ de blé.
Parole affranchie de la voix des moissons.
La voix se perd dans des paroles jamais assez nues. Toujours impudiques.
Écrire bien au-delà des marges. Dans la pliure. Dans le givre. Dans le désir dessaisi. Écrire dans l’affaissement. Le retrait. La défaite. Voilà, la défaite, jusqu’à l’excès, jusqu’à l’étourdissement. C’est sans doute cela la perte. L’excès, la saturation, le vertige, l’ivresse. Dans la voix suspendue ou dans le silence cent fois enduré. Peut-être que la poésie est aussi, cette transpiration de la voix. Cette sudation. Un excès de fatigue sous le soleil.
Le murmure d’un gisant.
Comme un suintement. L’exhalaison d’un soupir.
Le poème, c’est ce qui sépare la nostalgie du désespoir.
Il y a du fracas là-dedans, comme un éclat de verre qui retient une part de soleil. Coupure du réel. Les vérités sortent de cette coupure. C’est pour cela qu’elles sont rouges.
Il n’y a pas de savoir. Uniquement une voix qui erre dans le labyrinthe sombre du texte. Aucune connaissance ne nous sauve, hormis de pauvres révélations, ce fragile tremblement, qui ne signifient rien de plus qu’un fragile tremblement. Rouge. Nostalgique et rouge et mélancolique. Tremblant.
Une parole dans la pliure de l’univers. Une parole d’angle mort. Un puits abandonné dans le désert, qui s’offre au temps. À la solitude. Au mystère de la soif et de l’attente.
Aux épousailles de l’oubli et du vent.
Alors, seulement commence la parole du ventre, le dialogue de l’ange et de l’enfant.

Franck.

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Commentaires
F
😉
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C
Oui😊❤️
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F
Ecrire, nous affranchi des temps. Ecrire invite un présent jaillissant, intense, définitif.<br /> <br /> Ce jaillissement efface nos ombres, fait fuir nos démons. Il suffit d’être là, profondément là, infatigablement là. Ce qui advient après est un surcroit. Ce qui advient pendant pourrait nous briser, mais les douleurs s’apaisent dans le souffle du texte, et dans l’aurore qu’il promet…<br /> <br /> Franck
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C
« Accorder la stridence au silence » comme c’est joliment dit...<br /> <br /> Il est là le défi, le chalenge, à relever dans le jeu de la vie. <br /> <br /> A chaque instant, ne pas oublier ce «qui » précède..., ce qui donne le La, ce qui met en mouvement l’incroyable manège...<br /> <br /> Le sentir, le ressentir, le marier à nos éphémères quêtes, à ce qui va et vient, pour que son parfum a jamais nous entête jusqu’à donner vie à nos arcs en ciels. <br /> <br /> De plus en plus, les êtres s’éveillent à ce qui fait leur beauté , à l’intime qui les porte...<br /> <br /> les mots sont une musique , un chant qui n’a pas toujours besoin d’être mis en phrases pour que le sens en soit saisi...le souffle qui les vibre, souvent suffit. Katy
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F
Dans « écrire » une voix nous parle. Une voix nous sait. C’est une impression étrange.<br /> <br /> Cette voix nous totalise. Bien sûr cette vois déborde, excède, elle est un au-delà, et un en-deçà.<br /> <br /> Elle naît d’un mystère, d’un insaisissable, elle naît d’une houle intérieure, d’un océan qui brasse nos jours.<br /> <br /> Le mouvement, le souffle, l’horizon, et ce terrible désir d’harmonie. Accorder la stridence au silence, accorder le chao à l’espérance…<br /> <br /> Merci Katy pour vos éclairages et cette bienveillance et ce talent de dire…<br /> <br /> Franck
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